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La force du collectif pour sélectionner un cheptel adapté

En région Occitanie, les apiculteurs professionnels membres du Ceta Api d’Oc ont opté pour la sélection collective.

Cet article a été réalisé d’après les interventions de Mickaël Mage (formateur, inséminateur et prestataire technique) et Hervé Parrain (apiculteur en bio dans les Cévennes) le 19 octobre 2022 dans le Rhône lors des journées Bilan et perspectives de l’ADA Aura.

La naissance du Ceta Api d’Oc

C’est en 2016 que le Ceta Api d’Oc voit le jour. Une bande de copains apiculteurs qui avaient déjà participé à un précédent Ceta aujourd’hui disparu décident de reprendre le travail de sélection en commun. Le groupe se construit autour de ces membres expérimentés et s’appuie sur l’ADA locale pour se développer.

Avant la création du Ceta, les apiculteurs achetaient des souches à des sélectionneurs du nord de l’Europe. Bien que plutôt satisfaits des reines qu’ils obtenaient, ils déploraient le manque d’autonomie, la faible durabilité de cette pratique mais surtout le manque de régularité dans les résultats obtenus. Un des premiers objectifs du Ceta a donc été de retrouver une autonomie pour l’approvisionnement génétique. L’idée était également de travailler sur une abeille adaptée aux particularités régionales. Le contexte méditerranéen demande une abeille au démarrage précoce.

Pourquoi sélectionner en collectif ?

La sélection demande du temps et de la persévérance et n’est pas toujours « rentable ». Les résultats sont lents. Face à ce constat, la sélection collective peut être une solution motivante et efficace. Elle permet d’aller plus vite et plus loin.

Le groupe est actuellement composé de 11 exploitations, une taille à la fois raisonnable pour faciliter le travail collectif et suffisante pour couvrir une diversité de pratiques, permettant de travailler dans diverses orientations. L’ensemble des exploitations forme un pool de 6000 colonies présentant des caractères intéressants. Le groupe dispose d’un rucher de 200 colonies en gestion collective. Dans ce rucher, sept lignées et leurs croisements sont conservés.

Une volonté de conserver les lignées

Deux critères principaux guident le travail de sélection du Ceta :

- Une sélection non raciale. Le groupe n’a pas d’objectif de travailler en race pure. L’idée est de travailler comme sur une sélection massale en identifiant des ruches remarquables dans chaque exploitation. - Le travail en conservation de lignées. Cette technique, très chronophage, consiste à conserver sur plusieurs années une génétique intéressante en travaillant en consanguinité. La mise en consanguinité permet de conserver le patrimoine génétique et de fixer les caractères. L’objectif est de conserver des caractères les plus reproductibles possibles. Grâce à cette méthode, la génétique d’une lignée de 2016 est encore présente aujourd’hui dans le rucher.

Plus récemment, l’objectif de travailler vers une abeille plus rustique a fait l’unanimité.

Trouver un langage et un regard commun

Un des défis de tout groupe de sélection est de s’harmoniser en trouvant un langage et un regard commun. Pour arriver à cette définition commune, il importe de passer du temps ensemble. Au total, sur une année, être membre du Ceta implique neuf jours de travail en commun.

Deux journées pour les visites d’évaluation de printemps. Elles servent à faire le bilan du travail des années précédentes. Les têtes de lignées et les croisements sont évalués. Ces journées servent ainsi à calibrer la grille d’évaluation commune. Deux journées sur le rucher du Ceta. Appelés les « Jeudis du Ceta », il s’agit de deux jours où tous les membres travaillent à la gestion du rucher du Ceta. Deux journées de réunion bilan hors saison, deux journées de séminaires en janvier. Il s’agit de statuer sur le programme d’action, et la programmation de l’année suivante. Une journée consacrée à l’assemblée générale.

Il importe de souligner ici que ce travail en collectif, s’il peut paraître important, se déroule avec beaucoup de convivialité. En dehors de ces temps collectifs, le groupe communique à travers des messageries instantanées et dispose d’un espace en ligne pour partager des fichiers.

Le travail de sélection dans la pratique

Les visites de printemps permettent d’évaluer les différents croisements présents sur le rucher du Ceta. Les membres évaluent ensemble, une à une, les inséminées. Les meilleurs croisements peuvent devenir des souches. À la suite de ces deux visites, les colonies sont distribuées sur chaque exploitation.

Le groupe nomme en son sein des responsables de lignées, chargés de faire des filles sur les têtes de lignées. Elles serviront de ruches à mâles puis seront ramenées sur le rucher du Ceta pour maintenir la lignée et réaliser des croisements futurs. Grâce aux sept lignées différentes conservées dans le rucher, une quarantaine de croisements est possible.

Une dizaine d’exemplaires des croisements sont faits en insémination artificielle pour espérer huit colonies viables au printemps suivant, et pouvoir les évaluer. Le plus beau des croisements part forcément chez l’apiculteur dit référent. Ce dernier fait des filles avec, et sélectionne à son tour le plus beau des essaims. Celui-ci est ensuite ramené sur le rucher du Ceta pour être évalué et pour éventuellement valoriser les mâles.

Les gains du collectif

Aujourd’hui, tous les adhérents ont adopté pour partie la génétique du Ceta et certains l’utilisent même à 100 %. Ses membres estiment que grâce à ce travail collectif, ils ont pu augmenter leur production d’environ 30 %. Cela tient à la fois au gain génétique, mais également aux apports du collectif sur de nombreux aspects techniques.

Définitions

Ceta : Centre d’études techniques agricoles

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