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Des aides techniques pour alléger la pénibilité au rucher

Entre charges lourdes, postures contraignantes et gestes répétitifs, l’apiculture met le corps à rude épreuve. Exosquelettes, harnais, appuis ergonomiques ou encore enfumoirs repensés : tour d’horizon des solutions déjà testées… et de celles à inventer.

L’apiculture est un métier physiquement exigeant. Entre les ruches à déplacer, les hausses lourdes à soulever et les heures passées penché sur les colonies, le corps de l’apiculteur est mis à rude épreuve. La répétition de gestes contraignants favorise l’apparition de troubles musculo-squelettiques : lombalgies, tendinites et syndrome du canal carpien notamment. Pour y faire face, de nouvelles solutions techniques visent à réduire la pénibilité : exosquelettes, harnais ou encore sièges ergonomiques. Tour d’horizon des outils disponibles pour soulager le dos, les genoux et les poignets des apiculteurs.

Exosquelettes passifs : un soutien au dos qui a ses limites

Les exosquelettes passifs sont des structures portées sur le corps, sans moteur, conçues pour soulager certains groupes musculaires. En apiculture, les modèles lombaires comme le Hapo d’Ergosanté ou le Bisko de Fox Innovation apportent un soutien lors des flexions du tronc et du port de charges, en maintenant une posture plus droite et en réduisant la fatigue du bas du dos.

En 2023, une expérimentation sur le terrain a été menée en Corse avec l’Aract et le syndicat AOP Miel de Corse. Verdict : l’exosquelette de bras Hapo-MS a surtout apporté des contraintes (douleurs ajoutées, gestes entravés), tandis que le modèle lombaire Hapo a été jugé utile pour les travaux penchés en avant comme les traitements, les récoltes ou les transhumances. Grâce à son ressort, le Hapo accompagne l’apiculteur lorsqu’il est penché et l’aide à se redresser, réduisant la charge ressentie sur les lombaires. En contrepartie, il génère de la chaleur, s’avère incompatible avec un sac d’hydratation dorsal, et se dérègle quand on travaille à genoux.

L’exosquelette dorsal apporte donc un vrai plus dans la manutention intensive, à condition de l’utiliser de manière ciblée et de rester conscient de ses limites.

Harnais lombaires : l’option textile et légère

L’option du harnais de soutien lombaire offre une alternative plus légère aux exosquelettes. Le modèle Corfor, fait de sangles élastiques textiles, se porte comme un vêtement et ne pèse presque rien. Il ne supprime pas totalement les douleurs, mais aide à finir la journée moins fatigué du dos, sans gêner les mouvements.

Ce harnais agit comme un ressort qui accompagne les flexions et peut compenser jusqu’à 12 kg sur les lombaires d’après son fabricant. Facile à enfiler et d’un coût modéré, on peut le garder en toutes circonstances, même en conduisant, ce qui est un atout pour le travail au rucher.

Appuis au sol et sièges ergonomiques : soulager genoux et chevilles

Certaines interventions apicoles nécessitent de rester accroupi ou agenouillé pendant plusieurs minutes, une posture éprouvante pour les genoux et les chevilles. Pour soulager ces contraintes, des dispositifs d’appui simples peuvent faire une réelle différence.

Le Kneeseat KS de Probst, par exemple, est un siège ergonomique « assis-genoux » qui permet de s’agenouiller sans douleur. Fixé à la jambe, ce petit siège monopied offre un appui qui maintient le dos plus droit et réduit la pression sur les genoux et les chevilles.

D’autres dispositifs comme les appuis fessiers portables (comme le Chairless Chair de Noonee) pourraient aussi être testés en miellerie ou lors de tâches prolongées à hauteur intermédiaire. Reste que ce type de matériel, souvent conçu pour l’industrie ou le bâtiment, n’est pas toujours bien adapté aux gestes et postures propres au travail apicole.

Enfin, d’autres approches cherchent à agir directement sur le matériel apicole, en repensant l’ergonomie des ruches elles-mêmes. C’est le cas de la ruche Keeper’s Hive, par exemple, conçue pour limiter les efforts grâce à un système de tiroirs coulissants qui facilite la gestion des colonies en restant assis et sans manipulation de hausses lourdes. Une idée intéressante sur le papier, mais qui se heurte à la réalité du terrain : pour les apiculteurs déjà équipés de centaines de ruches classiques, ce type de modèle alternatif reste difficile à intégrer dans une exploitation existante.

Préserver poignets et pouces : limiter les gestes répétitifs

Les poignets et les pouces de l’apiculteur sont souvent mis à rude épreuve par les gestes répétitifs. L’usage intensif du lève-cadres ou de l’enfumoir peut, sur le long terme, entraîner des tendinites. Pour limiter ces risques, certains apiculteurs choisissent d’utiliser des enfumoirs électriques, qui suppriment le mouvement répétitif du soufflet tout en garantissant une diffusion régulière de fumée.

Le modèle Zephyr (développé par NumericBees) se distingue par sa conception sans soufflet manuel : un simple basculement de l’appareil déclenche automatiquement la diffusion de fumée, ce qui préserve les articulations de l’apiculteur tout en améliorant le confort d’utilisation.

Parallèlement, le port d’orthèses pour le poignet ou le pouce peut apporter un soutien utile lors de périodes de travail intensif. Enfin, des dispositifs plus innovants, comme l’exosquelette léger Paexo Wrist (Fox Innovation), visent à stabiliser l’articulation du poignet et à réduire la sollicitation des tendons. Ces solutions, encore peu évaluées en contexte apicole, illustrent néanmoins le potentiel des aides techniques pour réduire l’usure liée aux gestes répétitifs.

Mécanisation et entraide : des solutions simples mais efficaces

Parmi les autres leviers ergonomiques, la mécanisation et l’entraide sont primordiales. Des diables électriques, des chariots élévateurs ou des grues de transhumance soulagent le dos de l’apiculteur en prenant en charge les charges lourdes.

De même, aménager le poste de travail avec des tables à hauteur réglable en miellerie ou des supports de ruches rehaussés au rucher permet d’éviter bien des postures contraignantes.

Enfin, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide pour les tâches les plus physiques : soulever une ruche à deux ou se relayer lors des récoltes réduit significativement le risque d’accident et la fatigue accumulée.

Un chantier encore ouvert pour l’ergonomie apicole

Au final, si les exosquelettes, harnais ou appuis ergonomiques offrent déjà des pistes pour réduire la pénibilité, force est de constater qu’aucune de ces solutions n’a été pensée spécifiquement pour les besoins et contraintes de l’apiculture.

Les apiculteurs doivent donc s’approprier des outils conçus pour d’autres secteurs, avec des résultats parfois mitigés. Il reste donc un véritable chantier à ouvrir : imaginer et développer des équipements ergonomiques dédiés, adaptés aux gestes et aux réalités du rucher.

Relecture : Marie Arthuis, ADA Aura

« Un vrai soulagement pour ma lombalgie »

En 2022, souffrant de lombalgies, Sylvie Laffray, apicultrice professionnelle dans le Lot, a choisi d’investir dans l’exosquelette Every de la société Exofair, pour un coût d’environ 2 600 €.

« À l’époque, j’avais de fortes douleurs au dos, et je devais malgré tout soulever des hausses, travailler en série sur mes corps et transporter des sacs de sucre. Sans l’exosquelette, je n’aurais pas pu faire tout ça », explique l’apicultrice.

Selon elle, le modèle Every se distingue par son fonctionnement à air comprimé, sans moteur ni électricité. Une pompe manuelle permet de régler la pression selon l’assistance recherchée. « Plus la pression est forte, plus l’exosquelette aide à soulever des charges lourdes, mais plus il devient difficile de se pencher pour atteindre un objet placé trop bas. Une fois debout, ce sont les bras qui prennent le relais et il n’y a plus d’assistance à ce niveau-là », regrette-t-elle.

Grâce à ce système, l’exosquelette délivrerait une puissance d’assistance impossible à obtenir avec les modèles classiques à ressorts ou tendeurs. Le soutien est bien réel, mais supposerait un compromis entre aide au soulèvement et rigidité des mouvements : « on marche un peu comme Robocop et on ne peut pas monter dans le pick-up avec. »

Selon l’expérience de l’apicultrice, ce modèle aurait par ailleurs montré une robustesse appréciable face aux conditions salissantes du rucher.

Rédaction Réussir

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