Le frelon : des charges supplémentaires pour les exploitations françaises
Entre pertes de colonies, baisse de production et surcoûts multiples, le frelon à pattes jaunes continue de peser lourd sur la filière apicole.
Menée sur l’année 2023, une première enquête nationale de l’Itsap et de plusieurs ADA a posé les bases de l’évaluation technico-économique de l’impact du frelon. Deux ans plus tard, ses enseignements restent essentiels pour comprendre les pertes subies par les apiculteurs et suivre l’évolution de la prédation. Destinée à être reconduite, cette enquête constitue désormais un repère pour orienter la lutte à long terme et ajuster les stratégies de gestion du frelon.
Un prédateur qui pèse lourd
Le frelon frappe durement les exploitations apicoles françaises. Au-delà des pertes de colonies, il entraîne une baisse de production, des dépenses supplémentaires et une réorganisation du travail. Pour la première fois, une enquête nationale financée par Interapi et menée par l’Itsap-Institut de l’abeille et cinq ADA partenaires (Adapi, Adana, ADA Pays-de-la-Loire, ADA Bretagne et ADA Occitanie) dresse un état des lieux précis de cet impact économique et technique. L’objectif : mesurer les pertes à l’échelle nationale et régionale, selon le type d’exploitation et le niveau de pression de prédation, afin d’en estimer le coût réel pour la filière.
La moitié des emplacements impactés
Un quart des apiculteurs possédant plus de 50 colonies déclarent que leur saison est raccourcie à cause du frelon. Entre août et novembre, plus d’un rucher sur deux subit une pression significative, et plus de 10 % connaissent un niveau de prédation très élevé — dépassant dix frelons par ruche. Les résultats reposent sur les réponses de 167 apiculteurs (59 en Auvergne-Rhône-Alpes, 64 en Occitanie, 19 en Provence-Alpes-Côte d’Azur et 25 dans d’autres régions). Le frelon impacte directement la production de miel. En moyenne, les pertes de chiffre d’affaires s’élèvent à 31 % pour les apiculteurs de moins de 50 colonies et à 17 % pour ceux qui en ont davantage. Chez ces derniers, près de la moitié du cheptel de production (47 %) est affectée, et 17 % des colonies ont péri. Ces données proviennent de 74 apiculteurs ayant pu estimer leurs pertes, dont 29 possédant plus de 50 colonies. Tous apiculteurs confondus, 28 % ne subissent aucune perte, 33 % enregistrent des pertes comprises entre 1 et 20 %, 39 % subissent des pertes supérieures à 20 %. Le montant des pertes est estimé en utilisant le coût moyen national d’une colonie de production (180 €) et d’un essaim de l’année (135 €), rapportés aux déclarations des apiculteurs.
Des adaptations nécessaires
La pression du frelon impose de nouvelles interventions et contraintes : 28 % des apiculteurs ont été obligés de rechercher de nouveaux emplacements, 34 % en ont abandonné et 44 % ont effectué des visites ou des transhumances supplémentaires. Ces adaptations, nécessaires pour préserver les colonies, demandent du temps et augmentent les coûts logistiques. Sous la pression du frelon également, les colonies s’affaiblissent et leurs réserves diminuent. Il devient alors indispensable de les nourrir davantage. Le montant moyen du nourrissement supplémentaire est de 5 € TTC par colonie hivernée.
2023, une année record pour la lutte
Pour 61 % des apiculteurs interrogés (89 sur 145), l'année 2023 a été la plus difficile depuis l’apparition du frelon. Les dépenses liées à la lutte et à la protection des ruchers confirment cette tendance. Plus de la moitié des investissements réalisés depuis le début de la lutte ont été effectués sur la seule année 2023. En 2023, les pertes globales sont élevées et les écarts marqués selon la taille de l’exploitation : de 20 € HT par colonie pour les apiculteurs de plus de 50 colonies à 51 € HT pour ceux de moins de 50 colonies.
Des résultats à consolider
2023 a été l’année où la pression du frelon a été la plus forte, avec un pic entre septembre et mi-novembre. Le frelon engendre une baisse moyenne de production de miel de 17 % et des pertes de cheptel le plus souvent comprises entre 1 % et 20 %. Les apiculteurs professionnels s’adaptent davantage : recherche et abandon d’emplacements, transhumances, visites supplémentaires. Le recours au nourrissement reste plus limité, avec un surcoût moyen de 5 € par colonie. Les données recueillies reposent sur des déclarations d’apiculteurs, que l’Itsap et les ADA partenaires remercient pour leur participation. Cette première enquête met en lumière des tendances nettes, mais qui devront être confirmées et enrichies par de nouvelles données. L’enquête, désormais reconduite chaque année, permettra de confirmer ces tendances et d’enrichir cette première photographie nationale.
Pourquoi une enquête ?
Cette enquête sur l’impact technico-économique du frelon en 2023, diffusée en ligne en décembre 2024 par Résapi, vise à fournir des références technico-économiques nationales et régionales utiles aux apiculteurs, aux OVS et aux décideurs publics pour appuyer la mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre le frelon asiatique. La Synthèse a été réalisée par l’Itsap-Institut de l’abeille et cinq ADA partenaires (Adapi, Adana, ADA Pays-de-la-Loire, ADA Bretagne et ADA Occitanie).