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Portage de foncier : un nouvel outil en discussion

À l’occasion de son congrès le 2 décembre à Marseille, la Fédération nationale des Safer (FNSafer) a présenté les contours de son projet de fonds national de portage de foncier à long terme, soutenu notamment par le ministère de l’Agriculture.

Congrès de la fédération nationale des Safer à Marseille, le 2 décembre 2021.
Congrès de la fédération nationale des Safer à Marseille, le 2 décembre 2021.
© JA région IDF

Son principe de fonctionnement: acheter des terres et les mettre à bail à des agriculteurs qui pourront les acheter entre la 10e et la 30e année de location. La cible : essentiellement des jeunes, dont 50 % hors cadre familial, et en majorité pour des projets « d’agroécologie ». Ses promoteurs voient dans ce fonds doté de 65 millions sur cinq ans un ballon d’essai, en vue d’une généralisation de ce type d’outil financier dans le monde agricole. Reste à s’entendre avec les investisseurs sur la gouvernance et les conditions financières.

La FNSafer a donné les grandes lignes de son projet de fonds national de portage de foncier à long terme, lors de son congrès le 2 décembre à Marseille. L’outil doit permettre aux porteurs de projets de devenir propriétaire par un portage transitoire de 10 à 30 ans, durant lequel l’agriculteur est locataire des terres et à l’issue duquel il peut se porter acquéreur (entre la 10e et la 30e année de bail). Ce fonds donnera un « coup de pouce » principalement aux jeunes agriculteurs qui ont du mal à trouver des financements, notamment les exploitants hors cadre familial.

C’est ce qu’a décrit à la FNSafer Thierry Bussy, président de la Safer Grand Est et référent du groupe « financement du foncier ». Cette initiative, menée avec le concours du ministère de l’Agriculture, comme l’a rappelé Julien Denormandie, participant en distanciel au congrès, a pour but de faciliter l’accès au foncier pour les jeunes, notamment les hors cadre familial souhaitant s’installer, a indiqué la FNSafer. La fédération rappelle que les reprises familiales « sont de moins en moins nombreuses », que l’accès au foncier « est difficile pour les jeunes hors cadre familial souhaitant s’installer » et que les structures d’exploitations, « de plus en plus importantes, deviennent difficiles à transmettre ».

Ce n’est pas le premier outil de portage de foncier dans le secteur agricole. Thierry Bussy a tenu à préciser que ce fonds d’un nouveau type est complémentaire de l’existant: portages à court terme sous forme de stockage par les Safer régionales, portages à moyen terme (5 à 10 ans) réalisés en partenariat avec des banques, portages par des GFA (groupement foncier agricole) mutuels.

24 à 32 installations par an

Encore en gestation, ce fonds devrait être doté de 65 MEUR, qui permettraient de financer 150 à 200 opérations sur cinq ans, a précisé Christophe Maillet, directeur des études à la FNSafer. Dans le projet, 80 % d’entre elles seraient fléchées vers l’installation, soit 120 à 160 jeunes agriculteurs sur cette période, soit encore 24 à 32 installations par an, dont la moitié de hors cadre familial.

Les 20 % restants seront destinés au maintien des fermiers en place par le financement externe du foncier et en leur permettant de dégager de la trésorerie. Il s’agira de consolider des exploitations qu’il est souhaitable de rétablir dans leur cohérence, pour qu’elles soient viables économiquement ou transmissibles à un jeune candidat. Exemple de cohérence visée : remettre à niveau la surface de terres agricoles pour qu’elle soit proportionnée aux bâtiments, a-t-il cité.

Il est probable que le fonds reçoive beaucoup de dossiers des régions d’élevage, a estimé Thierry Bussy, en marge du congrès. Mais « il est prévu une répartition des dossiers dans les différentes régions avec une diversification de projets et de productions pour diluer les risques », a-t-il précisé.

Une mission « d’intérêt général »

Le nom de ce fonds d’investissement libellé « à objectif d’impact social et environnemental » n’est pas encore dévoilé. Il devrait être géré par la société de gestion Citizen Capital, qui y voit l’illustration de la montée en puissance de fonds d’un nouveau type. « Il y a dix ans, on pouvait faire soit de la rentabilité, soit du mécénat, mais pas les deux», estime Laurence Méhaignerie, présidente de Citizen Capital. Aujourd’hui, on peut « coupler l’objectif de rentabilité économique avec un axe social et environnemental ».

En effet, le développement de « l’agroécologie » devrait représenter 70 % du montant des opérations. Autre caractéristique : les biens présentés au fonds par les candidats à l’installation seront des biens non bâtis. Ils seront proposés par les Safer via leurs comités techniques pour la location à long terme. Le fonds poursuivra ainsi « une mission d’intérêt général de contribuer à l’approvisionnement alimentaire et à l’agroécologie », assure Citizen Capital.

Mais pour l’instant, rien n’est signé. Et le calendrier annoncé par le ministère de l’Agriculture, présentation officielle courant décembre, semble compromis. Au congrès, le ministre de l’Agriculture assure qu’il a pourtant mis « une grosse pression dans le tube ». Mais « force est de constater que les discussions actuelles entre les financeurs et les porteurs de projets n’ont pas encore été finalisées. Nous espérions pouvoir lancer ce fonds à l’occasion de ce congrès. Je pense que cela ne doit être que partie remise ».

Le sujet de la rentabilité

Dans le cahier des charges du fonds tel que présenté par la FNSafer, l’investissement devrait assurer une rentabilité minimale de 1,5 % par an, couverte par les baux ruraux qui seront consentis aux bénéficiaires (jeunes installés ou exploitants accompagnés). Cette rémunération de l’investissement « est du même ordre que celle d’un livret A », commente-t-on à la FNSafer. Du côté du Crédit agricole, qui fait partie des investisseurs institutionnels autour de la table, l’enthousiasme est plus mesuré. « À ce stade, la rentabilité proposée est assez éloignée des standards du marché du capital-investissement », constate poliment le président du Crédit agricole Dominique Lefebvre, dans un entretien accordé à Agra Presse le 8 décembre.

Autre sujet qui reste à régler : le statut juridique, qui s’annonce innovant, selon Christophe Maillet. La FNSafer entend « éviter la financiarisation du foncier agricole via une gouvernance du fonds garant de l’intérêt général », a-t-elle indiqué dans son diaporama de présentation du fonds. Le statut présenté par la FNSafer est celui d’une société de libre partenariat, un type de société créé en 2015 par la loi Macron.

« La gouvernance est plus partagée » que dans un autre régime de société, parce que ce n’est pas celui qui apporte le plus d’argent qui a le plus de poids, résume Christophe Maillet. Un bon point pour les Safer qui investiraient en actionnaire minoritaire un montant de 2 MEUR. « À ce titre, elles auront une place particulière en tant qu’associé commandité et pourront prendre part aux décisions portant sur les objectifs et la stratégie du fonds », précise-t-il.

« De l’argent, il y en a »

Le groupe Safer souhaite investir de manière homogène sur tout le territoire à hauteur de 2 MEUR (participation de la Fnsafer et de toutes les Safer), « en amont de la présentation des opérations foncières pour amorcer le dispositif dès le lancement », ajoute le directeur des études à la FNSafer.

Pas de crainte de manquer de financement pour le foncier, assure-t-on à la FNSafer : « De l’argent pour aller sur le foncier, il y en a énormément. Il existe une vraie appétence des investisseurs pour le foncier, surtout depuis la crise financière de 2008 où ils cherchent à diversifier leurs placements : en général 50 % dans la terre, la forêt et la pierre, les 50 % restants dans la finance », a précisé Thierry Bussy, peu après le congrès. C’est ainsi que « des fonds de pension toquent chaque semaine à la porte de la FNSafer. Mais nous voulons contrôler les investissements pour qu’ils restent orientés vers l’installation », a précisé le référent de la FNSafer pour le portage.

Dans une première étape, les Safer se sont adressées aux investisseurs institutionnels « proches de la FNSafer » (Crédit agricole, Groupama). Dans une seconde étape elles chercheront des sources de financement dans l’épargne des Français, a-t-il avancé. Enfin, un financement par des entreprises souhaitant soutenir l’installation « ne poserait pas de problème ».

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