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Quand la nuit ne dort plus, les butineuses non plus

Une étude expérimentale publiée dans la revue Nature montre que des abeilles exposées en continu à une lumière artificielle dorment moins et voient leur rythme veille-sommeil se décaler au bout de trois à quatre jours.

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La transhumance de nuit faite sous forte lumière est susceptible de dérégler le cycle naturel des abeilles.
© Ooh collective

Une expérience sous lumière constante

Le résultat de l’étude publiée dans Nature est net : sous lumière constante, les butineuses finissent par dormir moins et de façon plus désorganisée, à partir d’environ 79 heures d’exposition. Leur rythme circadien « flotte » et se décale par rapport à un cycle naturel 12 h jour/12 h nuit, alors que des abeilles maintenues dans l’obscurité gardent un sommeil plus stable.

Pour établir ce constat, des équipes de l’University of California (San Diego), de l’Universidad La Salle (Mexique) et de Berea College (Kentucky) ont suivi 281 abeilles issues de seize colonies, logées en cages et observées cinq jours. Trois régimes lumineux ont été comparés : lumière constante, obscurité constante et un cycle témoin 12 h/12 h. Les caméras infrarouges ont permis de quantifier le sommeil en observant certains marqueurs comme des antennes et des pattes immobiles ou une respiration discontinue.

Des abeilles en quête d’ombre

Sous éclairage artificiel, deux effets saillants apparaissent : les abeilles choisissent de dormir dans les zones les moins éclairées (partie basse des cages, où l’intensité lumineuse est sept fois moindre), et leur sommeil est plus souvent interrompu par les contacts de congénères, signe d’un environnement social « activé » par la lumière. La mortalité n’a pas différé entre groupes.

Quand le sommeil conditionne la performance

Pourquoi s’en soucier au rucher ? Parce que le sommeil n’est pas un luxe : il conditionne la précision de la danse frétillante et donc l’efficacité du recrutement vers les ressources. Comme chez nous, le sommeil permet de consolider la mémoire et l’apprentissage. Un déficit de sommeil rend les signaux moins fiables et peut, in fine, réduire la performance collective de la colonie.

Une exposition parfois bien réelle

Or, les sources de lumière artificielle nocturne se multiplient : lampadaires, enseignes, projecteurs d’exploitation, etc.

Si la ruche est sombre par nature, les auteurs rappellent aussi que, dans l’obscurité, la sensibilité visuelle des abeilles peut être multipliée par un facteur 1 000, ce qui les rend vulnérables même à de faibles lueurs persistantes pouvant provenir de l’entrée de la ruche. Le risque est par ailleurs accru lors du phénomène de « barbe », lorsque les abeilles forment des grappes de nuit à l’entrée de la ruche par forte chaleur, ce qui est (et sera) un comportement de plus en plus fréquent.

Un champ encore à explorer

L’échantillon modéré et le protocole en conditions de laboratoire constituent des limites importantes de l’étude et ne permettent pas, à ce stade, de conclure sur des effets au rucher. Néanmoins, ces travaux ouvrent un champ d’étude nouveau et rappellent surtout qu’il existe de nombreux paramètres subtils et encore insoupçonnés qui peuvent influer sur les abeilles et leur comportement.

Limiter l’impact de la lumière nocturne

Éviter d’installer des ruchers à proximité immédiate de sources lumineuses puissantes (lampadaires, projecteurs, enseignes).
Orienter ou capoter les éclairages pour réduire les fuites directes vers l’environnement.
Programmer l’extinction nocturne des lampes quand cela est possible, surtout en zones agricoles et rurales.
Lors de transhumances, privilégier des ampoules à spectre chaud et limiter la part de lumière bleue, particulièrement perturbante pour les insectes.
Sensibiliser les collectivités, agriculteurs et particuliers à l’importance de préserver l’obscurité autour des ruchers et plus largement dans les paysages nocturnes.
Rédaction Réussir

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