Vigilance sur le marché de la protéine
Alors que le marché de la protéine se développe, la vigilance s’impose sur les origines des compléments alimentaires pour abeilles. Témoignages recueillis dans les Hauts-de-France.
Alors que le marché de la protéine se développe, la vigilance s’impose sur les origines des compléments alimentaires pour abeilles. Témoignages recueillis dans les Hauts-de-France.

Inquiets des périodes de disette ou pour optimiser leur élevage, les apiculteurs s’interrogent sur le nourrissement de leurs colonies. C’était le thème de la dernière journée d’études de l’ADA Hauts-de-France, en septembre 2024 à Thiescourt, dans l’Oise.
La pratique du nourrissement au miel est répandue, de même que le recours au sirop pour compléter les stocks d’hiver ou encore l’usage de stimulants (miel + eau ou sucre + eau) pour le développement des jeunes essaims.
Les interrogations sont plus fortes sur les apports en protéines. « On sait à peu près “imiter” le nectar par du sucre, mais pas le pain d’abeilles », souligne Claude Joly, vétérinaire à Lumbres (Pas-de-Calais) et référent de l’Observatoire des mortalités et des affaiblissements de l’abeille mellifère (Omaa) dans les Hauts-de-France. Il invite les professionnels à bien réfléchir sur la qualité des pâtes protéinées et autres compléments, lui qui constate « le fort développement du marché de la protéine depuis la fin des années 2010 ». En témoignent le nombre de stands dédiés sur les salons apicoles ou le nombre de publicités et publications qui leur sont consacrées. « Qu’ont apporté ces compléments ? S’agit-il d’une mode ? On n’a pas dix ans de recul sur ces pratiques », souligne-t-il.
Les apiculteurs tentent d’y voir clair
« Le risque n’est-il pas que l’apiculture répète les mêmes travers que d’autres filières agricoles, comme la filière lait, que l’on artificialise à outrance la production ou que l’on pallie chaque problème par un médicament ou un substitut ? » interroge Sylvaine Charpentier, apicultrice en bio à Thiescourt (Oise), elle-même bien consciente de l’importance de l’enjeu des protéines : « Des carences freinent le développement des colonies ou provoquent des maladies comme la loque, surtout une saison comme 2024. »
« Les abeilles ont besoin d’une variété d’acides aminés précis à des moments précis », rappelle Nicolas Lucas, vétérinaire praticien et apiculteur à Crèvecœur-le-Grand, près de Beauvais (Oise). « Le saule marsault procure un excellent pollen pour démarrer les colonies, ajoute-t-il, lui pour qui récolter du pollen de colza pour l’élevage ne semble pas en adéquation avec les besoins nutritionnels à ce moment-là. » « Dans notre région, où le colza domine au printemps et où l’on observe des carences estivales, on fait avec ce que l’on a », nuance Patrick Vandecasteele, apiculteur à Marchiennes (Nord).
Ce dernier utilise une centaine de kilos de pollen par an pour constituer sa propre pâte (miel, pollen, eau) destinée à ses ruches éleveuses et ruches à mâles. Il se fournissait jusqu’alors auprès de collègues de la région pour compléter sa propre production ; il envisage de la développer désormais avec une quarantaine de trappes à pollen. Lorsque, passé le printemps, la ressource diminue, il complète ses préparations avec de la levure de bière, disponible auprès des fournisseurs apicoles (eau, miel, levure). Pourquoi ce choix ? « C’est facile à mettre en œuvre et simple à digérer pour les abeilles », répond Patrick Vandecasteele, méfiant vis-à-vis des pâtes « dont on ignore l’origine des protéines ».
Faute de recul ou face au manque de ressources naturelles abondantes, de nombreux apiculteurs reconnaissent l’usage de pâtes protéinées prêtes à l’emploi. Mais, soucieux d’une meilleure prise en compte de la biologie de l’abeille, les mêmes s’interrogent sur son usage à long terme.