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Avoir des abeilles performantes : une question de taille ?

L’invention de feuille de cire gaufrée offrit la possibilité de prédéterminer le diamètre des cellules qui seront par la suite étirées par les abeilles. Si cette facilité a permis d’abord de mieux contrôler les surfaces de couvain de faux-bourdons, elle fournit par la suite l’occasion de contenter le désir d’apiculteurs curieux de plus grosses ouvrières.

Montre ta langue je te dirai d’où tu viens

Initialement, un diamètre de 5,5 mm fut utilisé par Johannes Mehring, lorsqu’il confectionna en 1857 les toutes premières feuilles de cire gaufrée. Il fit ce choix à partir d’observations personnelles réalisées sur couvain d’ouvrières au cours desquelles il avait estimé une moyenne de 750 alvéoles par décimètre carré (dm2). Lorsque l’industrie de la feuille de cire gaufrée se développa, apparurent sur le marché européen des feuilles ayant une densité d’alvéoles plus importante (> 900/dm2) afin de maximiser le nombre d’individus possiblement élevés sur un cadre.

Cette mouvance trouva rapidement un objecteur en la personne d’Ursmar Baudoux, un professeur du rucher école expérimental de Tervuren-lez Bruxelles. Entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, celui-ci milita pour que les feuilles de cire aient au contraire une densité de 700 alvéoles par dm2 (Ø = 5,7 mm), afin de favoriser la production d’abeilles surdimensionnées aux capacités physiques démultipliées. Sa conviction était qu’en élargissant la taille des alvéoles, il obtiendrait en particulier des abeilles possédant une langue plus longue. Ainsi dotées, elles auraient accès à du nectar jusqu’alors inaccessible. Les travaux qu’il publia en avril 1933 dans « The Bee world » montrèrent qu’il était en effet possible de manipuler la morphologie des abeilles et d’augmenter jusqu’à 25 % la longueur du proboscis. Si d’autres travaux vinrent par la suite confirmer cette plasticité, les différences morphologiques observées restèrent en revanche beaucoup plus marginales (Grout, 1935). Le gain de production associé à ces modifications morphologiques ne fut jamais véritablement prouvé.

Des abeilles rabougries

Ce qui est en revanche beaucoup mieux documenté, c’est l’impact d’une réduction des alvéoles sur la taille et les performances de la colonie. En effet, on sait qu’avec le temps les alvéoles dans lesquelles est élevé le couvain d’ouvrière deviennent de plus en plus étroites en raison de l’accumulation des cocons et des déjections larvaires. Trois ans après l’introduction d’un cadre neuf, le diamètre des alvéoles a déjà diminué de près de 10 % et le poids des abeilles qui en sont issues d’environ 20 % (voir tableau). Encore deux ans et voila le diamètre des alvéoles réduit de 20 % et le poids des abeilles de presque 40 %. Ces modifications morphologiques s’accompagnent également d’une diminution de la dynamique populationnelle des colonies. Plus les cadres sont anciens moins les surfaces occupées par du couvain d’ouvrière sont importantes. Les colonies élevées sur des vieux cadres produisent donc des abeilles plus petites et moins nombreuses. En fonction des études, la diminution de quantité de miel stocké dans les colonies pourvues de vieilles cires oscille entre 20 et 80 %.

Palier l’usure du temps

On peut conclure de ces travaux que travailler avec des abeilles « augmentées » par un surdimensionnement des cellules n’est pas gage d’une meilleure production de miel. Il est clair en revanche, que le temps condamne les individus et la colonie à une atrophie programmée par le rétrécissement progressif des alvéoles. Ces évidences convaincront peut-être des apiculteurs de renouveler plus régulièrement les cadres de leurs colonies. L’idéal étant de changer chaque année un tiers des cadres de sorte que toutes les cires aient été remplacées après une période de trois ans.

Rédaction Réussir

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