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Label rouge salers : et pourquoi pas des bœufs ?

Alors que la filière peine à répondre à la demande des GMS et bouchers en viande salers labellisée, l’Association salers label rouge voit à la finition de bœufs castrés un double intérêt.
 

La filière peine aujourd'hui à fournir la demande en viande salers labellisée.
© P. Olivieri

Drôle de paradoxe : alors que les prêches anti-viande se multiplient sur les plateaux TV, la filière label rouge salers peine, elle, à fournir la demande des consommateurs. Certes, cette dernière n’est pas exponentielle, mais le déséquilibre est aujourd’hui suffisant pour fragiliser la démarche de qualité pourtant synonyme de valeur ajoutée. En 2022 déjà, “on a réussi à passer, mais en danseuse, en anticipant des sorties d’animaux, donc au prix d’une moindre finition qui s’est traduite par une perte de qualité”, a rappelé Jean-Marie Fabre le 16 mai lors de l’assemblée générale de l’Association salers label rouge (ASLR). 

“On est sur la corde raide”

Le déficit s’est creusé en 2023, avec dès la fin de l’été, des supermarchés qui ont dû se contenter de demi-carcasses hebdomadaires. “Et en 2024, on est aussi sur la corde raide, on arrive à servir, mais sans marge, et même si la qualité est au rendez-vous, la situation est intenable, on prend le risque que des magasins se désengagent”, a mis en garde le président de l’association, estimant de plus que le manque d’animaux nuit à un rapport de force favorable à l’amont pour négocier une revalorisation tarifaire de la viande labellisée. “C’est par la finition et les démarches de qualité qu’on va chercher de la valeur ajoutée, mais on ne peut pas se bâtir une notoriété si on n’est pas capable de fournir nos clients en volumes et qualité”, a asséné le président.
En première ligne dans cette remobilisation attendue, les éleveurs, peut-être trop facilement séduits par les sirènes de la remontée inédite des cours du maigre. Une stratégie court-termiste pour les responsables du label. En 2023, comme les années antérieures d’ailleurs, à peine la moitié des éleveurs engagés dans la filière a ainsi livré une ou plusieurs bêtes. Ce ratio non seulement interroge sur la motivation première qui a guidés ces derniers vers la démarche, mais il n’est pas non plus sans conséquence sur les finances de l’association, qui doit couvrir, entre autres, les frais des contrôles annuels opérés parmi les élevages adhérents. 
“Si ces éleveurs fournissaient même un seul animal par an, ça ferait 350 bêtes de plus”, tout sauf négligeable pour Jean-Marie Fabre, qui a évoqué l’hypothèse de conditionner l’adhésion à l’association à la livraison d’un animal minimum par an, en plus de la cotisation forfaitaire d’entrée. Question qui sera tranchée ultérieurement. 

Finition des mâles : des freins culturels

Autre piste émise dans l’assemblée : pourquoi ne pas pallier le manque de femelles labellisables par de jeunes mâles castrés ? Vingt ont été préparés en label rouge salers en 2023, moins de 2 % des carcasses commercialisées. Dans la salle, les avis sont partagés : “Quand le broutard était à 2 €, on avait déjà du mal à faire castrer un bœuf salers, alors maintenant qu’il est à 3 €...”, “tous les éleveurs ont-ils la capacité technique, financière, les bâtiments... pour finir des mâles ?” Pour Jean-Marie Fabre, les difficultés ne sont ni techniques ni financières mais bien culturelles. “Certes, c’est plus facile de faire partir des broutards à 9-10 mois mais on restera toujours dépendant du marché et des cours italiens ; si on veut une filière sécurisée et valorisée durablement pour nos mâles salers, on peut chacun essayer d’explorer différentes pistes, mettre quelques mâles pour faire du TJB ou du taurillon ou encore du jeune bœuf”, a plaidé l’éleveur de Saint-Chamant. Un argumentaire appuyé par le tarif actuel des TJB : 5 € pour le baby salers (de 400 kg carcasse), contre 5,20 € pour un croisé. “Il faut montrer que nos mâles salers ont de la valeur, aujourd’hui on fait rire les engraisseurs italiens”, abonde un éleveur. 
Quid de l’acceptabilité du consommateur de cette viande de bœuf salers ? Abattu à 28 mois, “c’est une viande plus jeune, moins colorée, plus insipide, ce n’est pas ce qu’on va privilégier auprès de nos clients, mais vu les difficultés actuelles d’approvisionnement...”, expose Gabriel Maffre, représentant l’abattoir Bigard de Castres où 38 % des animaux LRS sont abattus. 

Plaidoyer pour la viande de bœuf salers

Éleveur et restaurateur (dans son buron du col d’Aulac), Alain Mathieu, aujourd’hui retraité, n’est pas de cet avis, lui qui a fini et servi à la table de sa ferme auberge, quelque 300 bœufs sur une décennie. Des animaux abattus à l’époque à 24-26 mois, autour de 380 kilos carcasse et sur lesquels les clients parisiens comme locaux ne tarissaient pas d’éloge : “Les nombreuses réticences sur la viande de bœuf ne sont pas justifiées, c’est une viande plutôt colorée, rouge, tendre, qui supporte très bien la comparaison avec les femelles ; au buron du Chaussedier, les gens viennent de loin pour manger de la salers, certains en hélicoptère, ils ne sont jamais déçus de ce qu’ils mangent, bœuf comme vache”, a plaidé celui auquel ses deux fils ont succédé en relançant l’engraissement de bœufs castrés, finis jusqu’à 32-34 mois (entre 430 et 500 kg.carc). L’ancien responsable agricole met en outre en avant des animaux paisibles et dociles dont le potentiel de la viande n’est atténué ni par la production de veau et de lait, à l’inverse des vaches, ni par les ardeurs sexuelles. 
Quant à la castration, entre trois et cinq mois maximum, elle est désormais confiée au vétérinaire qui réalise une ablation des bourses de l’animal endormi suivie d’une injection d’antibiotiques. En conclusion, Alain Mathieu a exhorté les éleveurs salers à ne pas douter de la race, “ayez confiance en vous, osez mettre en avant les valeurs qui sont les nôtres”, a-t-il argumenté.
 

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