Champs Elysées
Le rendez-vous réussi des Jeunes agriculteurs
Les 23 et 24 mai derniers, Nature capitale, à Paris, a drainé près de deux millions de visiteurs sur celle que les Français appellent la plus belle avenue du monde.

Vingt ans après la Grande moisson, les voitures ont cédé la place à la nature sur la plus prestigieuse avenue du monde pendant deux jours. Arbres de nos forêts et plantes de nos champs, ont colonisé le pavé parisien pendant le week-end de la Pentecôte, les 23 et 24 mai. Les Parisiens, banlieusards et touristes ont pu, pendant ces deux journées estivales, aller à la rencontre, non pas d’inconnus mais de jeunes agriculteurs : après tout, ce sont eux qui nous nourrissent au quotidien. Pourtant, les agriculteurs s’estiment parfois mal connus des urbains. Nature capitale était justement là pour tenter d’y remédier. De la place de l’Etoile au rond-point des Champs-Elysées, sur presque deux kilomètres, 8 000 parcelles ont exposé la diversité de l’agriculture française avec 150 espèces de plantes (colza, vigne, haricots de Soisson, miscanthus, etc.) et d’animaux. En tout, trois hectares de nature et de cultures, soit l’équivalent de six terrains de foot ! Pour William Villeneuve, le président des JA, « il est capital de donner à nouveau un rendez-vous aux citoyens et aux consommateurs pour leur montrer tous les visages de l’agriculture d’aujourd’hui », alors que l’avenir de la politique agricole commune (PAC) de l’après 2013 est en discussion et au moment de l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture au Parlement. Le leader des JA ajoute : « Nature capitale est l’occasion unique de montrer que l’agriculture est capitale pour les générations futures ! Nous voulons nous adresser aux citoyens pour leur faire prendre conscience que grâce au choix que nous ferons ensemble, il sera possible de conserver une alimentation de qualité, un environnement préservé et un vrai dynamisme des territoires ».
« Il n’y a rien de plus beau »
Apparemment, l’opération séduction a fonctionné, à tel point que les organisateurs ont avoué être dépassés par le succès. Certains badauds, un peu déçus, n’ont pu avoir des explications car les « conseillers » sur chacune des parcelles présentées étaient souvent débordés… voire pas assez identifiables, regrette Carole Doré, vice-présidente des JA. Ou parce qu’ils étaient inaccessibles, la foule étant trop compacte. D’autres n’ont pu pénétrer sur le site, dimanche après-midi, l’accès ayant été bloqué par les forces de l’ordre, pendant quelques heures à cause du monde. Dommage ! Hors ces quelques visiteurs grincheux, l’humeur était à l’enthousiasme : « Les céréales, il n’y a rien de plus beau », s’extasie une femme à la cinquantaine plantureuse devant une parcelle d’avoine. « C’est magnifique », confirme une amie qui l’accompagne. Une sexagénaire, à la démarche difficile est venue tôt ce dimanche matin (avant 9 h 30) pour prendre le temps d’admirer « tranquillement » cette nature à Paris. « J’étais déjà venue il y a 20 ans pour la Grande moisson : ce n’était pas envisageable de ne pas venir aujourd’hui malgré mes difficultés pour marcher. De la Grande moisson, j’en avais gardé un tel bon souvenir… », témoigne-t-elle. Et de repartir, en appui sur sa canne, vers une autre parcelle, à la rencontre d’un autre JA pour partager avec lui ou elle « sa passion pour la nature et l’agriculture ».
« Nous sommes tous paysans »
Quant aux hommes et femmes politiques, ils sont arrivés plus tard, sur les coups de midi, en cette journée dominicale ensoleillée. Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris a souligné « l’action forte de la ville de Paris pour pousser toute initiative du monde agricole » ; une déclaration qui n’est sans doute pas tombée dans l’oreille d’un sourd… Bruno Le Maire a de son côté estimé que l’agriculture doit « revenir au cœur du pacte social et économique français » tout en lançant « nous sommes tous des agriculteurs ». Jean-Louis Borloo, lui, s’est contenté de parler « d’une promenade entre amis »… On a vu également, Jack Lang, l’ancien ministre de la culture. La partie de campagne des politiques a enfin pu débuter au moment où la foule de curieux ne cessait de grossir. Quant au Président de la République, attendu le dimanche, il a choisi de venir lundi « en bon voisin », accompagné de son épouse. En déambulant dans les parcelles, Nicolas Sarkozy n’a cessé de rappeler son action auprès des agriculteurs, histoire de récupérer et de séduire un électorat qui l’a abandonné aux dernières élections régionales. Une opération séduction réussie pour les agriculteurs vis-à-vis du grand public, et de Nicolas Sarkozy. C’est encore une autre histoire à suivre dans sa détermination à conserver une PAC forte.
Les secrets de l’évènement
Une belle fête, ça se prépare. Voici les secrets d’un événement réussi.
Il en aura fallu de l’endurance, de l’énergie, des hommes, des femmes (800 personnes réquisitionnées), 250 camions et des chariots élevateurs pour faire pousser ce jardin de 8 000 parcelles, 162 000 plantes, 650 grands arbres, 11 000 jeunes arbres, 150 000 jeunes plants sur les Champs-Elysées. Pendant la durée du week-end de la Pentecôte, l’avenue aura bien porté son nom. Douze heures de travail ont suffi pour tout installer dans la nuit de samedi à dimanche. « Et sans aucune aide publique », tiennent à souligner les organisateurs pour une manifestation coûtant 4,2 millions d’euros. « Nature capitale est une opération sponsorisée au deux tiers par des entreprises proches de l’agriculture. Le tiers restant devant provenir de la vente du plateau végétal exposé sur les Champs pendant deux jours. »
En plus de la détermination des Jeunes agriculteurs, rien n’aurait était possible sans l’implication de Gad Weil (le metteur en scène de la Grande moisson sur les Champs, il y a 20 ans), également ami de Jack Lang. « Je lui dois tout », se plaît-il à raconter… en se remémorant la préparation de la Grande moisson. Pour mémoire, à l’époque Jack Lang était ministre de la culture. Et l’artiste des rues, Gad Weil, évoque la frayeur qu’il avait eue la veille de la moisson, en raison du mauvais temps ; et la satisfaction le lendemain d’un ciel sans nuage. Nature capitale, fort de son succès, débutera une tournée dès l’année prochaine à New-York et à Istanbul. Ou quand les jeunes pousses font des petits…
L’autre rendez-vous champêtre de Paris
Les bouchers étaient également de la fête. Dimanche, ils ont organisé un barbecue géant, au pied de la tour Saint-Jacques, leur patron en religion. Bruno Le Maire y était. Avant de prendre un bain de foule à Nature capitale, sur les Champs-Elysées, il a été intronisé dans la Jurande des compagnons de Saint-Jacques de la boucherie. Cette cérémonie a eu lieu à la tour Saint-Jacques, rénovée très récemment. Cette confrérie vise à défendre les savoir-faire de la boucherie d’autant que cette profession souffre de plus en plus d’attaques selon lesquelles il faudrait manger moins de viande pour protéger l’environnement. Et les éleveurs aussi par ricochet.