Les vétérinaires veillent à une télémédecine qui ne pénalise pas le maillage rural
Le gouvernement vient d’autoriser l’expérimentation de la télémédecine vétérinaire. Éric Février, président du syndicat départemental des pratiquants libéraux, réagit.
Depuis un décret paru au JO le 6 mai, les vétérinaires sont autorisés à expérimenter la télémédecine durant 18 mois. En charge du suivi de cet essai, le Conseil national de l’ordre des vétérinaires remettra un rapport d’ici fin 2021, en vue d’une possible pérennisation.
Dans le Cantal, Éric Février, président du syndicat des vétérinaires libéraux, reste très prudent. Si le dispositif est intéressant pour le renouvellement des générations de professionnels, il faudra encadrer sa mise en œuvre pour ne pas se couper du terrain. Sinon c’est, selon lui, prendre le risque de mettre en danger le maillage rural(1).
Conforme aux demandes formulées par Vétfuturs
Naturellement, c’est le confinement lié à la pandémie de Covid-19 qui, en limitant les interventions à l’urgence, a accéléré les choses. “Mais lespremières réflexions émanent deVétfuturs : les organisations professionnelles (NDLR : Conseil national de l’ordre des vétérinaires et syndicat) ont donné la parole aux jeunes praticiens à travers une enquête pour connaître leurs attentes, leur façon de se projeter dans le métier et ses évolutions sur les 15 ans à venir. La télémédecine fait partie du livre blanc qui synthétise cette enquête”, explique le docteur Février.
Dans les faits, la télémédecine existe déjà... D’abord chez les humains, où on peut consulter un spécialiste à distance, “mais seulement accompagné d’un praticien ou d’un opérateur” ; chez les vétérinaires aussi, partiellement, “quand un éleveur demande conseil par téléphone” ; sur Internet, “mais de manière illégale et peu fiable, via des plate-formes”.
Et c’est là que se situe le plus grand danger d’après Éric Février, si l’expérimentation revenait à légaliser celles-ci, pilotées depuis les métropoles, de Roumanie ou d’ailleurs. “Car le suivi à distance est un acte qui engage la responsabilité du professionnel, ce qui n’est pas le cas des plate-formes sur Internet”, argumente-t-il.
Il convient néanmoins que l’on peut voir dans la pratique de la télémédecine en soins vétérinaires quelques opportunités. “Notamment des liens qui se resserrent avec l’éleveur, par des échanges de données bilatérales, en toute transparence, indispensables pour le suivi sanitaire. C’est un partenariat.”
Distingo petits ou grands animaux
Le président des vétérinaires du Cantal s’empresse d’ajouter que le métier n’aura d’avenir dans nos campagnes que s’il demeure rémunérateur, mais aussi s’il s’avère “intéressant intellectuellement”. Et à ce sujet, il estime que “rien ne vaut l’examen clinique”. Tel qu’il est proposé, le protocole de télémédecine est plutôt un complément. Il diffère selon qu’il s’agisse de petits animaux (de compagnie) ou de gros animaux (d’élevage).
Pour la première catégorie, le vétérinaire doit déjà connaître l’animal, l’expérimentation s’adresse donc au cabinet traitant. Dans le second cas, une visite dans l’élevage de moins de six mois est un préalable et la télémédecine réservée au cabinet qui assure le suivi sanitaire permanent.
Pour que le spécialiste puisse formuler un diagnostic, il est indispensable que l’éleveur dispose d’un équipement suffisamment moderne (tablette ou smartphone) et d’une bonne connexion internet. Car le volet sanitaire n’est pas à prendre à la légère... “Si la France peut se glorifier de l’excellence de son élevage et des produits qui en sont issus, par rapport à ceux importés notamment, c’est aussi grâce à cette coopération entre éleveur et vétérinaire”, aime à rappeler le représentant des vétérinaires du Cantal.
Dans le département, comme partout en France, c’est donc parti pour un ballon d’essai de 18 mois. Un laps de temps suffisant pour organiser des pratiques, en retenir les leçons au moment de les évaluer afin des les pérenniser ou de les stopper si elles ne conviennent pas. “Dix-huit mois qui seront déterminants”, tranche Éric Février.
(1) Actuellement, on compte dans le Cantal une centaine de praticiens.