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Les éleveurs creusois se soulèvent

© HC

À l’appel de la FNSEA et de JA, les éleveurs creusois ont fait leur part d’action syndicale le jeudi 23 et le vendredi 24 juillet derniers. Jeudi, FDSEA 23 et JA 23 ont donné rendez-vous à leurs collègues de Haute-Vienne à l’échangeur de la Croisière, à la frontière entre les deux départements, au nord de la Haute-Vienne. L’objectif est d’informer les automobilistes sur les difficultés qu’ils rencontrent en ce moment et de les sensibiliser à l’importance du « Manger français ». À 9h30, la douzaine de tracteurs et les 350 éleveurs arrivent et commencent à se mettre en place : empruntant les bretelles de l’échangeur entre l’autoroute A20 et la nationale RN145, ils se positionnent sous le pont qui enjambe l’autoroute, bloquant totalement la circulation, et en quelques minutes, une longue file de véhicules se forme de chaque côté. Au-dessus d’eux, sur la RN 145, le même processus est en marche par un blocage des ronds-points.
Avant de commencer le filtrage, les élus syndicaux insistent bien : « On n’est pas là pour prendre les gens en otage, ce n’est pas de gaieté de coeur que nous les bloquons, soyez courtois et expliquez bien pourquoi nous faisons cela. Ce n’est pas pour avoir des primes ou des aides, mais bien pour obtenir des prix rémunérateurs et vivre d’un métier dont nous sommes fiers ». Après ce rapide briefing, le filtrage est vite mis en place : pour les véhicules de particuliers comme pour les routiers, un tract et quelques mots suffisent ; les camions frigorifiques sont eux systématiquement placés sur le côté de la route pour être inspectés : à vide, ils repartent rapidement, mais s’ils transportent une marchandise étrangère à destination de la France, il faut vérifier. Trouver de la viande ou du lait est la priorité du moment, c’est donc à regret que les éleveurs laissent partir les premiers camions de myrtilles venues du Canada, la solidarité avec les collègues fruitiers prendrait trop de place sur la route.

Sympathie
Comme cela a déjà été constaté lors des blocages des jours précédents, en Normandie et en Bretagne notamment, les usagers sont plutôt compréhensifs : les routiers klaxonnent pour saluer les agriculteurs. L’un d’eux : « si on en avait un peu plus entre les jambes, on se joindrait volontiers à vous, nous aussi vivons une pression terrible ». Les particuliers également compatissent, voire approuvent. Certains, à force de sourires et de clins d’oeil, parviennent à repartir avec le drapeau d’un syndicat.

Quelques tensions
Évidemment, tous ne sont pas aussi sympathiques, il faut bien qu’il y ait quelques altercations. Après 3 heures d’attentes sous le soleil (le temps qu’il faut pour passer le secteur lorsque l’on vient de Paris par l’A20), certains automobilistes tentent de forcer le passage en arrivant au barrage. Les tracteurs sont réactifs : en quelques manoeuvres rapides, le récalcitrant se retrouve mis au piquet. Coincé entre 2 tracteurs, le véhicule immobilisé devra perdre quelques minutes pour les quelques secondes qu’il aurait voulu gagner, l’occasion pour un éleveur de faire un peu de pédagogie en lui expliquant les raisons du mouvement.
Les routiers sont plus détendus : il leur est parfois difficile de confier les bordereaux de transport de leur marchandise, et même s’il faut parfois un peu discuter, les portes finissent toujours par être ouvertes lorsque la marchandise est jugée douteuse. Un seul camion restera plus longtemps que les autres : il a le malheur de transporter de la couenne de porc allemande à destination de Toulouse. Après 30 minutes au bord de la route, il repart.

Déblocage et visite de supermarchés
Vers 16 h, après plus de 6 heures de filtrage de la circulation et de discussions avec les automobilistes, il est enfin décidé de libérer les usagers. Mais la journée n’est pas finie pour autant. La proximité des supermarchés de la Souterraine sur le chemin du retour est trop tentante. Pendant que les éleveurs haut-viennois choisissent d’interpeller quelques GMS dans leur département, le convoi creusois s’arrête dans quelques enseignes sostraniennes. E. Leclerc, Aldi, Carrefour Market et Lidl sont visités. Les bennes d’ensilage pourri et de déchets verts sont déversées devant les magasins, pendant que les rayons sont inspectés en recherche de viande étrangère. De la viande en provenance de Pologne et du Danemark est découverte et confisquée et les produits sortis sont distribués aux consommateurs sur le parking des enseignes.

Une deuxième journée à Guéret
Vendredi 24 juillet, rendez-vous est donné en début d’après-midi au Hall de l’agriculture à Guéret pour une nouvelle opération communication, cette fois dans la capitale départementale. 120 éleveurs se répartissent sur les principaux ronds-points de Guéret avec tracts et tracteurs. Pendant ce temps, une délégation se rend à la Préfecture afin d’entendre M. Chopin, préfet de la Creuse, sur le plan d’aide présenté par le ministre de l’Agriculture l’avant-veille. Pour Pascal Lerousseau, président de la FDSEA de la Creuse et Jean-Marie Colon, président de JA de la Creuse, ce plan est une avancée, mais il ne répond pas à la préoccupation première des éleveurs, qui est d’obtenir des prix rémunérateurs. « Les reports de cotisations, c’est bien gentil, mais il faudra toujours les payer un jour » expliquent-ils. À la fin de la rencontre, les éleveurs se retrouvent donc dans les supermarchés guérétois pour y inspecter les rayons, sortir les produits non conformes (viande en promotion ou étrangère), les distribuer aux consommateurs* et ainsi faire pression sur la distribution. Dans le premier magasin visité, Carrefour Market, ils découvrent des viandes à l’étiquetage douteux, presque sans traçabilité. Des chariots sont remplis pour distribution à la sortie. Dans le magasin suivant, Leclerc, la viande est correctement étiquetée, on y trouve même à foison le logo « Viande de France », jusque-là plus que discret. Cependant, après analyse des factures, les éleveurs constatent que la hausse promise le 17 juin est bien payée par l’établissement, qui est fourni par un abatteur qui ne la répercute pas aux éleveurs. « On va devoir retourner voir cet abatteur pour demander des explications ». Le fond du problème semble bien là, la grande distribution joue le jeu en acceptant de payer les hausses mais les intermédiaires oublient leurs producteurs… Après un passage à l’Hyper Carrefour de Guéret, où d’autres produits sont sortis et distribués, les manifestants sont revenus en centre-ville pour déverser les dernières bennes devant la préfecture, l’hôtel de ville, la DDT et la permanence du député.
Enfin, tard dans la soirée, chacun est retourné fourbu chez soi, en se promettant de se retrouver pour de nouvelles actions si la situation ne s’améliorait pas.

* En raison de la grande quantité de produits sortie des magasins, ce qui n’a pas été distribué sur place à été donné à la Banque Alimentaire de Guéret.

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