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La miellée irrégulière du tournesol

Avec 833 000 hectares cultivés en 2023, faisant de lui la deuxième culture oléagineuse après le colza, le tournesol est une plante mellifère très répandue en France, surtout du sud-ouest à la région Centre. Cependant, depuis plusieurs dizaines d’années, les apiculteurs témoignent d’une diminution en moyenne des rendements à la ruche.

Une culture mellifère répandue en France

Cultivé principalement pour la production d’huile alimentaire ou non, et de tourteaux à destination de l’élevage, le tournesol est une culture appréciée dans les rotations agricoles. En effet, son implantation au printemps permet de rompre le cycle des adventices des céréales à paille. C’est également une culture peu gourmande en intrants et qui résiste bien à la sécheresse.

Excepté le désherbage initial, le tournesol ne nécessite généralement pas de traitement phytosanitaire pendant son cycle. Cependant, les cultivateurs rencontrent dans certains secteurs de grandes difficultés à son implantation à cause des dégâts occasionnés par les oiseaux et la faune du sol. Sa floraison estivale de début juillet à août, offre souvent une belle opportunité de miellée pour les apiculteurs qui implantent traditionnellement des ruchers à proximité de cette culture.

Tournesol semence/tournesol consommation

Des besoins en pollinisation différents. En France, 98 % des surfaces de tournesol cultivées sont des tournesols « consommation » ; il s’agit d’hybrides cultivés pour la production de graines destinées à l’alimentation ou aux biocarburants. Pour obtenir ces semences hybrides, des tournesols partiellement stériles sont cultivés afin d’obtenir un croisement contrôlé. Ce sont les tournesols «semence» pour lesquels les multiplicateurs font souvent appel à des prestations de pollinisation. La fécondation de ces tournesols dépend essentiellement des insectes pollinisateurs qui doivent véhiculer le pollen des lignées mâles aux lignées femelles.

Le tournesol «consommation» est moins dépendant des pollinisateurs, car il est souvent partiellement autofertile et pollinisé par le vent en partie, mais les insectes contribuent en moyenne à 40 % des rendements et augmentent la qualité des graines.

Le miel de tournesol : un « classique » pour les apiculteurs

La production de miel de tournesol en 2023 s’élevait à 2 400 tonnes, soit près de 8 % de la production nationale, faisant de la miellée de tournesol la troisième miellée monoflorale de France (après le colza et l’acacia). C’est aussi la première miellée pour plusieurs régions (Nouvelle-Aquitaine et Occitanie en 2023). Ce miel jaune vif est apprécié des consommateurs. Produit en fin de saison, il permet dans beaucoup de régions de préparer les colonies à l’hivernage, avec la constitution de réserves importantes dans les corps de ruches.

Évolution préoccupante des récoltes de miel de tournesol

Depuis plusieurs dizaines d’années, les producteurs de miel de tournesol témoignent d’une hétérogénéité élevée et d’une diminution en moyenne des rendements à la ruche. Cela rend les récoltes de miel plus incertaines et complique la rentabilité des exploitations apicoles. Plusieurs travaux ont permis de mieux comprendre cette miellée du tournesol.

L’effet des traitements de semences avec des insecticides de la famille des néonicotinoïdes a rapidement été mis en évidence dans les années 1990. Le caractère systémique de ces molécules conduisait à retrouver des résidus dans le nectar, qui affaiblissaient les colonies d’abeilles.

Tous les usages de ces molécules sur tournesol ont désormais été interdits. Depuis, les études d’observatoire des résidus de pesticides pendant la miellée de tournesol ont montré la faible exposition des abeilles à des produits phytosanitaires en raison des faibles besoins en traitement de la culture.

Au-delà du problème toxicologique, l’environnement influence également la nectarification. En effet, les sécrétions nectarifères sont favorisées par la chaleur modérée et atteignent leur maximum autour de 30 à 32 °C, puis diminuent. La disponibilité hydrique du tournesol pendant son développement, et particulièrement pendant sa floraison, serait également un critère favorisant la nectarification. Des études ont montré qu’en cas de manque d’eau, les sécrétions diminuaient.

L’évolution variétale a également été étudiée comme un facteur possible des baisses de rendements. Dans les années 1980, des chercheurs de l’Inrae avaient déjà montré que les abeilles avaient des préférences pour certaines variétés, et que la nature et les quantités de sucre variaient en fonction de la génétique et des conditions environnementales du tournesol.

Plus tard, Terres Inovia et l’Itsap ont confirmé l’hétérogénéité de l’attractivité et de la nectarification du tournesol, bien que pour le moment aucun critère ne permette d’expliquer la préférence des abeilles. La longueur des fleurons, par exemple, est dépendante des caractères génétiques, mais ne permet pas d’expliquer la variabilité des rendements en miel.

Dans ces études, le caractère linoléique ou oléique n’influençait pas l’attractivité et la nectarification. C’est le cas également des variétés tolérantes aux herbicides, des variétés anciennes ou des variétés les plus autofertiles.

Un observatoire pour mieux comprendre la miellée

Entre 2015 et 2021, l’Adana a mené un observatoire de la miellée de tournesol dans le Gers pour tenter d’identifier les facteurs de réussite de la miellée. Une évaluation en profondeur des colonies avec la méthode ColEval permettait d’estimer la population et la quantité de couvains dans les ruches, et des pesées avant et après la miellée permettaient de quantifier les récoltes.

La charge de varroas était également évaluée pour connaître l’influence du parasite sur les rendements des ruches. Sur les sept années d’études, l’observatoire a permis de mettre en évidence l’importante influence de la quantité de couvains et du nombre d’abeilles adultes sur la réussite de la miellée. L’effet de varroa est également marqué au-delà d’un seuil de trois varroas phorétiques pour cent abeilles. 

Finalement, 20 % des récoltes dépendraient de la structure initiale des colonies et de la charge parasitaire. Les 80 % restants résulteraient de la variabilité intrinsèque des colonies et de l’effet de l'environnement.

Afin d’explorer plus précisément les impacts météorologiques et environnementaux, l’Adana a relancé son suivi en 2024 dans la Charente-Maritime et les Deux-Sèvres.

Le dispositif précédemment utilisé dans le Gers est complété à l’aide de données météorologiques et d’enquêtes agricoles pour intégrer ces éléments à l’interprétation des rendements de la miellée. Ce suivi demandera à être maintenu dans le temps et étendu pour acquérir suffisamment de données et réellement évaluer l’influence de ces paramètres sur les rendements en miel de tournesol ; l’objectif étant de réduire les incertitudes associées à cette miellée.

Pour plus d’informations et pour obtenir les références bibliographiques évoquées dans cet article, une fiche thématique sur le tournesol sera publiée prochainement par le réseau des ADA-Itsap, et des fiches-résumés de la bibliographie existante sur la miellée de tournesol sont disponibles sur le site Internet de l’Adana.

Rédaction Réussir

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