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Balances connectées, un potentiel insoupçonné

Outil déjà précieux au quotidien, la balance connectée cache encore un gisement de données inexploitées. Analyses, indicateurs, détection automatisée : de nouvelles pistes s’ouvrent pour la filière.

Les balances connectées sont équipées d'un capteur installé sous la ruche qui réalise une pesée et elles transmettent les informations (date et mesures) via un boîtier électronique doté d’une carte SIM ou d’un module de communication bas débit (LoRa, Sigfox). Selon le protocole utilisé, les données sont envoyées en plusieurs exemplaires (Sigfox) ou avec un mécanisme de réémission contrôlée (LoRa). L’objectif reste le même : garantir qu’au moins une des mesures parvienne correctement, malgré les pertes radios fréquentes dans ces réseaux bas débit.

Lors de la réception du signal côté serveur, les données altérées et duplicatas sont identifiés et éliminés. Les informations restantes sont alors insérées dans une base de données et accessibles via les interfaces de consultation des fabricants.

En clair, les systèmes multiplient l’envoi des données pour éviter les pertes de signal.

Nettoyer les données pour éviter les pièges

À la réception, les courbes de poids affichées dans les interfaces clients peuvent encore contenir des valeurs aberrantes telles que des poids négatifs et des pics soudains. Bien que rares et acceptables pour leur restitution à l’apiculteur, ces aberrations doivent impérativement être nettoyées en amont de toute analyse statistique.

Les courbes d’évolution du poids comportent également des sauts de valeurs, représentant généralement des actions humaines comme : l’ajout et le retrait de hausse, un nourrissement ; ou biologiques comme un essaimage (faisant durablement évoluer le poids). Dans certains contextes, ces sauts de valeurs ont un intérêt, par exemple pour alimenter un carnet de pratiques au rucher, mais ils peuvent au contraire parasiter l’analyse, nécessairement plus fine, de l’activité biologique de la colonie.

Des données brutes aux clés de lecture des miellées

Métadonnée ? Mets-ta-donnée ! Le jeu de mots illustre bien un point crucial : pour passer des données brutes à une analyse utile, il faut savoir replacer les chiffres dans leur contexte. Une fois la courbe nettoyée, il reste à sélectionner les données pertinentes pour l’objectif fixé. Par exemple, pour détecter d’éventuels signaux précurseurs d’un essaimage, on s’intéressera à la période précédant cet évènement, et dans le cadre d’une analyse des productions de miel, ce sont évidemment les phases de gain de poids qui seront à conserver sur cette période.

Ce processus d’analyse pose un défi majeur : comment accéder aux informations permettant de contextualiser les données (aussi appelées métadonnées) souvent absentes ? Outre la date et le poids, selon le matériel, seules les coordonnées GPS sont potentiellement présentes dans les enregistrements. L’activité ciblée par l’apiculteur (type de miellée, prestation pollinisation, élevage…), les ressources florales disponibles ou encore les actions techniques réalisées au rucher sont inconnues. Il est donc nécessaire de trouver la méthode d’accès à ces informations externes susceptibles d’expliquer les évolutions de poids.

Quand les miellées racontent leur environnement

Les observatoires de miellées ont été mis en place pour documenter et partager l’évolution des colonies dans différents contextes de production : lavande, tournesol, et châtaignier. Les balances y jouent un rôle prépondérant, et leur déploiement est orchestré par les ADA qui échangent avec les apiculteurs participants pour consigner en plus les conditions (environnementales et liées à l’intervention humaine) et compléter les coordonnées des emplacements.

À partir de ces coordonnées, il devient alors possible d’extraire des variables potentiellement explicatives du gain de poids depuis des sources de données en accès libre (avec cependant parfois quelques limites). En effet, les conditions météorologiques et la composition de l’aire de butinage des colonies peuvent ainsi compléter les mesures. En revanche, pour l’occupation du sol, l’information reste le plus souvent trop peu précise pour tenter d’expliquer le comportement d’une miellée. La part réelle de ressource en fleur n’étant pas connue et les catégories d’occupation de sol étant très génériques (avec, par exemple, des libellés comme « prairies permanentes »), cela limite l’interprétation qualitative de l’environnement du rucher. Avec d’autres facteurs (sanitaire, exposition aux pesticides), cette question de la ressource disponible est aujourd’hui un axe de travail important pour la conception future de modèles de gain de poids.

Trois temps pour comprendre une miellée

Dans un jeu de données, une miellée se définit comme une durée pendant laquelle le poids moyen journalier augmente significativement. La recherche de telles périodes se fait de manière automatisée par une procédure dite de « segmentation ». Cette procédure propose en sortie une caractérisation de chaque période, ou segment, par son début, sa pente (vitesse d’entrée de nectar) et sa durée. Ainsi, une miellée est généralement caractérisée par trois périodes :

  1. Phase d’accélération : la nectarification commence, les butineuses prospectent leur environnement, la colonie gagne progressivement en capacité de récolte, le poids commence à augmenter et la pente de la courbe s’élève ;

  2. Phase de pleine vitesse : la colonie a atteint son maximum de productivité, chaque jour le poids dépasse largement celui du jour précédent, la pente est forte ;

  3. Phase de décélération : les ressources commencent à se tarir, le butinage est de moins en moins efficace et, éventuellement, la colonie « s’essouffle », les gains de poids diminuent chaque jour, la pente de la courbe s’aplatit.

Ces phases vont varier en intensité et en durée en fonction du contexte de production. C’est ce qui est étudié grâce aux données collectées dans les observatoires de miellées.

La force du collectif pour donner du sens aux données

Le partage d’informations dans le cadre des observatoires de miellées, animés par les ADA, démontre la pertinence du collectif, au-delà de l’usage particulier, comme en témoignent les quinze ans de l’observatoire lavande, celui de la miellée de tournesol et le dernier, lancé en 2024, pour suivre la miellée de châtaignier. Résapi s’attache à organiser ces données, les stocker, les nettoyer, les analyser grâce à des outils de visualisation et d’interprétation actuellement en phase de test.

Ces retours collectifs montrent que les balances ne servent pas seulement à suivre un rucher individuel, mais bien à mieux comprendre la production à l’échelle d’un territoire.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Le premier observatoire a été créé sur la miellée de lavande à l’initiative de l’Adapi et Inrae, en 2010. L’Adana et Inrae ont lancé la démarche sur le tournesol cinq ans après et en 2025, 6 ADA et l’Itsap ont lancé l’observatoire de la miellée de châtaignier. Ces dispositifs témoignent de la volonté des apiculteurs de partager leurs données pour mieux décrire cette variabilité de gain de poids annuelle et parfois à l’intérieur d’un même rucher. Ils permettent d’identifier et de comprendre les effets d’une pratique apicole, de la pression du varroa, ou du changement climatique grâce aux séries temporelles.

Rédaction Réussir

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