“L’happy culture” selon David Pigeon
David Pigeon s’est installé en tant qu’apiculteur à Veyrières (commune de Naucelles), le 1er avril 2009. Après un peu plus d’un an d’activité, le jeune homme est déjà confronté à la baisse de productivité de ses abeilles.
"L'happy culture", voilà malgré tout le slogan de David Pigeon, installé en tant qu'apiculteur professionnel sur la commune de Naucelles, à Veyrières. De ses parents, maraîchers dans l'Allier, le jeune homme a hérité du respect de la nature qu'il a d'abord mis en pratique en décrochant un master de géographie puis en décidant de reprendre l'activité d'un apiculteur cantalien qui partait à la retraite. "Mes parents avaient quelques ruches et ce domaine m'intéressait. Au moment de chercher du travail, je n'en ai pas trouvé dans ma spécialité. Alors j'ai saisi cette opportunité de récupérer des ruches dans le Cantal." Loin d'être un amateur, l'Élavérin cumule deux années d'expérience professionnelle en tant que salarié et suit une formation par correspondance, obligatoire afin d'obtenir son BPREA (Brevet professionnel responsable d'exploitation agricole).
Deux tonnes et demi de miel vendues
Après avoir trouvé son cédant par une petite annonce dans un magazine spécialisé, et avant de se lancer dans le grand bain, D. Pigeon s'est tourné vers la chambre d'agriculture du Cantal pour les démarches administratives. Même si les formalités se sont "bien passées", il a fallu accélérer le rythme de la procédure car "l'essentiel de la saison se déroule au printemps, de mars à juillet. Donc en cinq mois - je suis arrivé en novembre dans le département -, tout devait être prêt. Un délai très court compte tenu des attentes administratives, des décisions des différentes commissions, du matériel à préparer,..." Trouver le bâtiment en location a été "le plus dur" et le bouche-à-oreille lui a permis d'en louer un à Veyrières, à une cinquantaine de kilomètres de ses ruches mais très proche de son lieu de résidence. David Pigeon est ainsi devenu l'heureux propriétaire de 160 ruches, disséminées dans le sud du département, aux alentours de Maurs. Il s'y rend régulièrement au printemps et à l'été, moments forts de la saison. Suivant les années, il peut récolter entre 20 à 30 kilos par ruche, donnée variable en fonction du temps. Pour 2010, la récolte devrait débuter début juin, toujours selon la météo. Ramené dans son "laboratoire" de 280 m2 à Veyrières, le miel de ses 50 à 80 000 abeilles par ruche est extrait, filtré et mis en pot. Le tout avec du matériel que le bricoleur a lui-même construit. L'an dernier, la récolte s'était "bien passée" avec des journées à 500 kilos de miel récolté et deux tonnes et demi vendues.
Trente pourcents de perte
L'hiver, plus calme, il en profite pour construire ses ruches. Deux cents sont pour l'instant de lui, sachant que son objectif est de passer à 400 ruches d'ici un ou deux ans. "Avec 200 ruches, on peut vivre si on transforme le miel et qu'il est bien valorisé. Mais c'est assez aléatoire en raison de la santé des abeilles. En cas de problème, il est plus simple de rebondir si le cheptel est plus important." Car "des soucis en apiculture, tout le monde en a". Et le producteur de pointer du doigt "les produits phytosanitaires et les insecticides qui affaiblissent la santé des abeilles." "Elles meurent de maladies contre lesquelles elles ne peuvent plus se défendre. Quant on parle de "sentinelle de l'environnement" pour qualifier l'abeille, ce n'est pas pour rien. Elles sont hyper sensibles à tout ce qui peut altérer l'environnement." Malheureusement, l'apiculteur ne peut pas veiller en permanence sur ses abeilles, qui peuvent s'éloigner jusqu'à trois kilomètres de leur ruche. "Elles peuvent boire là où sont déversés des produits nocifs, butiner des fleurs polluées,..." La liste est longue mais loin d'être terminée : "Sans compter le varroa, un petit acarien qui se pose sur l'abeille et l'affaiblit en lui pompant ce qui, pour nous, est l'équivalent du sang." Ces problèmes causent inévitablement des pertes hivernales et l'apiculteur estime à "30 % le nombre de ruches mortes ou incompatibles à la production." Seule solution : "courber le dos et avoir les reins bien solides..." "Nous sommes démunis face à tout ça. Les apiculteurs sont dépendants à 100 % de ce qui se passe dans l'environnement et les agriculteurs sont dépendants des abeilles pour la pollinisation. Tout le boulot que réalisent les abeilles est impressionnant : près de 40 % de ce qu'on mange est lié à la pollinisation et au travail des abeilles !"
"Comment ont évolué nos campagnes ?"
S'il espère "un avenir meilleur", David Pigeon craint tout de même que cette "grosse incertitude" qui pèse sur la profession ne remette en cause sa propre activité. "Si les abeilles continuent de mourir, cela change beaucoup de choses pour les apiculteurs. Est-ce qu'un jour on saura alléger ces agressions dont sont victimes nos abeilles ?" se questionne le jeune homme. Et de livrer une conséquence inattendue de la pollution aux pesticides et produits phytosanitaires des campagnes : "La production de miel est plus grande en ville qu'à la campagne... La diversité des fleurs y est plus importante, certaines ne sont même plus présentes chez nous... Et la pollution y est moindre", du moins dans les sols. La capitale parisienne produit ainsi, en moyenne, 60 à 80 kilos de miel par ruche. "Comment ont évolué nos campagnes ? On peut se poser la question...", conclut David Pigeon.
Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.
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