Conseils pratiques pour une visite sanitaire efficace au printemps
La surveillance sanitaire au printemps permet d’identifier des anomalies de façon précoce afin de prendre les mesures correctrices et préparer son cheptel pour la saison.







En l’absence de hausse, le couvain est plus accessible tandis que, par la suite, il sera plus difficile d’intervenir. Toutefois, la visite de printemps doit être efficace en détection/temps passé, car c’est une période très chargée pour le suivi des colonies.
Dans cet article, nous traiterons spécifiquement des visites sanitaires et, plus particulièrement, des maladies affectant le couvain. Les autres points de vigilance au printemps, tels que essaimage, stimulation, infestation de varroas, etc. sont abordés dans d’autres articles de ce dossier.
L’observation attentive de l’état du couvain (ouvert et fermé) apporte de nombreuses indications sur la présence de maladies, en particulier la loque américaine, qui ont pu se développer durant l’hiver, à l’abri des regards.
Une étape cruciale pour préparer les colonies à la saison de production
Le printemps est la saison pendant laquelle le couvain se développe très rapidement, mais c’est aussi la période où la population d’ouvrières adultes est encore faible et les ressources florales parfois soumises aux incertitudes climatiques. Ces trois facteurs expliquent que la saison soit plus favorable à l’expression des maladies du couvain (voir ci-contre).
La colonie, exposée à ces déséquilibres et anomalies, va utiliser sa capacité à compenser et à gérer elle-même ces troubles. Cette résilience lui permettra souvent de tempérer, dans une certaine mesure, les conséquences cliniques et populationnelles de ces stress. Cependant, il est indispensable d’identifier les problèmes sanitaires d’importance de façon précoce afin de mettre en œuvre des mesures adaptées le plus tôt possible.
Les colonies de production étant dispersées et parfois éloignées, rendant plus difficile leur suivi sanitaire, la date de la première transhumance conditionne généralement la période dédiée aux visites. Si la première miellée est précoce et les conditions d’ouverture des ruches peu favorables, le rucher pourra être placé en production et les visites sanitaires reportées de quelques semaines, mais il n’est pas envisageable de passer outre cette étape cruciale.
La malnutrition à l’origine de nombreux problèmes sur le couvain
La connaissance des facteurs de risque d’apparition des maladies et l’état sanitaire habituel du cheptel permettent à l’apiculteur d’adapter au mieux sa surveillance. Ainsi, et à titre d’exemple, si certaines des colonies sont encore peu populeuses au printemps (sortie d’hiver difficile, divisions récentes…), si un gel tardif a stoppé les floraisons en cours (arrêt brutal de l’accès à des ressources pollinifères), s’il sait que certaines de ses souches ne possèdent pas de grandes qualités hygiéniques ou s’il a introduit depuis peu des colonies dans son cheptel sans connaissance de leur statut sanitaire, alors la vigilance sera de mise.
Plus globalement, l’expérience de l’apiculteur et sa connaissance du contexte sont des atouts permettant d’adapter le niveau de vigilance vers le haut, mais aussi vers le bas dans certains cas bien maîtrisés.
Les efforts et le temps consacrés aux visites à visée sanitaire seront ainsi proportionnés au risque, faisant parfois gagner du temps ou, au contraire, investir dans une surveillance accrue pour dépister d’éventuelles anomalies attendues eu égard à l’historique sanitaire du cheptel.
Comment réaliser des visites sanitaires efficaces en optimisant le temps dédié ?
Détecter une anomalie sanitaire précocement est une nécessité ; ce qui pose la question de la fréquence des visites. Pour un suivi au long cours, la préconisation est de raisonner sur un cycle de couvain, soit une visite toutes les trois semaines au minimum. Toute anomalie constatée doit alerter et susciter une surveillance accrue, donc une fréquence de visite plus élevée.
Face à une situation considérée comme anormale, il faut estimer sa gravité (quelle maladie est suspectée ? y a-t-il de nombreuses cellules atteintes ?) et tenir compte, là encore, des éléments de contexte et de résilience de la colonie.
Outre la fréquence, la méthode de visite doit être adaptée en cherchant un compromis entre l’exhaustivité (observation attentive de l’intégralité des cadres de couvain de toutes les colonies), la probabilité de détection d’une anomalie et le temps passé à ces examens attentifs.
Qu’il s’agisse d’un contexte considéré comme normal ou à risque, la recherche d’anomalies sanitaires sur le couvain doit faire l’objet d’une visite dédiée uniquement à cette surveillance, sous peine de constater trop tardivement un état sanitaire très dégradé.
Même si toutes les ouvertures de ruche sont l’occasion de détecter un problème sanitaire, l’attention n’est pas suffisamment focalisée pour satisfaire à une détection précoce d’un trouble débutant et qui peut alors passer inaperçu. Une bonne observation du couvain oblige à secouer les abeilles du cadre dans la ruche. Le temps d’observation doit être rapide mais efficace, en recherchant autant des signes de bonne santé que d’anomalies.
Savoir reconnaître rapidement les signes anormaux sur le couvain
Sur le couvain ouvert, tout aspect différent d’une ponte agrégée, d’un couvain compact et homogène ou de larves en bonne santé (de couleur blanc crémeux, en position couchée au fond de la cellule, baignant dans la gelée nourricière) doit alerter.
Pour le couvain fermé, l’absence de couvain en mosaïque et un bon aspect des opercules suffisent généralement. Il ne faut cependant pas hésiter à désoperculer toute cellule suspecte et en extraire délicatement le contenu pour pousser plus avant les observations lorsque c’est nécessaire. L’état de la larve ou de la nymphe peut rapidement apporter une réponse claire ; sinon il s’agit de recouper les observations avec d’autres causes pouvant aboutir aux mêmes signes, si besoin avec l’aide d’un vétérinaire ou d’un technicien sanitaire.
L’âge de la reine ou un risque de fécondation consanguine peut expliquer la présence de couvain en mosaïque. Au stade précoce de la loque américaine, les opercules troués peuvent être confondus avec d’autres causes : ré-operculation pour les lignées hygiéniques résistantes au varroa, ou début de désoperculation lors d’une forte infestation, mais elles sont distinctes de celles attribuées au « couvain chauve ».
Si l’aspect des opercules est caractéristique au stade avancé de la loque américaine, il apparaît trop tard, alors que la maladie est déjà bien établie.
Comment réagir en cas de doute ?
Dès lors qu’un contenu d’une cellule apparaît anormal, il faut rechercher d’éventuelles lésions identiques à proximité, sur les autres cadres, dans d’autres ruches, et tenter de leur trouver une cause. Selon la nature suspectée des lésions et/ou leur quantité, une gestion immédiate pourra être envisagée (prélèvement en vue d’analyse et/ou recours à un tiers compétent), tandis qu’un suivi dans le temps sera préféré en l’absence de signes d’alerte graves.
Dans ce dernier cas, cela sous-entend alors de prévoir un contrôle plusieurs jours après et oblige à noter ce qui a été observé et considéré comme douteux (marquage du cadre, identification de la ruche, date et nature de l’observation) et répertorier/signaler les ruches concernées.
Ainsi, lors de la prochaine visite, les dernières ouvertures de ruches seront réservées aux colonies sanitairement « douteuses ». Cette visite de contrôle permettra alors de focaliser son attention sur le problème en question pour constater efficacement une disparition des signes ou une aggravation de la situation initiale et estimer la nécessité de prendre des mesures de gestion.
Suivi et gestion des colonies malades : des exemples pratiques
La question se pose de disposer d’un rucher « hôpital » pour y regrouper les colonies malades ou douteuses nécessitant un suivi dans le temps, isolées du reste du cheptel. Les avis divergent, mais surveiller et gérer au plus tôt une anomalie s’appliquent, que la colonie malade soit déplacée dans un rucher dédié pour des raisons pratiques (éloignement du domicile) ou laissée dans son rucher initial.
Attention toutefois, il est interdit de déplacer une colonie suspecte d’être atteinte par une maladie réglementée. Quel que soit le trouble de santé constaté, il est conseillé d’identifier de quelle maladie il s’agit.
Si la réforme de la colonie est décidée sans plus de réflexion, le manque d’informations sur la nature de la maladie responsable conduira, à terme, à ne pas progresser et risquer de reproduire d’éventuelles erreurs à l’origine du cas. Au contraire, identifier les causes correspondant aux troubles observés peut permettre d’appliquer des mesures prophylactiques adaptées et, à terme, de réduire les retombées de cette maladie sur le cheptel.
La mise en hivernage : l’autre moment du suivi sanitaire
La préparation des colonies avant la période hivernale est considérée comme le début de l’année apicole. La même démarche de visite sanitaire pourra alors être appliquée, mais en l’adaptant aux circonstances : le temps et l’attention consacrés à cette visite dépendent des éventuels événements sanitaires, parcours et interventions effectués les mois précédents.
Pour aller plus loin et progresser
Pour que les interventions de sauvetage soient efficaces, il s’agit d’intervenir alors que la colonie est encore populeuse et la maladie peu développée, d’où l’importance d’un suivi régulier et d’une détection précoce qui participent à limiter la diffusion de la maladie.
Assainir son cheptel en sachant gérer les colonies malades est une démarche correctrice essentielle, mais pour une gestion durable, il est aussi nécessaire d’améliorer la prévention. Pour les maladies du couvain cela repose, d’une part, sur le contrôle des colonies introduites dans le cheptel (essaims capturés ou achetés) et, d’autre part, à repérer et multiplier les colonies au caractère hygiénique, notamment en cas de problèmes de loque récurrents.
La loque américaine est la maladie de couvain la plus préoccupante, car la plus contagieuse
La déclaration de la maladie de la loque américaine est obligatoire, et toute déclaration de suspicion amènera à un prélèvement de couvain pour analyse. Lorsque les signes cliniques se manifestent, la maladie est déjà déclarée et la colonie contagieuse (par transfert de cadres de couvain, de réserves, pillage, léchage des hausses, etc.). En cas de doute sur des signes précoces, faire procéder à une recherche de spores permet de statuer sur le cas et, si besoin, mettre en place les mesures nécessaires : son transvasement pour une colonie peu atteinte et populeuse ou son élimination (suppression d’une source de contamination du rucher et des colonies alentour) dans le cas contraire ; plus généralement mettre en place une désinfection consciencieuse et la destruction de tout matériel contaminé.
Si les suspicions de loque américaine doivent faire l’objet d’un suivi et d’interventions indispensables, les autres maladies du couvain, parfois peu considérées du fait des capacités de résilience des colonies, peuvent aussi nécessiter un suivi assidu :
- La loque européenne est généralement induite par une disette protéique, mais une nouvelle pollinée n’apporte pas toujours une rémission des signes cliniques, c’est le cas notamment des loques européennes dites « atypiques ». Ces cas nécessitent la mise en place de mesures prophylactiques et de nettoyage/désinfection du matériel plus draconiennes. Les signes peuvent être confondus avec ceux de la loque américaine et parfois coexister dans la même colonie. Il est alors préférable de demander une double recherche des agents des loques américaine et européenne, car les données des laboratoires participent à alimenter les observatoires épidémiologiques.
- Le couvain plâtré (ascosphérose ou mycose du couvain) est souvent la conséquence de conditions humides et/ou d’un refroidissement du couvain. La maladie s’exprime par la présence de momies dans les alvéoles, au fond de la ruche et/ou devant la planche d’envol. Si la capacité de nettoyage des colonies résout généralement le problème une fois que les conditions se sont améliorées, l’ascosphérose peut persister sur une longue période lorsque les lésions sont nombreuses. La maladie stoppe ou retarde le développement de la colonie qui peut être traitée par un changement de reine provenant d’une souche hygiénique et en éliminant les cadres atteints.