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MANIFESTE
Un axe européen des naisseurs-engraisseurs pour changer la Pac

Ils sont aujourd’hui d’accord sur un double constat : il faut que le prix de la viande et donc du broutard augmente et que la Politique agricole commune soutienne enfin son élevage.

Il faut un changement «epocale», traduisez historique : reprenant mot pour mot les propos d’Egidio Savi, le président de Parma France à Aurillac début septembre, Fabiano Barbisan le président du Consorzio Italia Zootecnica (association d’éleveurs engraisseurs italiens) dresse ce 26 septembre au soir le même constat : alors que le prix de la pizza, du café, du gasoil... a été décuplé ces dernières décennies, la viande bovine est sans doute la dernière des denrées à n’avoir pas vu son prix payé aux producteurs bouger d’un centime.

 

«Une autoroute devant nous»

«En 1982, le prix de vente des taureaux charolais engraissés chez moi était de 2,82 € le kilo (vif), en 2012 il ne dépasse pas 2,20 €», expose-t-il aux producteurs français de broutards représentant de la FNB (Fédération nationale bovine) venus le rencontrer sur ses terres du Veneto, à quelque 900 km du Massif central.

Cet encéphalogramme plat des cours, ces derniers le connaissent trop bien pour l’avoir eux aussi vécu sur le prix des broutards, du moins jusqu’à la fin 2011. Mais ce soir l’heure n’est pas à négocier le bout de gras sur les prix du maigre, chacun, quelle que soit sa langue, s’accordant sur une revendication commune première : le prix de la viande doit augmenter pour atteindre au minimum 5 € le kilo carcasse en sortie d’atelier d’engraissement. «Rendez-vous compte, à 20 € le kilo (prix consommateur), les 20 kilos que mangent en moyenne les Européens chaque année représentent à peine trois pleins de voiture, c’est normal ça ?», interroge le lendemain à la frontière franco-italienne Joseph Fortuna, lui aussi engraisseur près de Mantova et acheteur pour la coopérative qu’il a créée avec une soixantaine d’autres éleveurs.

Un combat qu’ils sont prêts de chaque côté des Alpes à mener de front et un objectif de 5 €/kg carcasse auquel le cantalien Patrick Bénézit et son collègue puydômois, Jean-Paul Thénot, croient dur comme fer. Avec 200.000 vaches et donc 200.000 veaux en moins en France, un cheptel allaitant irlandais décapitalisé depuis le découplage des aides de la Pac et une demande mondiale qui va aller croissant comme le prouvent encore les récentes prospections conduites dans des régions du monde comme l’Asie, «on a une autoroute devant nous !», affirment les deux naisseurs, assurant aussi leurs homologues d’une forte reprise en octobre des importations turques et algériennes. Joseph Fortuna, qui initie son fils de 18 ans au métier, mise lui aussi sur cet avenir florissant même s’il redoute encore les effets de la crise économique dans son pays.

Groupe de Madrid : l’acte 3

Et au-delà de ce juste prix de la viande qui doit permettre aux systèmes engraisseurs et par ricochet aux éleveurs allaitants d’atteindre une vraie rentabilité économique, le tournant historique que chacun appelle de ses voeux pourrait bien être initié dans quelques jours, le 3 octobre au Sommet de l’élevage via la signature d’un manifeste portant lui sur la Pac dont les derniers détails se règlent ce soir-là autour d’une table.

Une plate-forme de revendications écrite à quatre mains, celle de la FNB, de ses consoeurs irlandaise, italienne et espagnole, et qui sera signée par ce «groupe de Madrid» jeudi à Cournon en présence de représentants de la Commission et du Parlement européens et du ministre français de l’agriculture. Un manifeste historique pour revendiquer une politique agricole commune qui soutienne véritablement son élevage, qu’il soit allaitant côté français et irlandais, ou engraisseur en Italie et Espagne. Né voilà six ans lors d’une rencontre à Madrid, ce groupe aux intérêts intimement liés et aujourd’hui complémentaires avait élaboré un premier manifeste en 2006 pour dénoncer alors les dangers des négociations de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) pour l’élevage bovins viande européen. Un ris-que qui s’est depuis écarté avec l’enlisement du cycle de Doha.

N’empêche, les quatre associations d’éleveurs ont continué à travailler et les premières propositions pour la Pac post 2013 mises sur le tapis par Bruxelles fin 2011 ont encore renforcé les liens et abouti à ce manifeste qui affirme des principes forts notamment autour d’un nécessaire couplage des aides à un niveau suffisant (on pense en premier lieu à la PMTVA mais aussi au soutien à l’engraissement), d’une révision des modalités de la convergence des soutiens (défavorable aux systèmes engraisseurs italiens), de la possibilité d’un soutien différencié en faveur des surfaces fourragères et d’une aide «verte» revue pour favoriser l’autonomie fourragère des exploitations. Sans ces dispositions, naisseurs et engraisseurs l’assurent : leurs rangs respectifs pourraient bien s’éclaircir rapidement de 50 %. Reste à convaincre Bruxelles, le Parlement et le Conseil européens de l’urgence de ce changement «epocale».

L’or jaune du Veneto

Ici à une vingtaine de kilomètres du lac de Garde, dans le Veneto, le maïs irrigué est roi et les sols alluviaux fertiles. Un or jaune qui a permis l’essor de l’engraissement des broutards, nés pour beaucoup dans un pays vert, d’herbe, le Massif central. Avec ses frères et cousins, Luciano Ronca est à la tête d’une exploitation de 700 ha qui finit annuellement 25.000 taureaux, autant de femelles, et quelque 25.000 porcs qui termineront en jambon de Parme. Des veaux de 7-8 mois à 90 % garantis non OGM que lui fournit Mario Lani, responsable achats chez Eurofrance en Italie, et que Luciano Ronca commercialise sept mois plus tard auprès de Copitalia et de la grande distribution. Ses préférés : «Ceux du 12 et du 15», répond l’engraisseur désignant le numéro des deux départements français. Des charolais, aubracs, salers, des croisés français qui font aujour-d’hui l’essentiel de ses approvisionnements, faute d’offre disponible en Irlande ou Pologne.

Une riche solution aux effluents

Direction un des cinq autres sites de l’exploitation où depuis deux mois une installation de méthanisation produit chaque jour 24 mégawatts (MW), pour moitié à partir du lisier des animaux, pour l’autre à partir d’ensilage de maïs, de pulpes... Avec pour objectif premier - dans une région où l’hectare se négocie entre 50.000 et 90.000 ha - de gérer ses effluents d’élevage. Une diversification qui, en année de croisière, devrait rapporter tout de même 700.000 €, lesquels viendront s’ajouter aux 2.800 m² de panneaux photovoltaïques installés sur les toitures de ses porcheries pour un chiffre d’affaires annuel avoisinant 400.000 €.

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