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Lait de montagne : urgence de déployer toutes les segmentations possibles

Altitude, pâturage, et typicité… un trio a priori gagnant pour la filière laitière de montagne mais dont elle ne bénéficie pas pleinement. Dans le Massif central, 3/4 du lait produit en montagne échappe à une valorisation substantielle.

Avec les Pyrénées, le Massif central est le territoire où le nombre de vaches laitières a le plus fortement diminué ces dernières années.
Avec les Pyrénées, le Massif central est le territoire où le nombre de vaches laitières a le plus fortement diminué ces dernières années.
© S.C.

À l’initiative de l’Institut de l’Elevage en partenariat avec le CNIEL et la Confédération nationale de l’élevage, les acteurs de la filière laitière se sont retrouvés autour d’un programme de conférences, la semaine dernière à Paris. Des conférences retransmises en région, qui portaient sur des thématiques diverses, dont celle de la valorisation de la production laitière de montagne. D’abord sur les chiffres, 14% de la production laitière nationale est produite en montagne. Il faut compter entre 120 et 130 euros supplémentaire pour produire un lait en montagne, par rapport à un lait produit en plaine. «Un différentiel compensé seulement en partie par les indemnités compensatoires de handicaps naturels dont nous attendons d’ailleurs toujours la revalorisation», explique Michel Lacoste, producteur dans le Cantal, président du Cnaol (Conseil national des appellations d’origine laitières) et secrétaire général adjoint de la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait). D’où l’intérêt, selon lui, de disposer de soutiens pour accompagner la production laitière en montagne, finalement très protéiforme.
L’enjeu est de taille quand on sait que rien qu’au niveau du Massif central, en dix ans, le territoire a perdu 12 000 vaches laitières, soit une centaine d’hectares convertis, certes, au profit de la production allaitante, mais qui du coup «a perdu en valeur et en emplois générés», insiste Yannick Péchuzal, chef de projet économie des exploitations d’élevage à l’Institut de l’élevage.


Les AOP et tout le reste
Actuellement en France, une exploitation laitière de montagne sur deux valorise son lait à travers les signes officiels de qualité et d’origine (SIQO). Dans le Massif central, même si la politique en faveur des AOP progressent avec à la clé une meilleure valorisation du lait produit par les éleveurs, seul un quart de la production laitière de montagne est fléchée vers un SIQO. «L’enjeu premier est de garder la qualité de nos produits, de répondre aux attentes sociétales, tout en garantissant la protection de nos AOP. L’administration française doit nous y aider. À ce titre, le maintien de la possibilité pour les AOP de réguler leurs volumes est un élément d’équilibre important», estime Michel Lacoste. Dans ce contexte, quid des trois-quarts de la production laitière du Massif central restants dont la valorisation est actuellement plus floue ? Il existe des démarches comme celles portée par l’association des producteurs MontLait qui commence à porter ses fruits avec désormais plusieurs références de produits. La marque pourrait d’ailleurs, sous peu, s’ouvrir à des producteurs de l’ex région Rhône- Alpes.
Plus globalement, en Auvergne-Rhône-Alpes, un travail a démarré fin 2018 pour réunir tous les acteurs motivés autour de la démarcation montagne. Des producteurs y croient, et huit entreprises sont parties prenantes dans le projet. Un projet, qui ne pourra voir le jour sans le soutien des pouvoirs publics : «Nous avons besoin de politiques publiques renouvelées qui dépassent la seule approche des surcoûts de coûts de production. Pour retrouver de l’attractivité dans nos fermes et dans les entreprises, un soutien fort et adapté est nécessaire. Si on perd le lait en montagne, on perdra toute une dynamique sur ces territoires», explique Michel Lacoste.


Que font nos voisins européens ?
Pour élargir l’horizon de la problématique laitière en zone de montagne, les ingénieurs de l’Institut de l’élevage sont allés voir ce qui se faisaient ailleurs en Europe en termes de politique de valorisation. 11% de la production de lait est produite en montagne en Europe. La France, l’Autriche, l’Italie, et l’Allemagne sont les principaux producteurs. Outre-Rhin ou de l’autre côté des Alpes, les valeurs de naturalité et d’authenticité liées à la montagne sont systématiquement mises en avant. Avec des résultats plus ou moins probants selon les territoires, pour ce qui est du retour aux producteurs. Pionnière du bio en 1973 et du lait de montagne en 1988, la coopérative de Berchtesgaden, à l’est de la Bavière est celle qui affiche un prix du lait payé aux producteurs le plus élevé du pays. À grands renforts d’images nostalgiques et disons-le, un peu vieillottes, la coop communique sur l’authenticité de produits pour mieux s’opposer à l’image d’une Allemagne fortement industrialisée et urbanisée.
Et ça marche ! Avec 418 400 tonnes de lait transformés en Bavière, la montagne est avec le bio, la valeur qui a le plus progressé entre 2014 et 2017 (+28%). Là-bas, le vert est synonyme d’or blanc. Un or toutefois fragile, et dont le salut dépend de la coordination des acteurs et d’un accompagnement politique fort qui adapte les outils en fonction des objectifs.

Boom de
la collecte en Bio
La montagne n’échappe pas à l’engouement autour de la production biologique. En Auvergne-Rhône-Alpes, la collecte de lait bio a bondi de 67% entre 2017 et 2018, avec des augmentations spectaculaires constatées dans le Rhône (+ 120%), en Haute-Loire (+ 96%), et dans le Cantal (+ 92%).
Là aussi, la pérennisation de ces débouchés passe par un élargissement de la gamme de produits. « On ne peut plus se contenter de proposer aux consommateurs seulement du lait UHT, il nous faut aller vers davantage de transformations fromagères », estime Michel Lacoste.
Ce besoin de segmentation est d’autant plus criant à l’heure où les conversions tendent à ralentir en raison des craintes liées à la baisse des subventions et aux aléas climatiques à répétition.

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