ZOOTECHNIE

Les courants parasites ont-ils des effets sur les animaux d'élevages ?

Une journée organisée par le FDPL

Les courants et les champs électromagnétiques, et leurs potentiels effets sur les animaux d'élevages, soulèvent de nombreuses interrogations chez les éleveurs. La multiplication ces dernières années des champs éoliens, des installations de panneaux photovoltaïques ou encore d'antennes de téléphonie accentuent ces inquiétudes. Les témoignages d'éleveurs observant des animaux malades et/ou en perte de production deviennent également de plus en plus fréquents. Afin d'apporter des éléments de réponses et des explications à ses adhérents, la FDPL organisait la semaine dernière une journée sur le sujet avec l'intervention de Philippe Roussel, responsable santé animale à l'Idele-Institut de l'Élevage.

Peu de preuves scientifiques

Tous les animaux d'élevages n'ont pas la même sensibilité. Les bovins et les chevaux ressentent davantage les courants électriques que les petits ruminants, les poules ou encore les porcs. Philippe Roussel explique cette différence par : « l'écart des pattes, la taille, la masse graisseuse (...) ce sont des suppositions car il y a eu très peu d'études sur ces phénomènes ». Très vite, le responsable santé animale de l'Idele est confronté à l'absence de données scientifiques sur la question. 

« Face à la multiplication des témoignages d'éleveurs, plusieurs projets d'études sont en cours (dans différents organismes) du moins sur les effets d'une exposition ponctuelle des animaux aux courants électriques. » Philippe Roussel, Idele.

C'est l'autre facteur limitant de la recherche : comment mesurer les effets sur la santé animale d'une exposition faible par son intensité mais longue dans la durée ? Les effets sont mal connus pourtant leurs conséquences sont observées par les éleveurs, les techniciens et les vétérinaires.

Des éleveurs témoignent

Ce jour-là, plusieurs adhérents de la FDPL disent avoir été témoins d'une dégradation de l'état de santé de leurs animaux à l’issue de travaux sur des transformateurs électriques, l'installation de panneaux photovoltaïques ou encore d'éoliennes à proximité de eleur stabulation. 

« Mes vaches ont commencé à être moins productives avant de perdre du poids. J'ai fait venir pas moins de huit vétérinaires avant de comprendre qu'elles ne buvaient pas suffisamment parce qu'il y avait 0,5 volt dans leurs abreuvoirs. Il y avait, entre autres, une fuite sur le transformateur EDF, à plusieurs centaines de mètres de mon bâtiment » témoigne cet éleveur de Saint-Georges-de-Mons. 

Un autre, dont le bâtiment d'élevage est proche d'un parc éolien, a lui aussi constaté une dégradation de l'état sanitaire de ses vaches laitières. « Il y a bien quelque chose. Depuis que les éoliennes sont en place, je n'ai plus une seule mouche, ni hirondelle dans ma stabulation. » 
Difficile pour Philippe Roussel d'apporter des réponses concrètes et d'affirmer, ou infirmer, le lien de cause à effet : « la santé d'un troupeau est multifactorielle ».

"Tension de contact" dans les abreuvoirs

Les conséquences sur les animaux exposés à un courant continu (pile, panneaux solaires...), alternatif ou encore harmonique (généré par les ordinateurs et la robotique) sont connues et dépendent du point d'entrée et de sortie. Ainsi, un faible courant présent dans les abreuvoirs va circuler de l'avant de l'animal jusqu'à l'arrière. « C'est la situation la plus fréquente » précise Philippe Roussel. Il est appelé tension de contact. 

« Instinctivement le bovin se reculera de la source de douleur et la fuira. La déshydratation est le principal risque. » Philippe Roussel, Idele.

"Tension de pas" dans les pattes

À contrario, la tension de pas vient du sol et circule par les pattes de l'animal entraînant principalement des boiteries. D'après le responsable de l'Idele, plusieurs études auraient démontré que « les animaux s'habitueraient à une exposition ponctuelle ».
L'exposition continue en revanche, serait davantage source de problèmes mais en l'absence de données scientifiques aucune certitude n'est permise. De même, les courants électriques sont aussi connus que sont inconnus les champs électromagnétiques et leurs effets. « Nous savons qu'ils existent. Ils rassemblent à la fois des ondes électriques et des ondes magnétiques. Leurs effets à long terme sur les animaux sont inconnus. » De plus, s'il existe une sensibilité différente entre les espèces, il semblerait qu'elle soit plus ou moins marquée d'un individu à l'autre. 

Des études en cours

Plusieurs études sont en cours par différents organismes. « Le BRGM mène une étude sur les champs électromagnétiques et le lien avec la composition des sous-sols. L'ANSES mène également des recherches sur les animaux ainsi que la faculté de Limoges avec qui nous travaillons. » 

Un projet d'étude spécifique aux bovins

C’est un sujet large, complexe et sur lequel peu de choses sont connues mais les courants électriques parasites interrogent. Différents travaux et rapports (OPECST, Anses) ont dégagé les axes de recherche prioritaires des travaux menés par l'Idele qui sont :

- de mieux connaître les courants parasites en élevage et en particulier les seuils de perception et de nocivité des courants continus, alternatifs, harmoniques ; leurs origines, leurs effets sur le comportement animal et les performances, notamment dans les élevages bovins laitiers ;

- d’harmoniser les méthodes de mesure des courants parasites (alternatifs et continus,harmoniques) et développer l’information particulièrement sur les mesures correctives et préventives ;

- d’étudier la circulation des courants dans les sols et les sous sols ainsi que l’influence de la géologie (fractures et discontinuités) sur la diffusion et la perception de ces courants.

En 2022, un programme de travail a été démarré avec le financement de la CNE et du CNIEL. Dès lors, les objectifs sont :

- d’instrumentaliser des vaches laitières avec des capteurs embarqués pour mesurer le courant circulant dans le corps d’une vache et l’exposition au champ magnétique de l’animal,

- d’harmoniser et compléter les méthodes d’intervention en élevages confrontés à des suspicions de problèmes de courants parasites afin d’aider à la mise en place de mesures préventives et correctives lors d’interventions en élevage.

La fin des travaux est fixée à mai 2025.