Peindre ses toits de ruches en blanc : une solution contre les fortes chaleurs ?
Face à l’augmentation prévue des épisodes de canicule et de sécheresse, peindre le corps, les hausses et les toits des ruches dans des couleurs claires constitue une solution simple et facile à mettre en œuvre pour protéger les colonies.




Peindre ses toits de ruches en blanc permet en effet d’amoindrir les températures au sein de la ruche très facilement, souvent de l’ordre de 5 °C environ. Et afin d’ouvrir à d’autres perspectives, se posera aussi la question de cette solution sur la survie et le nourrissement hivernal, ainsi que l’impact sur l’infestation varroa en sortie d’hiver…
Les abeilles face aux chaleurs extrêmes
L’impact du changement climatique à l’échelle de la planète a des conséquences locales, y compris en Provence, avec des occurrences de pics de chaleur plus nombreux et une élévation généralisée des moyennes de températures, notamment en saison estivale1,2. Or les conditions climatiques (pluie, hygrothermie, température) ont un impact sur la physiologie et le métabolisme des abeilles, insectes poïkilothermes, ainsi que sur le comportement de la colonie. Les conditions de températures et d’humidité dans la ruche (HR) en activité sont des facteurs très importants pour le développement du couvain (33 à 35°C), des œufs (75 % HR), des larves (90 à 95 % HR)3, des nymphes et des adultes4,5, au même titre que les équilibres d’oxygène et de dioxyde de carbone. Des variations de ces conditions de températures dans le couvain peuvent influencer de manière positive ou négative les dynamiques de populations et leurs activités suivant les perspectives où on se place : par exemple, à 34,5 °C dans le couvain, la maturation des juvéniles en nourrices est accélérée, renforçant significativement leur capacité à prendre soin du couvain, mais au détriment de la durée de vie de ces abeilles6.
Les mécanismes internes de défense contre la chaleur
Afin de maintenir ces conditions particulières dans la ruche, les colonies peuvent adopter à l’échelle individuelle ou collective des physiologies endothermes et/ou ectothermes, en fonction des nécessités du couvain et des variations des facteurs abiotiques (température, humidité…). Les comportements et activités nécessaires à l’hygro-thermorégulation de la ruche en activité sont influencés par le métabolisme des individus, les réserves énergétiques pour les soutenir, les temps passés pour ce faire. L’hygro-thermorégulation a donc une influence très importante sur le devenir de la colonie.
Les apiculteurs tirent la sonnette d’alarme
D’un point de vue purement apicole, plusieurs apiculteurs provençaux ont ponctuellement fait remonter à l’Adapi les observations suivantes : désertion des parties hautes de la ruche ; effondrement des cadres de hausses et/ou des cadres de rives dans le corps, mort de la colonie si l’entrée de la ruche est obstruée par la cire fondue. Le sujet des HMF peut être également posé si les températures avant récoltes favorisent l’accélération des réactions enzymatiques : il suffit que le miel soit stocké pendant cinq à dix jours à 50 °C pour atteindre 40 mg/kg de miel d’HMF (en condition de laboratoire).
Vers une apiculture adaptée aux nouvelles réalités climatiques
Dans le cadre d’une apiculture raisonnée, l’enjeu est d’accompagner les colonies en les soulageant de cette sur-activité liée au changement climatique et aux épisodes de chaleur par la réduction ou l’atténuation de l’impact de ce type de stress thermique extrême. D’autant plus qu’il a été montré pour plusieurs espèces d’Apis mellifera, indigènes et exotiques à la France, un lien entre augmentations des températures extrêmes et sur-mortalité des colonies7.
La problématique de ce sujet abordée dans cet article ne réside pas dans la mise en œuvre d’un panel de solutions complémentaires mais fastidieuses et parfois coûteuses pour les apiculteurs. Au contraire, il faut viser à conforter, au regard des expériences déjà menées au sein de l’Adapi ou par d’autres structures, la mise en œuvre de solutions les plus simples possibles pour l’apiculteur : minimiser plutôt que s’opposer à l’apport de chaleur, en travaillant sur l’albédo ou l’effet du pouvoir réfléchissant du rayonnement solaire, afin de réduire les apports de flux d’énergie incidente.
Des résultats prometteurs confirmés par plusieurs études
Pour mieux cerner l’effet de la couleur des ruches sur leur température interne et sur la santé des colonies, plusieurs études et expérimentations menées en France et à l’étranger apportent des résultats convergents : peindre les ruches — notamment les toits — en blanc permet de réduire significativement le stress thermique.
Des études scientifiques internationales en appui
L’expérience visait à comparer les corps de ruches non peints à des corps peints avec des couleurs plus ou moins claires sur les différentes façades et toits de ruches non peints en bois et associés ou non à une plaque de plâtre en superposition.
Les corps peints en blanc et sans plaques de plâtre sur le toit de la ruche permettent d’atteindre une température interne favorable au développement du couvain. La différence pour cette modalité entre les températures de surface (max 39°C) et les températures internes sont les plus faibles (__SWYP_INC__ 36 °C). De fait, dans cette configuration, le travail de thermorégulation de la colonie s’en trouve minimisé par rapport aux autres modalités.
Une plaque de plâtre sur le toit des ruches n’a pas d’effet significatif sur la diminution de la température interne dans la ruche.
Les effets du rayonnement solaire sur les ruches inoccupées
Les travaux présentés dans cet article portent sur l’étude des aspects relatifs à l’énergie provenant du rayonnement solaire absorbé par la ruche et les échanges d’énergie par rayonnement infrarouge entre la ruche et les objets environnants. Les mesures sont réalisées dans un contexte de ruche non occupée par une colonie.
Les résultats montrent qu’un toit peint en blanc a un effet significatif sur la température dans la partie haute du corps (- 4.5°C) par rapport à un toit référence peint en noir. Le traitement des parois a un effet marginal. Mais si les parois sont peintes en blanc, on peut, en cumulatif avec le toit blanc, atteindre – 5°C dans la partie haute du corps. Il semble contreproductif d’ajouter un isolant solide sous le toit l’été. Une lame d’air semble être équivalente à l’ajout d’un isolant solide sous le toit l’été pour atteindre un objectif d’isolation intrinsèque grâce au déphasage jour/nuit. En hiver toutefois, un isolant solide sera plus performant.
Premiers tests participatifs en Provence : des résultats encourageants
Une première expérience participative a été conduite à l’été 2023 sur la mise en place de moyens de protections contre la chaleur et de mesure de température. Cette expérimentation avait pour vocation de comparer quelques techniques et astuces utilisées par les apiculteurs sur un même rucher.
Les résultats montrent une diminution moyenne de 5,5 °C au bénéfice du toit peint en blanc pour la modalité M4 (toit bois tôlé blanc vs toit bois tôlé). Les résultats montrent une diminution moyenne de 7.5°C dans le nourrisseur pour la modalité M2 (toit tôle nu vs toit tôle isolé par une membrane de carton de 26 mm en surface) et des extremums diminués en moyenne de 2°C pour cette même modalité M2 pour les températures relevées par les thermo-enregistreurs placés sur le cadre de rive côté soleil couchant. Les autres modalités M1 (toit tôle nu vs toit tôle nu aéré en sous-face) et M3 (toit bois tôlé peint blanc vs toit bois tôlé peint blanc + Phaltex vs toit bois tôlé peint blanc + Isobulle) ne semblent pas montrer de différences significatives.
Suite à cette première expérience en 2023, une seconde a été menée pendant la saison 2024-2025 en Provence. Elle avait pour objectif de déterminer si parmi les méthodes les plus efficaces comparées l’année précédente (modalité retenue M4 toits peints en blanc), cette dernière avait un impact positif sur la production de miel.
En ce qui concerne les seules données pour l’instant traitées (thermo-enregistreurs placés dans les hausses), nous avons observé une différence maximale de températures moyennes de 8 degrés entre les hausses aux toits peints en blanc de celles aux toits non peints (un maximum de 55°C ayant été atteint pour l’une des hausses au toit non peint).
Concernant la production de miel, il semble ne pas y avoir de différence significative quelle que soit la modalité envisagée. Nous notons toutefois une tendance à une répartition différente : les ruches à toits peints en blanc semblent stocker d’avantage de miel en hausse que les ruches à toits non peints.
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