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Terres
Les politiques foncières en débat

L’année 2009 a été difficile pour l'agriculture limousine et de nombreuses structures, dont la Safer Marche Limousin. Elle a tenu son assemblée générale le 27 mai à Bénévent-l'Abbaye.

André Mavigner (1er à droite), maire de Bénévent-l’Abbaye a accueilli les membres de l’assemblée.
André Mavigner (1er à droite), maire de Bénévent-l’Abbaye a accueilli les membres de l’assemblée.
© D.R.

En 1960, la loi d'orientation agricole instaurait la création des Safer. Cinquante ans plus tard, la situation économique, sociale, foncière a évolué. Se pose notamment aujourd'hui la question de la surconsommation des terres agricoles. La Safer Marche Limousin a profité de son assemblée générale pour s'interroger sur les politiques foncières à mettre en œuvre en Limousin. Cela s’est passé au cours d'une table ronde rassemblant les présidents de la Safer Marche Limousin, de la FNSafer, des Jeunes agriculteurs, de la FRSEA ainsi que M. Tison de la chambre régionale d'agriculture, M. Horvat du conseil régional et Jacky Guillon du conseil général. Avant d'entamer la table ronde, un bilan de l'année écoulée a été dressé.

 

Le cap est maintenu

Malgré un net repli du marché foncier tant au niveau des surfaces que de la valeur, la Safer a maintenu son activité en 2009 (Cf. encadré). Plusieurs raisons à cela : la poursuite de sa mission agricole de base et la diversification en direction des collectivités. Concernant le premier point, acquisitions et rétrocessions montrent une évolution positive en 2009 même si elle est peu élevée. Près de 75 % des rétrocessions ont en outre bénéficié à l'installation (35 %), aux agrandissements d'exploitations et aux maintiens de fermiers en place. La diversification vers les collectivités prend deux formes : les conventions de stockage (Caisse des dépôts et consignations pour la replantation de massifs dévastés, Conseil régional pour l'installation, autres collectivités pour des projets collectifs) et les prestations de services (mise à disposition temporaire de biens agricoles, études et veilles foncières, diagnostics de territoires).

 

Pour autant, la Safer ne s'est pas contentée de ce maintien de l'activité puisqu'un audit stratégique a été mené durant l'été 2009 à la demande du président et du directeur. Plusieurs axes de développement ont été mis à jour et suivis de décisions organisationnelles fortes. Parmi les pistes de travail, le développement des conventions de veille foncière et l'ouverture vers le marché des propriétés bâties de 3 à 20 hectares dit « biens ruraux ». Afin de réduire les coûts et de mutualiser les moyens, un partenariat est engagé pour 2010 avec la Safer Garonne Périgord (Sogap). Il consistera en un appui de la part de la Sogap sur le plan juridique, de la direction, du montage de dossiers, etc.

 

Prélèvement des terres

Le maintien de l'activité de la Safer Marche Limousin dans le contexte que l'on connaît est rare en France comme l'a souligné Jean-Luc Niveau son président. Alors que les installations d'agriculteurs sont en chute, que celle-ci se poursuivra vraisemblablement en 2010, que les revenus sont en berne et que l'artificialisation des terres va croissant, que faire ? Les participants à la table ronde ont tenté d'apporter des réponses à cette question en retraçant dans un premier temps les avancées du Grenelle 2 : loi contre la baisse des surfaces agricoles et naturelles, lutte contre l'étalement urbain et suivi de la consommation des terres dans les différents schémas territoriaux et d'urbanisme (SCOT, PLU), etc.

 

La loi de modernisation agricole (LMA) se profilant à l'horizon, la Safer a été interrogée sur les propositions faites dans ce cadre. André Thévenot, président de la FNSafer a évoqué les tentatives faites jusqu'à ce jour par le législateur pour lutter contre le prélèvement des terres agricoles, telles la création de zones agricoles protégées ou la loi sur le développement des territoires ruraux. Dans un cas comme dans l'autre, le bilan n'est guère positif et André Thévenot constate un « manque de volonté pour contrecarrer l'hémorragie de l'espace agricole français ». Concernant la future LMA, deux propositions principales ont été faites : le zonage des terres agricoles et la soumission à autorisation du déclassement des terres. Cette dernière proposition a été refusée ; la commission ne donnera qu'un avis simple.

 

Les Jeunes agriculteurs ont également émis des propositions pour la LMA. Philippe Pommier, président des JA limousins a fait ici référence à la demande d'une taxe au changement de destination des terres agricoles et dont le montant serait affecté à l'installation. D'autres projets sont source d'inquiétudes pour les JA, notamment les installations photovoltaïques au sol, consommatrices de terres agricoles alors que les panneaux photovoltaïques sur les bâtiments pourraient être un bon outil de développement agricole.

 

Face à ça, la salle s'est interrogée sur les liens entre perte de foncier, diminution du nombre d'agriculteurs et des revenus. Comment la Safer intègre-t-elle le devenir de l'agriculture et la baisse des revenus dans ces réflexions ? Le président Thévenot indique que l'action de la Safer a permis jusqu'ici de maîtriser les prix agricoles. En revanche, celui-ci s'inquiète de la perte de position dominante de la France en Europe, des complications administratives et des distorsions de concurrence.

 

La principale interrogation du débat demeure la suivante : comment concilier l'agriculture et un développement économique consommateur de terres agricoles ? « Les enjeux sont complexes », rappelle le représentant du conseil régional et il apparaît difficile dans notre région de dissocier le développement agricole du développement économique. Jacky Guillon, du conseil général de la Creuse et M. Correa de la ville de Guéret témoignent pour leur part au travers d'un exemple concret : l'installation d'une unité de méthanisation par Abioval à Guéret sur près de 250 ha de terres agricoles. Ils précisent que celles-ci resteront des terres agricoles (des céréales y seront cultivées) et que la mise en œuvre de projet de ce type est essentiel pour l'avenir. Interrogé sur la position du monde agricole sur le sujet, Jean-Philippe Viollet, président de la FRSEA Limousin, précise que celui-ci ne peut être systématiquement contre ce type de projet et que les besoins de développement des communes sont compréhensibles. La question de l'attractivité des zones rurale et urbaine est aussi posée et les pouvoirs publics sont appelés à travailler sur la question.

 

En conclusion, André Thévenot a exprimé de grandes craintes sur l'avenir des Safer : « Le marché se rétrécit et on sait qu'après un rétrécissement, il y a souvent une chute de la valeur des terres ». Autre difficulté à venir, la réforme de la fiscalité immobilière qui plongerait les comptes de la Safer dans le rouge. Selon lui, l'Etat doit s'interroger sur le maintien de cet outil alors que, dans d'autres pays, l'industrialisation de l'agriculture est déjà en marche. De son point de vue, la préservation de cette institution va passer par des fusions régionales. Pour autant, il souligne que la Safer restera toujours un organisme de proximité.

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