La France va-t-elle vraiment sacrifier ses vaches et ses prairies pour mieux importer ?
Les éleveurs du berceau des races à viande déplorent les récentes positions du ministre de l’Économie et des Finances et de la Cour des Comptes. Un coup de com’ qui cache, selon eux, une ambition beaucoup plus pernicieuse : asphyxier l’élevage français pour laisser libre champ à l’import.
Depuis une dizaine de jours, les attaques envers l’élevage se multiplient. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir à juste titre, les organisations professionnelles du secteur. Dans un communiqué de presse, les éleveurs du grand Massif central s’interrogent ainsi : « La France veut-elle d’un Grand Massif central sans éleveurs, sans vaches, sans prairies ? ». Et de pointer du doigt les récentes déclarations de certains membres du Gouvernement (ndlr : celle de Bruno Le Maire) et le rapport de la Cour des Comptes faisant, depuis quelques jours, les gros titres des médias nationaux. Un rapport qui, bien que soulevant certaines questions pertinentes sur l’élevage bovin et son lien fort avec les territoires sur lesquels il est implanté, se résume finalement à deux recommandations, sans appel : réduire drastiquement le cheptel français et accompagner les éleveurs dans une reconversion professionnelle. Ceci, en ignorant une réalité pourtant bien concrète : la baisse de production de viandes bovines en cours depuis de longues années, et qui s’est accélérée dernièrement se traduit, déjà, par une forte augmentation des importations. En 2022, plus de 25 % de la viande bovine consommée en France était importée : une donnée que les sages de la Cour des Comptes semblent avoir éloigné, volontairement ou non, de leur raisonnement.
Produire moins pour importer : où est la logique ?
Selon les éleveurs du berceau allaitant, « la Cour des Comptes fait ici un mauvais calcul, puisque depuis Bruxelles, alors même que nous débattions en France du pourcentage de vaches et de prairies à rayer de nos paysages, l’Europe offrait à l’Australie, dans le cadre d’un accord de libre-échange en cours de négociations, un nouvel accès privilégié au marché communautaire pour 24 000 tonnes de viandes bovines. Des viandes produites principalement au sein de « feedlots » : des parcs d’engraissement industriels contenant plusieurs milliers de bovins, dopés aux antibiotiques utilisés comme promoteurs de croissance. Mais où est la logique ? » « Toujours moins produire sur nos territoires, pour dérouler la politique de libre-échange et proposer aux consommateurs des viandes produites toujours plus loin, respectant toujours moins les normes de production sanitaires et environnementales imposées aux éleveurs européens ».
La durabilité plutôt que la stigmatisation
Face à cette hypocrisie, les éleveurs du Grand Massif central proposent une autre approche : « définir, collectivement, quels sont les systèmes d’élevage durables que la France entend conserver sur ses territoires et recentrer la consommation de viandes sur celles issues de ces élevages. Ceci, afin de permettre à la France de tenir ses engagements environnementaux sans sacrifier inutilement des emplois, des entreprises, des familles et des territoires tout entiers. Parce que notre secteur est déjà en danger de mort, il est urgent que les responsables politiques assument, enfin, des décisions fortes et cohérentes. Dans quelques années, il sera trop tard. Et les dégâts, dans le Grand Massif central, seront malheureusement nombreux ».
Rapport de la Cour des comptes : « Hors des réalités » pour Marc Fesneau
La polémique autour du rapport de la Cour des comptes publié le 22 mai, qui propose de réduire le cheptel bovin, a fait réagir le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. Dans un long tweet publié le 23 mai au soir, il a écrit que « le discours sur la décroissance forcée, portée comme politique publique, est curieux pour ne pas dire hors des réalités, quand on sait que la France n’est autosuffisante pour aucune filière animale ». Manifestement très remonté contre les pseudo-Sages de la rue Cambon, il a poursuivi : « Serait-ce à dire que certains assumeraient de voir renforcer nos importations, baisser notre souveraineté alimentaire au profit de formes d’agriculture que nous ne voulons pas ? Serait-ce à dire que nous laisserions à d’autres le soin de nous nourrir ? ». Défendant les aménités positives de l’agriculture et de l’élevage en particulier, il a évoqué le fait qu’un hectare de prairie permanente, absorbe chaque année 110 kg de CO2, « que chaque année les prairies stockent 8 millions de tonnes de CO2 (soit près de 2 % des émissions nationales) », « que par l’alimentation des animaux par exemple, l’on peut réduire l’empreinte carbone, que les éleveurs y sont déjà engagés » et enfin « que l’on n’est pas obligé de choisir par injonction entre végétal et animal ». Cette mise au point était attendue pas l’ensemble de la profession.