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L’essentiel sur les suppléments protéiques

Les suppléments protéiques ne sont utiles que dans certaines conditions : l’existence d’une pénurie de pollen entraînant une ou plusieurs carences(s) en acide(s) aminé(s), les briques constitutives des protéines.

Les études sur les conséquences des suppléments protéiques sur les colonies d’abeilles sont nombreuses. Elles présentent des conclusions contradictoires (1), certaines mettent en évidence des avantages réels aux suppléments protéiques tandis que d’autres démontrent l’absence de bénéfices. Autrement dit, ces essais distincts ont été conduits dans des contextes différents, et notamment dans des environnements aux ressources alimentaires variées.

À utiliser seulement en cas de carences avérées

Étant donné le coût élevé des pâtes protéinées et la possibilité que cet apport soit inutile pour les colonies lorsqu’il existe déjà suffisamment de ressources extérieures, leur utilisation est à réserver aux périodes de carences avérées (lorsque vous observez des signes de carences ou bien en prévision de périodes météo défavorables, quinze jours de pluie en saison, par exemple).

Il en est de même pour les ruches éleveuses ou la fin de saison apicole, lors de la période de ponte des abeilles d’hiver : ces apports peuvent éventuellement être bénéfiques, mais uniquement en cas de carences en ressources alimentaires naturelles (et en complément des soins apportés à la lutte contre le varroa).

Comment réagira la colonie d’abeilles ?

L’apport de pâte protéinée soulève de nombreuses questions : la colonie réagira-t-elle en augmentant la quantité de couvain ou bien en diminuant ses propres efforts d’approvisionnement ? Qui en profitera : les butineuses ou les nourrices ? Quels en seront les effets : une augmentation de la durée de vie des adultes ou une meilleure gelée pour les larves ? Ces questions ne sont pas résolues.

L’apiculteur pourra déjà vérifier si les abeilles consomment réellement l’apport réalisé, en vérifiant non seulement sa consommation, mais aussi en vérifiant qu’il n’est pas simplement évacué par la planche d’envol. Pour cela, il est possible de déplacer un élément sous la planche d’envol pour collecter et mettre en évidence les débris évacués par les abeilles.

Aucun substitut ne peut à ce jour remplacer entièrement le pollen naturel

Les apports de pâtes protéinées sont des compléments temporaires. Ils ne peuvent pas suffire à eux seuls sur une longue période – les abeilles alimentées uniquement de façon artificielle sont plus sensibles aux maladies que celles alimentées naturellement (2). Il est conseillé de toujours utiliser au minimum 10 % de pollen dans vos recettes de pâte protéinée afin de proposer aux abeilles quelque chose d’attractif et de nutritif. N’utilisez pas de pollen de provenances inconnues, tel que du pollen séché du commerce ou provenant de ruches malades, car le risque de transmission est avéré.

L’idéal est d’utiliser du pollen collecté sur vos propres colonies pendant l’abondance printanière, via des trappes à pollen. Le pollen frais devra être correctement conservé : tri immédiat pour retirer tous débris et éléments montrant des traces de moisissures ou d’humidité, puis congélation immédiate après la récolte à -18 °C. À défaut, tri immédiat puis séchage maîtrisé, à une température inférieure à 40 °C (jusqu’à avoir un pollen « croquant »).

Attention : la déshydratation altère les éléments nutritifs et appétant du pollen (vitamines, ferments, flavonoïdes, stérols…), tandis que la congélation les préserve, tout en empêchant le développement de certains agents pathogènes. Au bout de deux ans, sa valeur nutritive est grandement diminuée.

Nourrir avec le pain d’abeilles

Concernant le pain d’abeilles, pollen lactofermenté stocké dans les alvéoles des ruches, sa valeur nutritive semble être supérieure à celle des pelotes de pollen frais. Sa fermentation agit sur plusieurs paramètres, dont la structure des granules de pollen qui sont rendus plus digestes ainsi que sur sa capacité à se conserver. L’activité bactérienne nécessaire pour cette fermentation souligne la symbiose entre l’abeille et son environnement microbien.

Cependant, ce pain d’abeilles est difficile à récolter et à stocker. L’apiculteur cherchera à s’approcher de la composition du pain d’abeilles lors de la réalisation de pâtes protéinées.

Réaliser des pâtes protéinées à base de pollen

L’apiculteur pourra privilégier des pollens « riches » pour réaliser des pâtes protéinées, en fonction de ceux dont il dispose. Mais attention, il ne suffit pas de les classer en fonction de leur teneur en protéines pour connaître « les meilleurs ». Il faut aussi tenir compte de leur composition – certains acides aminés sont « essentiels », c’est-à-dire qu’ils doivent impérativement être apportés par l’alimentation –, de leur attractivité, de leur digestibilité.

Liste des dix acides aminés essentiels (AAE) pour l’abeille : arginine, histidine, isoleucine, leucine, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, tryptophane, valine (selon DeGroot). L’isoleucine, la leucine et la valine sont les trois AAE nécessaires en plus grande quantité.

Dans la nature, les chercheurs observent que « dans de nombreux cas, les abeilles récoltent davantage de pollens pauvres en protéines, qui sont au total plus bénéfiques pour la colonie que de pollens riches récoltés en petites quantités » (3). La contribution globale à la nutrition des abeilles dépend aussi de la période de floraison et des quantités récoltées. Enfin, il n’y a pas que les plantes entomophiles (c.-à-d. « pollinisées par les insectes ») qui peuvent fournir du pollen. Les abeilles exploitent aussi de nombreuses plantes anémophiles (« pollinisés par le vent ») : saules, chênes, micocouliers ainsi que de nombreuses espèces de graminées (Poaceae) qui sont tous d’importantes sources de pollen pour les abeilles domestiques en quête de nourriture (4).

En cas de pénurie, les abeilles peuvent aussi collecter toutes sortes de substances « poudreuses » proches de la granulosité des pollens, sans hiérarchiser en fonction de l’intérêt nutritif (5).

Les substituts au pollen

Les substituts suivants peuvent être ajoutés afin de diminuer le coût de votre pâte protéinée même si celle-ci doit toujours contenir un minimum de 10 % de pollen afin de rester appétentes pour les abeilles. La granulométrie est importante pour être acceptée par l’abeille : prendre les granulosités les plus fines possibles (__SWYP_INC__35 µm environ ; les éléments de plus de 100 à 200 µm restent bloqués par les pièces buccales).

Attention, des cas d’adultération des miels produits par des ruches ayant reçu ces substituts ont été constatés sur le terrain, avec la présence de traces de levure entraînant une non-conformité avec la directive miel (6).

- La levure de bière lyophilisée et désactivée (saccharomyces cerevisiae) est un substitut acceptable, de texture et de composition proches du pollen, notamment en vitamines. Choisir une levure à forte teneur en protéines, au moins 40 % et à granulosité fine. Disponible auprès des fournisseurs d’alimentation animale.

- Une levure de laiterie (saccharomyces fragilis) peut être utilisée, uniquement si elle est incorporée dans une recette de galette (cette levure est trop grosse pour les abeilles).

- La farine de soja déshuilée est déconseillée. Elle est pauvre en vitamines et ne doit être utilisée qu’en mélange avec de la levure de bière. Elle doit être « toastée » après déshuilage. Certaines farines de soja semblent contenir des substances anti-appétantes qui repoussent les abeilles mellifères, voire des sucres potentiellement toxiques à haute dose pour l’abeille. Le soja est également un allergène pour l’humain et cet apport peut potentiellement contaminer certains produits de la ruche.

- Éviter les sources de protéines d’origine animale (produits laitiers, œufs…) parfois utilisés dans d’autre pays. L’abeille ne sait pas digérer correctement ces éléments.

- Éviter aussi les autres farines type châtaigne, pois chiches, etc. en raison d’un risque de présence de résidus dans les miels de ces apports, entraînant leur déclassification (tout miel ayant reçu un ajout quelconque n’est plus considéré comme étant « du miel »).

Ces substituts sont à incorporer dans une préparation contenant au minimum 10 % de pollen véritable !

(1)Voir la revue de publications proposée par Keller, Fluri et Imdorf 2005 ALP ou celle de Noordyke et Ellis 2021 ou encore « Fat bees, skinny bees » (Somerville, 2005).
(2)Fleming, Schmehl et Ellis 2015 ; Linpisky (Honey Bee Nutrition and Feeding) - les abeilles alimentées uniquement de façon artificielle sont plus sensibles aux maladies que celles alimentées naturellement.
(3)Liolios 2015, Grèce.
(4)Teale, 1942.
(5)Lipinski «honey bee nutrition and feeding 2019».
(6)Saffari, Kevan et Atkinson 2004

Composition moyenne du pollen et du pain d’abeilles

● Pollen ≈ 24 % de protéines ; 18 % de glucides ; 3 % de lipides ; des vitamines et des micronutriments.
● Pain d’abeilles ≈ 20 % de protéines ; 30 % de glucides ; 1,5 % de lipides (richesse en vitamines ++). 

Source : Lipinski - honey bee nutrition and feeding 2019

Comparaison des différents pollens

• Richesse en protéines « P % », voir tableau ci-dessous.

• Richesse en acides aminés essentiels (AAE) : aubépine (contient 10 des 10 AAE), châtaignier (en contient 8).

• Richesse en graisse (moutarde, citrouille), richesse en acide linoléique (pissenlit, pommiers)… 

• Forte attractivité : tournesol (pauvre en protéines mais très attractif, car riche en acide laurique)

• Effet +++ sur la longévité : prosopis (mimosa), ronce, peuplier…

Des dizaines de produits du commerce… à acheter ?

Il existe de nombreux produits tout préparés : pâtes protéinées, poudres à mélanger au sirop ou encore des « solutions d’acides aminés essentiels » à ajouter au sirop. Ces produits peuvent représenter un intérêt pour « lever une carence » observée sur le terrain, surtout lorsqu’ils disposent de tous les AAE.

Vous pouvez analyser la composition des produits du commerce (pâtes protéinées, suppléments…) sur la base de ces connaissances sur les besoins des abeilles : « entre 20 et 40 % de protéines (min. 15 %, max. 50 %) » ; « minimum 10 % de pollen » ; « richesse en AAE ».

Côté biblio

Références bibliographiques sur adafrance.org

Rédaction Réussir

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