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TÉMOIGNAGES
Seconde guerre mondiale : ils avaient notre âge...

À l'occasion des 80 ans du débarquement et de la libération de la France, nous sommes partis à la rencontre de ces jeunes puydomois d'aujourd'hui qui à travers leur passion de la Seconde Guerre Mondiale entretiennent le devoir de mémoire.

6 juin 1944.  Les troupes alliées débarquent en masse sur les plages de Normandie. Cette opération militaire d'envergure verra tomber des milliers d'hommes issus de 15 nations différentes et marquera un tournant décisif dans la Seconde Guerre Mondiale. Onze mois plus tard, l'armistice sera signé. L'Europe et le monde prendront alors la pleine mesure de toutes les horreurs commises comme des plus beaux actes de courages et d'abnégations dont les Hommes sont capables. 80 ans plus tard, alors que les vétérans et les survivants de cette drôle de guerre ne sont plus qu'une poignée, leur héritage leur survivra-t-il ? À l'occasion des commémorations, nous sommes partis à la rencontre de jeunes puydomois qui ont fait de la Seconde Guerre Mondiale leur passion transmettant ainsi la flamme du souvenir. Rencontres.


Jimmy Sobotka, 34 ans, parachutiste de 1944

Ses vacances, Jimmy Sobotka les passe toujours dans la même région : en Normandie. Comme un pèlerinage, il se rend sur les lieux emblématiques du débarquement en entraînant avec lui ses trois fils et son épouse. Sa passion pour la Seconde Guerre Mondiale a germé durant son enfance « peut-être après avoir vu des films ». Au fil des ans, elle a fini par remplir ses armoires de fusils, de casques, de ceinturons, de cartouches, de gamelles, de tenues... Du matériel d'époque pour la majorité mais aussi de reproduction. « Mes tenues sont des reproductions pour pouvoir les porter. Mes fusils aussi parce que je refuse d'acheter des armes démilitarisées. Pour moi ce sont des objets historiques. Les démilitariser revient à les détruire, à casser leur mécanisme. On devrait plutôt les conserver comme tel dans des musées et en interdire la vente. » Son « plus gros coup de folie » a été d'acquérir en 2022 un Dodge (camion militaire léger NDLR) de l'armée américaine, débarqué en France en janvier 1945. 

C'est une passion dévorante »

« C'est une passion dévorante » reconnaît-il pour laquelle il consacre son temps et son argent. En 2023, Jimmy Sobotka franchit une nouvelle étape en passant un brevet de parachutiste lui permettant de sauter avec du matériel similaire à celui des soldats de 1944 et participer aux reconstitutions. La semaine dernière, le 5 juin, à l'occasion des commémorations du débarquement, lui et 23 autres parachutistes ont sauté au-dessus de Sainte-Marie-du-Mont, la première ville libérée. Tenue,  maquillage, équipement, durant toute la semaine, le jeune puydomois de 34 ans s'est glissé dans la peau de ceux qui se sont battus pour et dans un pays dont ils ignoraient tout. « J'ai visité le cimetière américain en uniforme de l'époque. J'en ai eu la boule au ventre. Mon sang s'est glacé. Ce que j’ai ressenti est indescriptible. Ces gars avaient 10 ans de moins que moi… Leur courage force l'admiration et le respect. » Et si Jimmy Sobotka se glisse dans leur peau le temps d'une journée, c'est bien pour leur rendre hommage, entretenir leur souvenir et surtout « montrer aux jeunes d'aujourd'hui qui sont branchés H24 sur leurs téléphones que toute cette histoire n'est pas qu'une simple histoire ».

Lire aussi -> 1940-1942, de la défaite à la Révolution


Grégoire Gendre, 27 ans, guide au cimetière américain

Grégoire Gendre était lui aussi bien occupé la semaine dernière. Et pour cause, il assurait les visites du cimetière américain de Colleville-sur-Mer, où Jimmy et tant d'autres ont frissonné d'émotion face aux 9 388 stèles blanches, érigées à perte de vue. 
Bercé par les histoires de sa grand-mère, qui lui contait sa vie à Clermont-Ferrand durant la deuxième guerre, l'intérêt de Grégoire pour cette période prend une nouvelle ampleur lorsqu'à 10 ans, il visite pour la première fois le cimetière dans lequel il travaillera 17 ans plus tard. « Cette visite m'a laissé une très forte impression. J'y suis retourné plusieurs fois en tant que visiteur les années qui ont suivies » se rappelle-t-il. Après ses études, le jeune homme travaille dans une agence de tourisme en Alsace. Lorsqu'il apprend par un de ses anciens camarades de promotion, déjà engagé au cimetière américain, que L'ABMC (commission américaine des monuments de guerre) cherche de nouveaux guides pour compléter ses équipes, il n'hésite pas une seconde. Embauché, il pose ses valises en Normandie et suit la formation interne de la commission permettant d'accéder au certificat d' "interpretive guide" du cimetière américain. 
Une fois la formation achevée, le guide choisit le thème qui sera le fil rouge de ses futures visites : la croyance. 

Je parle à mes groupes des soldats qui se sont engagés sans croire en rien, de ceux persuadés de remplir leur devoir, et des familles qui ont suffisamment cru en nous pour nous confier un de leurs membres, afin que l'on en prenne soin, et ce à des milliers de kilomètres de chez eux ». 

Dans un lieu marqué par tant d'histoires humaines et familiales, le rôle des guides va bien au-delà de l'aspect touristique. « Une partie importante de notre mission est d'accueillir les familles des défunts » explique Grégoire. « Même après 80 ans, le travail de recherche pour reconstituer l'histoire cachée derrière chacune des sépultures continue. Bien que de nombreux éléments disparaissent avec le temps, la technologie actuelle nous permet d'identifier chaque année de nouveaux soldats inconnus, notamment grâce aux analyses ADN. Par ailleurs, l'aide des familles nous est très précieuse, et a déjà permis de retracer des centaines, voire des milliers d'histoires de vie ». À ce jour, 1557 noms sont encore inscrits sur le mur des disparus du cimetière. « Notre but est de rappeler aux visiteurs qu'au-delà des actes héroïques, il existe une infinité d'histoires vécues par des gens comme vous et moi ». Et de conclure sur un des crédos de l'ABMC : « Le temps n'altérera pas la gloire de leurs exploits ».


Arthur Servier, 30 ans, doctorant en histoire militaire

Si les histoires de familles amènent la plupart d'entre nous à se replonger dans le passé de nos aïeux par le biais de divers éléments (documents, lettres, photos...), d'autres, moins nombreux, en font leur domaine d'expertise. C'est le cas d'Arthur Servier, puydômois d'origine qui, à tout juste 30 ans, finalise actuellement sa thèse sur le 45ème corps de l'armée française et des 30 000 soldats français, internés en Suisse le 19 juin 1940, après avoir été acculés contre la frontière franco-suisse par la Wehrmacht. Parmi ces prisonniers français se trouvait son arrière-grand-père maternel. « C'est d'abord ma mère qui s'est attachée à ce sujet. Il y a quelques années, nous avons organisé un pèlerinage familial en Suisse, durant lequel nous avons mis la main sur la liste des internés. Cet évènement a relancé la mémoire familiale ». 
Décidé à creuser cet épisode méconnu de l'histoire, Arthur y consacre d'abord un mémoire, puis une thèse, franchissant ainsi la frontière qui sépare la sphère personnelle de la mémoire collective. Et il est loin d'être le seul à avoir entamé cette démarche. 

D'innombrables sujets en lien avec la seconde guerre mondiale n'ont pas encore été traités en France.» 

Grâce aux témoignages des derniers survivants et aux avancées scientifiques et technologiques, 
« la recherche actuelle s'intéresse de plus en plus à des thématiques mal connues, où longtemps mises de côté, telles que le rôle des femmes durant la guerre, ou l'homosexualité dans les camps de prisonniers.» Le doctorant l'affirme : « toutes les familles d'Europe occidentale ont été impactées d'une manière ou d'une autre par ce conflit. Dans notre région, du régime de Vichy aux maquisards auvergnats, la population en garde un souvenir presqu'aussi marquant que celui de la première guerre. (...) Depuis 1945, les institutions n'ont cessé de récupérer cette période de l'histoire, qui continue d'infuser dans la culture populaire : cinéma, musique, littérature, jeux vidéo... Ma génération, qui a grandi au contact de cette "mythologie", est aussi la dernière à avoir côtoyé quelques-uns de ses témoins directs ». Toutefois, la préservation de la mémoire collective reste un combat fragile, en particulier dans les communes rurales, où la culture de la robustesse et la censure des douleurs passées agissent comme un véritable bâillon. 
Peu à peu, le silence assourdissant laisse place à la parole, notamment grâce aux nouvelles générations qui, rompant avec le mutisme traumatique de leurs pères, s'appliquent à rendre leur voix aux oubliés.
 

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