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La thermothérapie dans la lutte contre varroa

La thermothérapie est une méthode alternative prometteuse pour lutter contre varroa destructor, mais elle doit encore faire ses preuves sur le terrain.

La lutte contre varroa au moyen de la chaleur est un concept séduisant permettant d’intervenir à tout moment sans risque de résidus pour les produits de la ruche. Cependant, l’intérêt pour l’hyperthermie a du mal à décoller, du fait de dispositifs électriques nécessitant parfois une puissance importante, mais aussi de manipulations parfois chronophages pour sa mise en œuvre. Plusieurs dispositifs aux caractéristiques et protocole de chauffage parfois différents existent, cependant il reste difficile d’obtenir des références sur leur efficacité contre varroa et leur mise en œuvre sur un nombre important de colonies. Pour tenir ses promesses la thermothérapie doit trouver un compromis entre efficacité et praticité, et être associée à d’autres moyens de lutte dans une stratégie globale de maîtrise des varroas.

Face aux limites des traitements chimiques contre varroa destructor (résistances, résidus dans la cire), la thermothérapie, méthode utilisant la chaleur pour éliminer les parasites sans recourir aux acaricides, suscite un intérêt croissant depuis les années 1980. Ce traitement repose sur la plus grande sensibilité des varroas à la chaleur, comparée à celle des abeilles adultes et du couvain.

Dès 36 °C, leur reproduction est affectée, et à partir de 41 – 42 °C, les formes immatures et une partie des femelles adultes sont éliminées.

Efficacité partielle mais utile

La thermothérapie permet d’éliminer efficacement la descendance des varroas (jusqu’à 100 % des immatures) avec une exposition de trois heures à 41 °C, mais n’atteint que 11 à 50 % de mortalité chez les femelles fondatrices. Une température plus élevée (42 °C pendant trois heures) améliore l’efficacité globale, mais au détriment du couvain. Ainsi, l’hyperthermie est surtout efficace pour interrompre le cycle reproductif des varroas, mais ne suffit pas seule pour une lutte complète. Elle doit donc s’insérer dans une stratégie globale.

Des études (Berg & Kablau, 2019) ont montré que les systèmes de traitement en caisson (cadres hors de la ruche) peuvent atteindre jusqu’à 97 % de mortalité des varroas, tandis que les traitements internes à la ruche sont moins constants, notamment en raison de l’isolation thermique inégale.

Effets secondaires modérés mais à surveiller

Aux températures recommandées (entre 42 et 45 °C), peu d’effets indésirables ont été observés sur les abeilles adultes ou le couvain, à condition de respecter les durées. Des travaux ont montré que les faux bourdons traités à 41 °C pendant deux heures conservent leur fertilité. Toutefois, une exposition à des températures proches de 44 °C peut affecter la sensibilité au sucre du nectar collecté par les ouvrières adultes, issues de larves traitées. D’autres résultats montrent une augmentation de leur longévité, mais aussi une potentielle réduction de la récolte de miel due à des ajustements comportementaux des colonies.

Par ailleurs, un traitement thermique peut induire une augmentation du taux de virus DWV chez les abeilles naissantes, provoquant un mécanisme d’autorégulation de la colonie qui élimine ces individus. Ces effets, encore peu documentés, nécessitent des études complémentaires en plein champ pour évaluer l’impact sur la productivité et la santé globale des colonies.

Trois types de dispositifs disponibles

Il existe actuellement trois grandes familles d’appareils pour le traitement thermique :

- Les ruches thermiques (chauffage global de la ruche) permettent un traitement des varroas présents sur les abeilles et dans le couvain. L’efficacité dépend d’une homogénéité thermique difficile à garantir sans une isolation parfaite. Ces dispositifs nécessitent de fermer la ruche durant l’intervention.
Les caissons thermiques (traitement externe du couvain) : les cadres sont sortis de la ruche, chauffés dans un caisson, puis replacés. Ce procédé assure un contrôle précis de la température et de l’humidité, offrant généralement une meilleure efficacité, mais nécessite un traitement complémentaire pour les varroas phorétiques.
- Les cadres thermiques (chauffage interne individuel) : des résistances intégrées dans les cadres permettent un chauffage ciblé. Cette méthode encore en développement offre une approche prometteuse, bien que tous les modèles de ruches ne soient pas compatibles avec cette technologie.

Quelques exemples de dispositifs commerciaux incluent : Varroa Controller, Bienensauna, Thermosolar Hive, Mite Zapper, ou encore Bee Ethic (tableau 2). À ce jour, seul le Varroa Controller semble techniquement prêt pour un emploi professionnel en plein champ.

Des freins techniques et économiques

L’adoption de la thermothérapie est freinée par plusieurs facteurs :

- Le coût : les dispositifs nécessitent des composants électroniques coûteux, rendant l’investissement important, surtout pour les apiculteurs amateurs.
- La logistique : la méthode est chronophage, notamment pour les professionnels devant traiter un grand nombre de colonies.
- Les conditions d’usage : pour être efficace, le traitement doit être fréquent et adapté à la saison (par exemple éviter les traitements trop chauds au printemps pour préserver les mâles).

Ainsi, malgré les promesses d’un traitement sans résidus et respectueux des abeilles, cette méthode demande une bonne organisation, des équipements adaptés et une intégration réfléchie dans le calendrier apicole.

Des pistes d’avenir et des recherches encore nécessaires

Les témoignages d’utilisateurs et les premiers résultats laissent entrevoir un bon potentiel de la thermothérapie, mais des études en conditions réelles restent indispensables pour valider son efficacité, évaluer ses impacts sublétaux et définir les meilleures stratégies d’emploi selon la période (printemps, été, automne).

Elle pourrait notamment être utile en complément d’autres traitements, pour les colonies à gelée royale très infestées ou les essaims artificiels. Le principe de l’hyperthermie, déjà observé chez l’abeille asiatique pour lutter contre les frelons, pourrait aussi être envisagé pour d’autres pathogènes (Nosema, couvain plâtré) ou parasites (Aethina tumida, fausse teigne), également sensibles à la chaleur.

La thermothérapie doit encore faire ses preuves

Sa mise en œuvre reste complexe, coûteuse et exigeante, tant sur le plan technique que logistique. Pour tenir ses promesses, elle devra s’intégrer dans une approche de lutte intégrée et bénéficier de davantage de références scientifiques, notamment en conditions de production professionnelle.

En savoir plus

Le principe de l’hyperthermie se base sur celui de la fièvre : augmenter la température pour combattre une infection. Déjà utilisé par l’abeille asiatique contre les frelons, ce principe a aussi fait ses preuves contre l’agent du couvain plâtré et contre Nosema ceranae chez l’abeille mellifère. Il pourrait aussi être utilisé contre Aethina tumida ou la fausse teigne, tous deux plus sensibles que les abeilles à la chaleur.

Essais de traitement hyperthermie sur des ruchers à gelée royale

Premiers retours d’expérience de Résapi en thermothérapie.

Utilisation de Varroa Controller à l’ADA Bourgogne-Franche-Comté

Un couple d’apiculteurs dans le Jura se sont spécialisés dans la production de gelée royale. L’abeille à gelée étant prolifique, la lutte contre varroa est plus problématique. De ce fait, ils avaient envisagé de mener une lutte combinant le Varroa Controller pour désinfester le couvain et l’application d’ApiBioxal (acide oxalique) par dégouttement, deux passages à trois jours, afin de désinfester les abeilles. Malgré la charge de travail que représente la manipulation des cadres de couvain, l’avantage de ce dispositif était de pouvoir neutraliser les varroas sur une période de trois jours, ceci sur des colonies fortement infestées.

À l’été 2024, l’ADA BFC a réalisé un suivi afin de vérifier si le dispositif envisagé était efficace, en comparant un lot Varroa Controller et un lot Apitraz.

La mesure du niveau d’infestation a révélé une infestation forte avec une moyenne de 8,28 VP/100ab pour le lot Varroa Controller et 5,96 pour le lot Apitraz.

Contre toute attente, le dispositif envisagé ne sera pas reconduit, car il a été observé suite au traitement une mortalité des larves et la présence d’abeilles mortes aux différents stades (du stade nymphal et au stade adulte émergeant).

En outre, en octobre, les niveaux d’infestation au mois d’octobre étaient plus élevés qu’en juillet au moment du traitement Varroa Controller, malgré les chutes de varroas.

Utilisation du plancher Onibi à l’Itsap-institut de l’abeille

Quatre corps de ruches à gelée royale nécessitant une intervention anti-varroa en été, avant la fin de la période de production, ont été placés sur des planchers Onibi (cf. photo 1). Le traitement est piloté à distance : fermeture des planches d’envol avant le lever du soleil ; Une montée en température jusqu’à 41 °C maintenue pendant une heure ; Ouverture des planchers au lever du soleil. Deux traitements thermiques puis une application d’acide oxalique sont réalisés toutes les trois semaines entre début juillet et fin août. Avant, pendant et après les traitements les chutes de varroas sur langes sont dénombrées deux fois par semaine avec le scanner BeeVS (Apisfero), pour les quatre ruches traitées et quatre autres ruches du rucher comme témoin (cf. graphique 1).

La mortalité des varroas augmente significativement pour le lot traité après la seconde hyperthermie seulement. Elle devient alors plus importante que celle des colonies témoin pendant trois semaines. La dynamique de surmortalité ne correspond pas à la durée d’émergence du couvain, généralement utilisée pour expliquer les chutes de varroas. L’action de l’hyperthermie et la mortalité des varroas phorétiques et du couvain doivent être suivies plus précisément pour être mieux compris. Par ailleurs l’apiculteur n’a pas constaté de mortalité de couvain suite aux traitements thermiques, ni de différence entre les colonies des deux lots.

Côté biblio

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Rédaction Réussir

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