Abricotier et pollinisation : les clés d’une cohabitation maîtrisée
Depuis plus de dix ans, l’ADA Aura étudie l’exposition des colonies d’abeilles aux produits phytosanitaires. Parmi les cultures particulièrement concernées par la pollinisation contractuelle figure l’abricot, aux côtés de la pomme et du kiwi.
Très présente en Drôme, la culture de l’abricot fait l’objet d’un suivi de colonies dans le cadre du projet Survapi, conduit avec la chambre d’agriculture de la Drôme. Des résidus de pesticides ont été retrouvés dans le pollen, la cire et les butineuses et ils ont permis d’identifier des usages à risque pour les abeilles. Retour sur l’itinéraire technique de l’abricotier, pour mieux comprendre les enjeux apicoles associés.
Une culture emblématique de la Vallée du Rhône
Originaire de Chine, l’abricotier (Prunus armeniaca) est arrivé en France au XVIe siècle. Aujourd’hui, l’abricot représente 5 à 6 % du volume total de fruits produits en France. Il est majoritairement destiné à la consommation en frais, plus de 80 % des volumes, le reste étant transformé. Les deux tiers de la production sont écoulés sur le marché français, le reste partant à l’export, principalement vers l’Allemagne.
L’abricotier s’épanouit dans les sols bien drainés, légers, souvent calcaires. Il est largement récolté dans la région Auvergne-Rhône-Alpes représente 45 % de la production nationale d’abricots.
Pollinisation : entre dépendance et autonomie variétale
L’abricotier présente des modes de pollinisation variables selon les variétés. Les variétés autostériles, type Bergeron ou Orangered, nécessitent une pollinisation croisée. Elles ont besoin de la présence d’un autre cultivar compatible et d’insectes pollinisateurs pour produire des fruits. Ce sont principalement des variétés précoces, historiquement les plus répandues dans la région. De nombreux producteurs ont ainsi recours à des contrats de pollinisation. Les variétés autofertiles, en capacité de se féconder elles-mêmes, sont de plus en plus plantées ces dernières années pour s’affranchir des contraintes de pollinisation.
Un calendrier cultural dense et technique
La culture d’abricots implique une série d’interventions techniques tout au long de l’année. Ces opérations, nécessaires à la qualité des fruits et à la pérennité des vergers, ont également des implications sur la présence de colonies dans ou à proximité des parcelles.
La taille hivernale, d’octobre à février, est réalisée lorsque l’arbre est en repos végétatif. Elle permet d’équilibrer la charge future de fruits et d’optimiser la qualité (goût, coloration…). L’éclaircissage est fait de février à mars. Qu’il soit chimique ou manuel, il vise à réguler le nombre de fleurs ou de petits fruits. Les objectifs sont multiples : garantir un bon calibre, renforcer les qualités gustatives et éviter d’épuiser l’arbre. Février-avril est une période à haut risque pour la floraison. Les arboriculteurs doivent mobiliser des moyens de lutte antigel (bougies, tours à vent…), sans garantie absolue contre les gels tardifs.
La taille en vert a lieu en juin. Il s’agit de supprimer les rameaux inutiles (gourmands) pour favoriser l’exposition des fruits au soleil, essentielle à leur maturation et leur coloration. Elle peut aussi être réalisée après récolte. La cueillette, qui va de fin juin à juillet, est toujours manuelle. Elle se fait en plusieurs passages, de l’extérieur vers le centre de l’arbre, afin de cueillir les fruits à maturité optimale. La taille en vert peut s’effectuer également après récolte, si elle n’a pas été faite avant, dans le même but de faire de la lumière dans l’arbre et d’assurer la pérennité des branches les plus basses.
Un usage important de fongicides
En dehors de ces grands chantiers, le calendrier se complète de différentes opérations d’entretien : désherbage, gestion de l’irrigation… Parmi elles, l’application de traitements phytosanitaires. L’abricot reçoit en moyenne neuf traitements par an en Auvergne-Rhône-Alpes. La majorité d’entre eux sont des fongicides car l’abricotier est très sensible au monilia sur fleurs (maladie fongique pouvant détruire une récolte si elle n’est pas maîtrisée).
Ces traitements s’ajoutent aux travaux d’entretien classiques (désherbage, irrigation…), et peuvent intervenir à des moments clés du développement floral ou fruitier, augmentant les risques d’exposition des pollinisateurs.
Suivre le risque phytosanitaire : un outil à connaître
Pour anticiper l’application de traitements dans les vergers d’abricotiers, les apiculteurs peuvent s’appuyer sur le bulletin de santé du végétal (BSV) – arboriculture, publié par la Draaf. Ce document technique dresse régulièrement un état des lieux sanitaire et les risques de traitement sur le territoire. Bien qu’il ne remplace pas les consignes d’usage de produits, le BSV est un outil précieux pour identifier les périodes à risque, notamment pour les colonies placées en contrat de pollinisation.
Des pratiques à croiser avec la présence d’abeilles
Le projet Survapi a mis en évidence une forte contamination des matrices apicoles dans les zones d’arboriculture fruitière, notamment dans les vergers d’abricotiers. Ces résultats interrogent les conditions de cohabitation entre apiculture et arboriculture. Connaître le calendrier cultural, les pratiques de traitement et les variétés en place est indispensable pour limiter les risques pour les colonies.
Les périodes de sensibilité de l’abricotier et leurs principaux traitements
L’abricotier est exposé à différents bioagresseurs selon son stade de développement. Cette chronologie permet de situer les périodes les plus à risque pour les abeilles, notamment au moment de la floraison.
À retenir
La culture de l’abricot est structurée, intensive et soumise à de nombreux aléas. Sa dépendance (partielle) à la pollinisation, la fréquence des traitements et la sensibilité aux gels en font une culture à risque pour les abeilles. Une meilleure coordination entre apiculteurs et arboriculteurs est essentielle pour concilier production fruitière et préservation des colonies.
Côté biblio
Bulletin de santé du végétal (BSV), site internet de la Draaf Auvergne-Rhône-Alpes