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Sommet de l’élevage
Les éleveurs mettent dehors leur ministre

Du jamais vu en 18 ans à Cournon : exaspérés, les éleveurs ont violemment refoulé le ministre Bruno Le Maire, venu cependant avec quelques annonces.

Bruno Le Maire : « Je ne lâcherai rien sur la régulation ».
Bruno Le Maire : « Je ne lâcherai rien sur la régulation ».
© D.R.

Il est venu, mais n’a rien vu, ni vaincu. Pour la première fois de l’histoire du Sommet de l’élevage, le ministre de l’Agriculture a été refoulé manu militari par les éleveurs eux-mêmes. Refoulé, le terme est bien en-deçà de l’accueil explosif fait à Bruno Le Maire. Pour sa première participation au grand rendez-vous européen de l’élevage, et avant même de mettre les pieds dans le hall 1, le ministre s’est fait littéralement « sortir » mercredi 7 après-midi par une véritable marée d’éleveurs du Berceau des races à viande et de la FNB (Fédération nationale bovine), rejoints par des producteurs de lait que seul un solide cordon de CRS a arrêtés, permettant la fuite du ministre. « Il ne nous suit pas, on n’a pas l’impression qu’il est là pour nous, depuis qu’il est en place, c’est de pire en pire... » : pour ce jeune éleveur de brebis de Saint-Sandoux (Puy-de-Dôme), le ministre de l’Agriculture n’avait pas sa place au Sommet de l’élevage.

Inévitable

Pour la FRSEA, les Jeunes agriculteurs du Massif central et les Éleveurs de races à viande du Grand Massif central, « l’accueil du ministre par les agriculteurs à Cournon ne pouvait se passer autrement ». Et les syndicalistes d’appeler les pouvoirs publics à « apporter les vraies réponses à la crise de l’élevage, et ce, le plus vite possible ». C’est-à-dire : la mise en œuvre d’une vraie année blanche sur les annuités d’emprunts et les charges fiscales et sociales ; une intervention de l’Etat « pour une juste rémunération de la production des agriculteurs » et la possibilité pour les éleveurs de vacciner eux-mêmes leurs animaux contre la FCO. Si, à chaud, Roger Blanc, le patron du Sommet, condamnait cet emportement, au moment de dresser vendredi soir le bilan de cette 18ème édition mouvementée, il reconnaissait lui aussi que « l’accueil mouvementé réservé à Bruno Le Maire, est compréhensible (..). On ne peut pas ignorer une situation économique difficile chez les éleveurs et l’accueil réservé au ministre démontre le niveau de détresse d’un certain nombre d’entre eux. On espère que les messages qui ont lui ont été transmis par les organisations professionnelles et les éleveurs ont été entendus et que le Sommet de l’élevage a joué son rôle d’événement au cœur de l’actualité agricole ».

Des messages que, sur la forme au moins, Bruno Le Maire a sans nul doute eu bien du mal à avaler. « À défaut d’en avoir pris plein les yeux, j’en ai pris plein la tête », a ironisé le ministre, qui a néanmoins tenu à délivrer son discours un peu plus tard, retranché dans un amphithéâtre clairsemé de personnalités politiques, responsables d’administrations, d’organisations agricoles..., triés sur le volet. Tout en condamnant fermement des « actes de violence isolés et inacceptables » qui ont privé les éleveurs d’une rencontre directe avec leur ministre, il a néanmoins assuré les agriculteurs de sa détermination à défendre un secteur « tout aussi important que l’automobile ou l’aéronautique ».

Vaccination gratuite

Et Bruno Le Maire de lister ses réponses immédiates destinées à apporter le « grand bol d’oxygène » réclamé un peu plus tôt par Jean-Michel Lemétayer (FNSEA) et William Villeneuve (JA). Afin « d’éviter que les agriculteurs, et notamment les jeunes, soient étranglés financièrement », il a indiqué qu’il allait examiner « toutes les propositions qui ont été faites ». En aparté, Jacques Chazalet a confié que le ministre avait demandé à la profession un peu de temps pour un travail en interministérielle qui pourrait déboucher sur l’annonce d’une année blanche sur les emprunts, au lendemain de la grande mobilisation annoncée partout en France par la FNSEA et les JA ce vendredi.

Autre mesure, bien concrète cette fois : la prise en charge intégrale du coût de la vaccination contre la FCO, toujours confiée aux vétérinaires, et dont le ministre a annoncé qu’elle resterait obligatoire en 2010. « Dès le mois de janvier, nous ouvrirons les états généraux sanitaires », a ajouté Bruno Le Maire, faisant clairement entendre qu’il était prêt à faire évoluer l’organisation sanitaire en laissant à terme le soin de cette vaccination aux éleveurs.

Attendue depuis plusieurs mois déjà, l’homologation des accords interprofessionnels conclus début 2009 sur la valorisation des AOC d’Auvergne - instaurant notamment le principe d’une CVO (cotisation volontaire obligatoire) - a également été confirmée. Une parution au Journal officiel du 7 octobre qui ouvre la voie à de nouvelles discussions sur la plus-value qui sera appliquée en 2010 sur le lait transformé en appellation d’origine contrôlée. Une avancée sur le front des AOC fromagères que Jacques Chazalet a qualifiée d’annonce la plus significative de cette « sortie » ministérielle.

Des réponses immédiates loin d’être suffisantes en tout cas pour réconcilier le ministre et un monde paysan en proie à ses heures les plus sombres.

Le ministre s’est lancé un grand défi

Régulation européenne : bataille à couteaux tirés

Inverser la vapeur d’un train lancé à grande vitesse sur les voies du libéralisme : tel est le défi que s’est lancé Bruno Le Maire qui a déclaré qu’il ne céderait pas d’un pouce « sur la mise en place d’une nouvelle régulation européenne sur les marchés agricoles ». Une « bataille à couteaux tirés » selon lui contre ceux qui « visent à prendre des parts de marchés à la France » et « à ruiner un à un les producteurs français ». « Moi je défends un modèle à l’opposé de ceux pour qui le seul critère c’est le moins cher possible ». Et Bruno Le Maire d’afficher les grands enjeux à ses yeux du XXIème siècle : la sécurité alimentaire (en affirmant que nourrir le monde sera « l’une des plus grandes questions stratégiques de la planète »), la sécurité sanitaire (« si on cède au libéralisme, ce sera le retour de la vache folle... ») et l’emploi et la croissance. Le ministre rappelant que l’industrie agroalimentaire est la seule excédentaire du commerce extérieur français.

Une détermination dont B. Le Maire a assuré les responsables de la FNSEA et des JA, rencontrés avant sa sortie officielle, lesquels lui ont réclamé « un vaste plan pour l’agriculture comme celui décidé pour les banques, l’automobile ou les PME ».

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