Le narcisse des poètes, une petite fleur mise en lumière sur l’Aubrac
Le concours des pratiques agro-écologiques « Prairies et Parcours », anciennement nommé « concours prairies fleuries », met en avant cette année les prairies à narcisse des poètes. Pour cette huitième édition, le jury du concours a donc parcouru, mercredi 21 et jeudi 22 mai, les huit prairies retenues cette année, en Lozère et dans le Cantal.
Le concours des pratiques agro-écologiques « Prairies et Parcours », anciennement nommé « concours prairies fleuries », met en avant cette année les prairies à narcisse des poètes. Pour cette huitième édition, le jury du concours a donc parcouru, mercredi 21 et jeudi 22 mai, les huit prairies retenues cette année, en Lozère et dans le Cantal.



Plante vivace de 20 à 40 cm de haut qui se reconnaît aisément, elle est caractérisée par sa fleur aux six divisions d’un blanc très pur et une petite collerette centrale blanc jaunâtre liserée de rouge. Cette espèce se trouve notamment dans les prairies de fauche relativement humides des plateaux jurassiens, des contreforts vosgiens et dans les pâturages d’altitude. Ces fleurs sauvages sont cueillies puis acheminées vers les parfumeries. La récolte et la transformation du narcisse en Lozère sont des savoir-faire uniques.
Ce concours est organisé par le parc naturel régional de l’Aubrac et la communauté de communes des Hautes-Terres-d’Aubrac. Le jury est composé d’experts de la botanique, de la faune, de l’agronomie et de la cueillette de plantes sauvages, et présidé par Christophe Sireyjol, directeur de la Sadev (IFF) à Aumont-Aubrac. Cette société, créée à Aumont Aubrac en 1983, assure la transformation des récoltes en produit de base pour la parfumerie fine. Utilisés depuis des générations, les effluves du narcisse sont prisés des plus grandes maisons de parfum.
Une fois la cueillette terminée, les fleurs de narcisse sont acheminées à la Chazotte, à Aumont-Aubrac, dans les locaux de la Sadev. Au cœur de cette unité, filiale d’International Flavors & Fragrances (IFF), dont le siège est à New York, aux États-Unis, des dizaines de kilos de délicates têtes sont plongés dans une cuve de solvant. Une fois le liquide volatil évaporé, seule reste une pâte cireuse, résultat de l’opération. Il s’agit de la concrète, qui renferme les composés huileux de la plante. Macérée ensuite dans de l’alcool, cette matière brute restitue alors après filtration ses molécules les plus odorantes. « On appelle cet extrait hyperconcentré l’absolue. Ni solide ni vraiment liquide, son aspect est visqueux et très épais, explique Christophe Sireyjol. Pour recueillir un kilogramme d’absolue, plus de 1 500 kg de narcisses sont nécessaires, soit près de 800 000 fleurs ».
Pour que les narcisses puissent s’épanouir dans les prairies, quelques-uns des critères importants, sont « la pratique d’une fauche tardive et une conduite raisonnée ». « Le narcisse pousse naturellement, il n’est pas planté », a rappelé le directeur de la Sadev. « On a la chance, sur les plateaux de l’Aubrac, d’en avoir en quantité, grâce aux pratiques agricoles ».
Chaque année, quelques dizaines de tonnes sont récoltées, et les meilleures années, la récolte peut monter à quelques centaines de tonnes. Et la Sadev s’appuie sur une centaine d’acteurs, sur l’Aubrac, pour cette cueillette. Si les deux dernières années, les récoltes ont été moindres à cause d’un climat trop humide, Christophe Sireyjol espère que 2025 sera une année plus intéressante. Notant par ailleurs que les agriculteurs commencent, après quelques années de creux, à se réintéresser à ces plantes naturelles et bio-indicatrices. « Et si de nouveaux agriculteurs souhaitent nous rejoindre, nous serons ravis de discuter avec eux ».
Un concours bien suivi
Ce concours valorise chaque année les initiatives des agriculteurs et éleveurs qui mettent en œuvre les meilleures pratiques agro-écologiques sur leurs exploitations. Ces pratiques contribuent à la préservation de la biodiversité, à la qualité des paysages et à la production agricole durable. Créé en 2010, le concours des pratiques agro-écologiques en catégorie prairies et parcours récompense les éleveurs pour la qualité agro-écologique de leurs prairies naturelles, qu’elles soient destinées à la fauche ou au pâturage. L’évaluation repose sur la diversité floristique et la gestion des parcelles, qui influent directement sur la qualité de l’alimentation des troupeaux, la biodiversité et les caractéristiques des produits issus de l’exploitation (comme le lait, la viande, ou le fromage). Ce concours valorise les prairies ayant le meilleur équilibre agro-écologique, en mettant en avant le lien étroit entre la qualité des prairies et la qualité des produits agricoles.
Sur l’Aubrac, le concours est organisé depuis 2016. Il valorise les prairies ayant le meilleur équilibre agro-écologique, sur la base de critères alliant l’agronomie, la performance au service de la production agricole, la diversité floristique ou encore les services rendus à la faune sauvage.
Chaque année, le parc naturel de l’Aubrac, et le service Natura 2000 de la communauté de communes des Hautes-Terres-d’Aubrac organisent ce concours local, en partenariat avec des associations de producteurs. Ainsi, les éleveurs proposent une prairie naturelle d’estive, montagnarde, sèche ou moyennement sèche, sur un secteur redéfini chaque année. Le jury est composé d’experts en agronomie, en botanique et en faune et le vainqueur du concours local peut participer au concours national dont le prix est remis lors du Salon de l’Agriculture suivant, à Paris.
Par exemple, en 2022, le concours avait été organisé en partenariat avec l’association Bœuf Fermier Aubrac sur les communes qui longent les crêtes de l’Aubrac. Comme chaque année, la remise des prix aura lieu à l’automne durant Phot’Aubrac, puis le lauréat participera au concours national lors du Salon de l’agriculture en février 2026 à Paris.
Des prairies conduites de manière raisonnée
Mercredi 21 mai, la première prairie parcourue a été celle de Pierre Serres, au lieu-dit Salles-Basses, les Salces. L’agriculteur avait déjà participé à ce concours il y a une dizaine d’années, sur un autre thème, et avait trouvé intéressant les échanges avec le jury. « On a un jury très diversifié, qui apporte beaucoup. Il faut dire que nous, on est éleveurs, et la prairie, on y porte attention quand on récolte le fourrage, mais pour ma part, je ne m’y connais pas très bien, donc c’est très intéressant de pouvoir discuter, échanger et parler de nos pratiques, pour voir si elles sont bonnes pour le milieu et l’environnement ».
Associé avec ses parents au sein du Gaec Terres d’Aubrac, dont le siège social est situé à Nasbinals, le parcellaire, lui, est situé aux Salles-Basses. La parcelle où s’est arrêté le jury est « une parcelle de fauche » où se pratique la cueillette de près d’une tonne de narcisses au printemps, « même si ça peut varier d’une année à l’autre ». C’est le papa de Pierre Serres qui s’était lancé dans la cueillette. Si les premières années, la cueillette était assurée par les agriculteurs, la Sadev a depuis mis au point des machines pour une cueillette mécanique et s’occupe donc désormais de la récolte des narcisses. But principal de la parcelle : « la récolte de fourrage pour l’alimentation hivernale des animaux » selon l’agriculteur qui a rejoint le Gaec familial en 2017. Située à 1 300 mètres d’altitude, cette parcelle est fauchée et récoltée aux alentours de la mi-juillet, chaque année. Si la production de fourrage y est faible, « la qualité est très bonne », se satisfait Pierre Serres. Une qualité que l’agriculteur explique notamment par la diversité des plantes que l’on peut y trouver.
Si la prairie est fauchée depuis « au moins 150 ans », la cueillette des narcisses s’y pratique depuis « au moins les années 1990 ». Et cet atelier de diversification, Pierre Serres y tient, et fait tout pour que les narcisses se plaisent sur son terrain. « Ici, on n’utilise pas d’amendement calcaire, donc on est plutôt sur un sol acide, et on essaie de faire une fertilisation raisonnée (ndlr de la fumure organique épandue tous les deux à trois ans) et pas trop poussée ». Des pratiques renforcées par le piégeage des rats-taupiers et campagnols, des dévastateurs de prairies redoutés sur l’Aubrac. Le tout est complété par « pas de pâturage au printemps, donc ce sont des parcelles qui ne sont pas déprimées. On fait juste une fauche, et les animaux viennent à partir du 15 octobre ».
L’autonomie en fourrage étant assurée sur la ferme, « à part les années exceptionnelles », les associés travaillent donc, avant tout, la qualité de leurs fourrages, avec 60 hectares de fanés et 100 % foin.
Le Gaec élève 80 vaches Aubrac, et pratique quelques croisements charolais. Les associés ont aussi un atelier de naisseur, ainsi que de l’engraissement pour le label rouge bœuf fermier Aubrac. Et si Pierre Serres a décidé de se porter à nouveau volontaire pour ce concours, « c’est en partie aussi parce que ça peut aider à la valorisation des animaux et à la qualité de la viande ».