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Mauvaise météo : l’apiculture fait grise mine

Après un début d’année qui laissait espérer une reprise de l’activité apicole sous de bons auspices, les apiculteurs déchantent. Les semaines de mauvaise météo qui viennent de s’enchaîner ont mis à mal les ruchers et les colonies.

Une abeille récole du nectar sur une fleur de sainfoin
Une abeille récole du nectar sur une fleur de sainfoin
© Marion Ghibaudo

La situation est préoccupante sur tout le territoire national, avec une météo très pluvieuse, longtemps, qui a empêché les abeilles de sortir pour récolter du nectar, et obligé les apiculteurs à nourrir leurs ruches très souvent. Une situation inédite à cette période de l’année.
« La saison n’est pas encore complètement gâchée », veut rester optimiste David Blanc, président du syndicat apicole de Lozère. « Mais elle a demandé beaucoup plus de travail que d’habitude sans récolte ». Du travail qui a consisté à nourrir les abeilles a minima une fois par semaine en ce début de printemps. « D’habitude, au printemps, on va les nourrir une dizaine de jours, mais là, ça a été toutes les semaines », sans répit possible. Ce qui veut dire des trajets pour se rendre aux ruchers, donc un coût sur l’essence, et puiser dans les trésoreries pour acheter le candi nécessaire à la survie des abeilles. « Nous estimons le surcoût entre 20 à 25 € par ruche en moyenne pour ce début de printemps ». Survie qui n’est pas assurée, puisque sans récoltes, les petites butineuses n’ont pu faire de réserves et sortent donc affaiblies de cette période noire. De plus, cette mauvaise météo a aussi eu pour conséquence directe « un arrêt de ponte dans les colonies, pendant 15 à 20 jours. Colonies qui manquent d’ouvrières aujourd’hui, et de butineuses, demain ».
La crainte des apiculteurs est désormais que la chaleur s’installe trop vite, et que les fleurs nécessaires aux abeilles sèchent sur place, sans avoir sécrété le précieux nectar qui servira à faire du miel.
Un hiver particulièrement doux, une reprise d’activité précoce des colonies, et des conditions climatiques dégradées depuis la mi-mars ont contribué au scénario actuel. « La situation pour l’apiculture est préoccupante ce printemps, il faut espérer que l’été sera meilleur. Chambres d’agriculture France a demandé le déclenchement de la calamité agricole. Au niveau de la FDSEA, nous avons été alertés il y a deux semaines, nous avons fait remonter la problématique au niveau national et nous allons rester vigilants sur cette nouvelle crise que traverse l’apiculture » a confirmé Jean-François Maurin, président de la FDSEA Lozère.

Une demande de calamité agricole en cours
Au vu de la situation, le syndicat apicole a été reçu par Sophie Pantel, présidente du département, et Robert Aigoin, conseiller départemental en charge de l’agriculture, et David Folcher, de la chambre d’agriculture, lundi 27 mai pour discuter de la situation. Le syndicat a par ailleurs alerté la DDT sur cette nouvelle crise qui est en train d’étudier le possible déclenchement d’une calamité agricole pour l’apiculture. « Nous avons aussi envoyé une lettre au préfet dès le 10 mai pour alerter de la situation », restée sans réponse à ce jour, selon David Blanc. « Notre principale demande est un soutien financier pour les apiculteurs, mais surtout pour les jeunes installés. Car cette situation a un impact fort sur les trésoreries, ce qui nous empêche aussi d’investir pour améliorer nos outils de production ».
Une situation dont est bien conscient le Département, puisqu’il se dit prêt à soutenir les apiculteurs : « mais les règles ont changé, explique Robert Aigoin. Si l’État reconnaît la situation de calamité agricole, alors le Département peut apporter un soutien aussi ». Cette évolution est due au changement de situation des calamités agricoles, passée d’un système reposant sur l’État à un système assurantiel. « Les démarches commencent à peine, donc on espère que le dossier va aller vite », pointe Robert Aigoin, qui insiste sur la nécessité de préserver l’apiculture. « L’abeille est reconnue sentinelle de la nature, le discours général lui est favorable, mais dans les actes, cela semble plus compliqué ». Département qui a, par le passé, déjà répondu présent lorsque sollicité par les apiculteurs. « En 2023, la récolte avait été bonne mais les apiculteurs ont très mal vendu car les cours du marché étaient très bas. 2024 s’annonçait meilleure. C’est vraiment la double peine pour eux », se désole le conseiller départemental, qui s’inquiète par ailleurs de l’impact climatique sur les miellées dans le futur, et de la fragilisation certaine du métier.
Au niveau national, l’Unaf (union nationale de l’apiculture française) a alerté le ministère de l’agriculture sur « la situation actuelle et sur la nécessité absolue d’aider les apiculteurs ». Sans réponse pour le moment, là aussi. Le porte-parole de l’Unaf, Henri Clément, a rendez-vous avec le secrétaire d’État à la biodiversité mercredi 5 juin.
En février 2024, le ministère de l’agriculture avait par ailleurs annoncé la mise en place d’un plan d’action face à la crise apicole de cinq millions d’euros sous forme d’avances de trésorerie, d’aides conjoncturelles et de prises en charge de cotisations MSA. Un plan qui avait été loin de satisfaire la profession.

Une saison sous surveillance
« Avec cette mauvaise météo, les ruches ont essaimé, ce qui complique encore le travail », soupire David Blanc, qui bien qu’apiculteur amateur et passionné depuis plusieurs années, s’est lancé professionnellement l’an dernier seulement. « Le temps de reformer les essaims, toutes les colonies ne seront pas en capacité de travailler avant la fin de la saison ». Alors que les floraisons de printemps arrivent à leur fin (bruyère blanche, acacia, toutes fleurs, etc.), les apiculteurs ont les yeux rivés sur celles qui arrivent (causses, toutes fleurs, châtaignier, etc.) et sur le ciel. Ce qui pourrait aider ? « Que la météo soit graduelle. Et que les agriculteurs essaient de faucher le plus tardivement possible, même si je sais que c’est compliqué cette année ».
Pour le président du syndicat apicole, « il faut rester optimiste. En Lozère, nous avons encore de la place pour installer des jeunes, et le miel, ici, reconnu pour sa qualité, se vend bien au détail. C’est quelque chose qu’il faut continuer de pratiquer ».
 

 

Une charte des bonnes pratiques 
Le syndicat apicole lozérien a, il y a quelques années, lancé l’idée d’une charte apicole pour définir les bonnes pratiques autour des emplacements de ruchers. Après avoir défini les objectifs et écrit le texte, le syndicat a fait le tour de ses partenaires pour la co-signer. Cette charte est désormais opérationnelle et a pour but principal d’encadrer les transhumances. « Nous avons dû faire face à une poignée d’apiculteurs indélicats venus transhumer en Lozère, et qui installaient leurs ruches sans respect des apiculteurs locaux déjà installés », explique le syndicat. Pour éviter que les incidents ne dégénèrent, cette charte a été créée, et sera donc diffusée le plus largement possible, et respectée par les apiculteurs transhumants, espère le syndicat. Une charte qui fait des émules puisque plusieurs autres départements se sont déclarés intéressés par ce document.

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