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Syndicalisme
« Se défendre sans attendre que les autres le fassent à notre place »

Foncier, transfert des DPU, revenus catastrophiques… Les débats de l'assemblée générale des jeunes agriculteurs de la Creuse furent très animés, comme un reflet de la tempête dans laquelle se trouvent de nombreux jeunes exploitants.

Le secrétaire général Christian Arvis et le président Christophe Alabergère forment « le binôme » qui fut à la tête des Jeunes agriculteurs de la Creuse ces dernières années. Des responsables assez satisfaits parce qu’avec 73 installations en parcours JA en 2009, la Creuse est le seul département à se maintenir au niveau des années précédentes. Ce binôme a animé un après-midi de débat qui fut souvent vif, mais toujours correct, à l'occasion de l'assemblée générale (AG) du syndicat Jeunes agriculteurs (JA) Creuse, au lycée d'Ahun, le 25 mars dernier. Un débat qui a abordé les difficultés des jeunes agriculteurs aujourd'hui, et qui a tourné autour des questions de l'installation et du revenu.

 

Une spéculation qui dégoûte

Devant un public nombreux composé notamment de lycéens et de jeunes agriculteurs, le plan Sarkozy fut sévèrement critiqué par Christian Arvis, puis par Philippe Monteil, président de la FDSEA de la Creuse, l'un rappelant que les syndicats voulaient « une année blanche », l'autre le qualifiant « d'emplâtre sur une jambe de bois », ce que le préfet Hugues Moutouh reconnut bien volontiers par la suite ! Christian Arvis évoqua les propositions de JA, notamment celle d'accompagner le jeune installé par un professionnel aguerri, dans le cadre de son parcours professionnel personnalisé. A propos du Plan de développement de l'exploitation (PDE), le secrétaire général de JA 23 demanda « un réel réengagement de l'Etat envers les jeunes qui s'installent ». Il expliqua que les chiffres pris en compte devaient « être réalistes », et qu'un état des lieux un an après l'installation devait avoir lieu pour effectuer les ajustements nécessaires.

 

Pour ce qui est des aides à la transmission, l'éleveur de Saint-Frion exhorta le conseil régional à « accorder plus de crédits ». Puis il rappela l'augmentation et la spéculation sur les coûts du foncier, dans un contexte de perte des terres agricoles, « ce qui dégoûte des jeunes de s'installer. La Safer devrait intervenir obligatoirement en amont de ces transactions ». Il critiqua aussi les effets de la loi Borloo, avec la multiplication des panneaux solaires photovoltaïques (PV) sur les parcelles ; critiquées aussi les nouvelles réglementations agro-environnementales trop contraignantes. A propos des surfaces minimum d’installation, Christian Arvis proposa que dans le cadre d'installations en société, leur acquisition ne soit plus obligatoire. Contre la réglementation qui favorise « des exploitations de plus en plus grandes et difficiles à conduire, il pourrait être pertinent de définir une surface de référence, 60 hectares par exemple, pour l’attribution d'une part économique. » Manière aussi de limiter certains agrandissements et de faciliter l'installation d'autres jeunes.

 

Enfin, le secrétaire général conclut par la revendication « que les DPU ne soient plus la propriété de l'agriculteur. Il faut que l'exploitant puisse en disposer au cours de sa carrière, mais lorsque celle-ci se termine, il ne devrait pas pouvoir les vendre ».

« Il faut donner les DPU aux gens qui produisent »

Les débats firent se réveiller une salle qui avait écouté jusque là poliment les rapports. Les jeunes syndicalistes ont interpellé les élus présents, ont dit ce qu'ils avaient dans le ventre. C'est ainsi que Jacky Guillon, vice-président du conseil général, fut félicité par Christian Arvis pour le chèque installation... puis critiqué par le même pour la mort de l'aide à la décohabitation.

 

Les flèches suivantes furent envoyées en direction de la chambre d'agriculture (CA), à propos notamment du PDE, jugé trop onéreux, et trop imprécis. « Un technicien de la chambre coûte 420 euros par jour », expliqua Gilles Pivette, directeur de la chambre, qui rappela aux JA qu'ils n'étaient pas obligés de passer par la CA pour le PDE. « Comment les techniciens peuvent-ils se tromper, vu ce prix ? », demanda un JA, qui fut applaudi. Olivier, de La Souterraine, souhaita que les JA sachent combien de PMTVA ils toucheraient réellement. « Autour de chez moi, dit un autre JA, il y a 300 droits qui partent. Où vont-ils ? » Après que le représentant de la direction départementale des territoires (DDT) eut dit qu'en Creuse, il y avait beaucoup plus de vaches allaitantes que de droits à prime, et qu'on ne connaissait les DPU qu'en fin de campagne, Christophe Alabergère demanda « A qui la faute si le PDE est faux ? » Un JA rebondit sur les propos de la DDT : « Il manque 25 000 PMTVA en Creuse. Nos députés devraient se battre pour qu'on en ait ». Les députés Michel Vergnier et Jean Auclair, présents dans la salle, auront bien noté... Le député UMP dit son espoir que les Références historiques fussent supprimées dans la PAC après 2013. « Il faudrait surtout que l'on vende plus cher notre production », cria un JA au député.

 

La DDT huée

Des JA producteurs de lait ou de mouton exprimèrent leur pessimisme. « Comment avoir les moyens de vivre ? », expliqua Edouard, JA dans l'ovin, dont l'intervention fut applaudie, preuve que la salle partageait son émoi. Au moment où le préfet arriva dans la salle, Olivier des JA expliquait qu'il fallait prendre sur les salaires des politiciens et des administratifs…

 

Les débats ont continué, sur les retraites de misère des exploitants (« Mais on n'en aura pas nous ! »), sur la transmission, sur le foncier bien sûr. L'annonce du Président de la République de taxer à 10 % les ventes de terres agricoles changeant de vocation fit discuter. « Pour faire quoi de cet argent ? », demanda le président départemental.

 

Le préfet et Michel Vergnier défendirent le projet Abiodis, arguant que tout le monde ne pouvait pas être agriculteur, et qu'il fallait donc aussi de l'industrie. « Le prix d'achat du foncier d’Abiodis va faire référence ensuite », protesta Philippe Pommier, président des JA Limousin, qui évoqua ensuite l'installation des panneaux PV sur les bâtiments, comme outil pour développer l'exploitation. « Mais avec les tarifs du nouveau décret, ce ne sera pas le cas. » Le préfet rappela alors qu'EDF vendait son électricité à 0,08 euro le KW/h, et que l'acheter 0,6 euro, c'était trop pour l'opérateur public. Au sujet des prairies permanentes, Jean Auclair s'énerva, et le représentant de la DDT se fit huer, mais tous conclurent qu'il fallait de la souplesse pour les jeunes, et qu'en allant voir la DDT, cela pouvait s'arranger ! L'assemblée générale fut aussi l'occasion pour Christophe Alabergère et Christian Arvis d'annoncer leur départ du bureau du syndicat départemental. Un nouveau conseil d'administration a été élu. Quant au bureau, il devait être élu cette semaine. L'assemblée se ponctua par un vin d'honneur.

 

Les JA sont motivés, après une année 2009 passée à se battre contre la tempête. Ils entendent faire de 2010 une année de progrès pour la situation des jeunes exploitants.

Et aussi...

 

Le concours régional de labour à Guéret

Le concours régional Massif central de labour aura lieu à Guéret, le dimanche 5 septembre. Le concours départemental aura lieu lui aussi à Guéret (Pommeil), le samedi 4 septembre. Christian Arvis a présenté les animations qui feront vivre cette Fête de l'agriculture. « On veut ramener les citadins avec nous. Il faut leur faire découvrir notre métier. »

 

Atteints par la limite d'âge…

Certains Jeunes agriculteurs arrivent cette année à la barre fatidique des 35 ans. Ils quittent donc le syndicat jeune. Il s'agit notamment de Christian Arvis, Alain Peinaud, trésorier, Arnaud Mazal, Philippe Willaert, David Jannet, Jérôme Raymond, Didier Chicot.

 

Ils ont dit

Max Delpérié, directeur du lycée d'Ahun. « Notre établissement avance avec optimisme pour donner aux jeunes l'envie d'être agriculteur, un métier difficile mais intéressant. » « Il y a un avenir pour ce métier, même si les temps sont durs. » « Nous formons des chefs d'entreprise capables d'être dans l'action. »

Philippe Monteil. « Vous êtes courageux de vouloir vous installer dans ce métier. » « Il y en a ras-le-bol, monsieur le préfet, de toutes ces contraintes. C'est la seule profession sans revenus, c'est inadmissible ! ».

Hugues Moutouh a participé à l’assemblée générale

Un préfet qui détend l’assistance

Pendant l'assemblée générale, le préfet Hugues Moutouh se référa souvent aux fonctionnaires de la Direction départementale des territoires lorsque des questions trop techniques lui étaient posées. Puis dans son intervention finale, Hugues Moutouh chercha visiblement à plaire à l'auditoire, saluant le courage, la motivation de la profession. « Pour être exploitant agricole, il faut avoir fait polytechnique, ou pas loin », commença-t-il. Il remercia aussi les JA de lui avoir fait découvrir le monde agricole, lors de visites d’exploitations. Puis, un lapsus (révélateur ?) lui échappa quand, à propos des difficultés actuelles de la profession, il constata qu’on avait « toujours tendance à voir le vide à moitié plein ». Défendant la politique agricole du Président de la République, celui qui fut conseiller du candidat Sarkozy pendant la campagne des élections présidentielles de 2007 déclencha par une de ses phrases un fou rire général, en s'émerveillant « devant la présence à cette assemblée générale de jeunes lycéens, à cette heure. Peut-être sont-ils motivés par le vin d’honneur ? ».

G.B.

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