Comment récolter du pollen ?
De la fleur à la trappe, la production de pollen pose de nombreuses questions. Quel matériel utiliser, quel rendement espérer, comment organiser son chantier de récolte ?







Quand trapper et pendant combien de temps ?
La période et la durée de trappage dépendent fortement de votre zone géographique. En effet, d’après une enquête nationale menée en 2022, les pollinées recherchées par les apiculteurs étaient principalement la pollinée de châtaignier, toutes fleurs, toutes fleurs de printemps, ciste et ronce. Concernant la durée de trappage, si elle est plutôt d’une à deux semaines au maximum sur la pollinée de printemps, elle est en général d’une durée d’environ trois semaines sur la pollinée de châtaignier. Le tout est d’observer ses colonies et d’enlever les trappes avant de constater des signes de carence.
Avec quel matériel ?
Trappe de devant, de dessous ou de dessus, elles ont toutes leurs avantages et inconvénients, il suffit de les connaître et de choisir la trappe qui vous convient. Mis à part les différences de prix qui peuvent exister entre ces différents modèles, voici une petite étude comparative.
Comment organiser sa récolte ?
La récolte du pollen est en pratique très simple, mais il est nécessaire de respecter quelques règles pour favoriser la qualité du produit. Le pollen est un produit fragile et très sensible à l’humidité. Il est donc essentiel de le récolter tous les deux ou trois jours, voire tous les jours en cas de pluie. Si votre pollen a pris la pluie, mieux vaut le jeter que de le conserver.
Lors de votre arrivée au rucher pour la récolte, déposez tous les paniers sur les toits, pour être sûr de ne pas en oublier et pour laisser s’échapper abeilles et fourmis qui auraient pu se loger dans les paniers. Nettoyez les trappes avec une petite brosse pour enlever tous les résidus de pollen ou d’abeilles. Enfin, n’hésitez pas à avoir avec vous un autre lot de peignes pour les laver en cours de saison et/ou pour les remplacer en cas de casse.
Les trucs et astuces du seau de récolte : utiliser une grille à reine pour filtrer les gros déchets ; favoriser des seaux peu profonds ou éviter de trop remplir les seaux pour éviter tous risques de tassement ; fixer, par exemple, une grille à reine sur un seau de miel de 40 kg, mais attention au tassement.
Et pour quels résultats ?
Le rendement en pollen que l’on peut espérer dépend bien entendu du climat, du type d’abeilles que l’on a et de la pollinée. En Aura en 2024, le rendement moyen en pollen a été estimé à 1,4 kilo de pollen par colonie, toutes pollinées confondues. Dans le cadre d’une expérimentation menée en 2024 par l’ADA Aura, nous avons pesé par colonie le pollen récolté à chaque visite sur la pollinée de châtaignier. Ces résultats illustrent, d’une part, une grande variabilité en matière de rendement à l’échelle d’un rucher ; d’autre part, un fort écart de rendement entre deux ruchers si le maximum atteint est de près de 4,5 kilos pour la meilleure ruche du lot 1, elle est de plus de 10 kilos pour le lot 2. Un rendement maximum qui peut aller du simple au double.
Produire du pollen, oui mais à quel prix ?
Si l’effet des trappes à pollen sur la dynamique des colonies est encore une question à creuser, nous avons à présent quelques éléments de réponse sur l’incidence du trappage sur le rendement en miel. En 2024, 60 colonies ont été suivies sur la pollinée de châtaignier en Isère, afin d’évaluer entre autres l’impact du trappage sur le rendement en miel. Sur chacun des deux ruchers, 30 colonies, dont 15 trappées et 15 non trappées, ont été suivies. Toutes les hausses ont été pesées en fin de trappage, correspondant à la fin de la miellée de châtaigniers. En comparant le poids total des hausses des ruches trappées et non trappées, on arrive à des différences de 20 à 30 % de miel en moins pour les ruches trappées.
Ces résultats nécessitent bien sûr d’être renforcés, car ils ne sont le fruit que d’une année d’expérimentation. Mais économiquement ça donne quoi ?
Se diversifier, c’est bien, mais pas à n’importe quel prix, surtout quand le produit de diversification entraîne une production en plus, mais également en moins. Il est d’autant plus important dans ce cas de bien penser son prix de vente et son coût de production. Un travail sur les coûts de production de l’atelier pollen sera mené par l’ADA Aura en 2025 afin d’optimiser au mieux la rentabilité de cet atelier. À ce stade, nous avons réalisé un petit calcul comparatif pour estimer la rentabilité de l’atelier pollen quand ce dernier entraîne une diminution du rendement en miel. Pour cela, nous nous sommes basés sur les prix de vente pratiqués par un de nos apiculteurs adhérents, sur la base des rendements obtenus au cours de notre expérimentation.
À première vue, il semblerait dans les deux cas plus rentables de réaliser du pollen et du miel. Cependant, ces calculs ne prennent pas en compte les charges supplémentaires liées à cet atelier de diversification ni le temps de travail. La question reste encore à approfondir.
Produire du pollen de bonne qualité toxicologique
Le pollen est une matrice apicole non transformée par l’abeille, récoltée sur les fleurs qui peuvent être directement exposées à des traitements phytosanitaires et/ou des contaminations environnementales.
L’emplacement, un choix déterminant
Le pollen butiné par les abeilles va varier selon la composition du paysage, les floraisons et de l’attractivité des espèces végétales vis-à-vis de l’abeille. La qualité du pollen est donc très dépendante de l’environnement de butinage et de la période de collecte.
Des ruchers « observatoires » conduits par l’ADA Aura dans différents environnements ont montré que les pollinées de moyenne montagne au printemps et de châtaigniers présentent un faible niveau de résidus de pesticides par rapport aux environnements cultivés : colza et fruitiers cultivés.
Le risque sur la santé des abeilles de l’ensemble des molécules retrouvées dans un échantillon de pollen va dépendre de la concentration des substances actives retrouvées, de leurs synergies et de leur toxicité envers l’abeille. Quel que soit l’environnement, la plupart des substances actives retrouvées sont des fongicides. Cependant, ce sont les insecticides qui présentent une plus forte toxicité pour les butineuses, même détectées dans une faible concentration. Pour la production de pollen de qualité, il est recommandé de privilégier des environnements de moyenne montagne ou forestiers pendant la pollinée de châtaignier.
Un exemple de l’évolution de la qualité du pollen sur un même rucher
Sur un rucher situé au même emplacement, trois échantillons de pollen ont été analysés au cours de la saison 2022. Dans un rayon de 3 kilomètres autour du rucher, l’aire de butinage comprend principalement de la prairie permanente (22 %), des estives et landes (6,7 %), des céréales (3,8 %) et des vergers (2,5 %) (source : BeeGis, 2024). Mi-avril, le pollen collecté provient majoritairement de fruitiers cultivés et présente six substances actives, dont certaines sont utilisées en arboriculture pour lutter contre la moniliose et la tavelure.
Avec l’avancée des floraisons des fruitiers, l’échantillon de pollen collecté mi-mai présente une plus grande diversité floristique, avec une part plus importante de pollen de trèfle et de pollen en provenance de la flore spontanée. Une seule substance active à usage fongicide est détectée sous forme de trace (non quantifiable). Mi-juin, le pollen collecté provient exclusivement de châtaigniers et de ronces. Il contient cependant sept substances actives, dont des traces de substances à usage fongicide déjà détectées mi-avril, ainsi que de nouvelles substances utilisables contre le mildiou de la vigne et un insecticide autorisé sur le châtaignier.
Ces résultats donnent la qualité du bol alimentaire de l’abeille dans cet environnement à ces différentes dates, ils ne sont pas généralisables. À noter également que la période de trappage dans ce cas précis est d’une journée.
Contrôler la qualité de sa production
À ce jour, il n’existe pas de seuil réglementaire concernant la concentration de pesticides dans le pollen, mais il est recommandé de pratiquer l’auto-contrôle de sa production pour s’assurer que le pollen vendu est de bonne qualité. L’analyse du pollen devrait, dans l’idéal, être réalisée à l’échelle d’un rucher plutôt qu’une pollinée, afin de pouvoir identifier, si nécessaire, l’origine de la contamination et valider le choix de l’emplacement pendant la période de collecte. Pour réaliser une analyse, plusieurs laboratoires proposent des analyses de multirésidus qui peuvent inclure plus de 400 substances (consulter l’annuaire des laboratoires Itsap : https://itsap.asso.fr/annuaire-des-laboratoires).
Les alcaloïdes pyrrolizidiniques
Les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont des toxines naturelles produites par certaines espèces de plantes pour se protéger. Parmi les plantes à fleurs, environ 3 % produisent des alcaloïdes pyrrolizidiniques. Celles que l’on retrouve en Europe sont principalement la vipérine commune, l’eupatoire à feuille de chanvre, la bourrache, la consoude et différents types de séneçons…
Le règlement UE 2020/2040 (applicable depuis le 1er juillet 2022) fixe une teneur maximale de 500 microgrammes par kilo dans le pollen et les compléments alimentaires à base de pollen. Onze échantillons de pollen ont été analysés à l’ADA Aura, un seul échantillon a montré des teneurs supérieures à 500 microgrammes par kilo (source : Lucchetti M. Comment les alcaloïdes pyrrolizidiniques de la vipérine parviennent-ils dans le miel ? Proviennent-ils du nectar ou du pollen ? Revue suisse d’apiculture. 2018 ; (1-2).)
Côté biblio
Guide technique « Le pollen, production et vente » : ce guide est une synthèse des connaissances théoriques et pratiques sur le pollen. Il constitue un document de référence pour tous les apiculteurs et apicultrices.
Pour le commander, contactez l’ADA Aura