Révolution agricole
La flambée des difficultés ne doit pas faire perdre espoir
L’ancien ministre socialiste de l’agriculture, Henri Nallet, était l’invité de la session de printemps de la Chambre régionale d’agriculture.
C'est une analyse percutante, réaliste, teintée de doutes mais aussi de convictions, qu'a livrée, lundi dernier, Henri Nallet, devant les élus de la Chambre régionale d'agriculture. Son intervention et sa venue, motivées par un de ses écrits publiés dans la revue «Paysans» ont essentiellement porté sur les enjeux de l'agriculture. L'ancien ministre de l'agriculture estime ainsi qu'une nouvelle agriculture à la fois productive et écologique doit être inventée. Pour y parvenir, il plaide «pour une révolution agricole nécessaire à l'avenir de l'humanité et qui suppose l'existence de politiques publiques ».
La dérégulation comme coupable
A trop vouloir considérer les matières premières agricoles comme des produits banales, obéissant aux seules règles du marché, toutes les organisations internationales ont participé à la dérégulation. « On a laissé le marché produire tous ses effets et aujourd'hui, à l'heure d'une crise alimentaire peut-être durable, on semble se réveiller sur une évidence, les marchés agricoles ont besoin d'être protégés », a expliqué Henri Nallet.
La protection, le soutien implique donc des politiques publiques volontaristes. A ce titre, l'ancien ministre estime que l'Europe et la Commission européenne sont en retard, « en préparant avec le bilan de santé de la PAC, la guerre précédente ». Après le découplage total et la fin de l'intervention, l'Europe s'apprête en effet à mettre un terme à la jachère et aux quotas laitiers. En s'entêtant dans des mécanismes de dérégulation de l'offre, l'Europe nage à contre-courant, selon Henri Nallet. La PAC a besoin d'être refondée, mais pas dans le sens auguré par la commission.
Combiner efficacité et durabilité
« Dans une économie ouverte où règne la concurrence, les producteurs mettront toujours en oeuvre la combinaison productive la plus efficace, et ils ne prendront en compte ses effets sur l'environnement que dans la mesure où ils ne pèsent pas sur les coûts et sur la performance économique globale du système de production. Les éco-conditionnalités(*) du second pilier, ne tiendront jamais longtemps devant la possibilité d'améliorer d'un centime le prix de revient du produit ». Promouvoir une agriculture composée de formes de production en même temps toujours plus efficaces et enfin « durables », voilà le défi à relever.
Proposer et agir
Et pour Henri Nallet, il n'est pas surhumain. « Les organisations professionnelles doivent être plus offensives, faire des propositions. Elles doivent monter en première ligne sur l'équation recherche (ndlr : y compris sur les OGM), formation, productivité et respect de l'environnement ». Et d'inciter les responsables agricoles à s'inspirer de la révolution menée par Michel Debatisse dans les années 1960. Alors oui, l'époque a changé, les trente glorieuses sont derrière nous, mais comment rester stoïque et résigné face à l'immense défi alimentaire qui attend les paysans ? Il n'y a pas de fatalité au déclin, si l'homme le veut, une nouvelle révolution peut se mettre en marche. Aux paysans de la provoquer.
(*) « On ne développe pas une agriculture productive et écologique par de la réglementation mais par des incitations ».
Relocaliser les productions vivrières
Dans une tribune, co-signée avec Pierre Méhaignerie, Philippe Vasseur et Michel Rocard, dans Le Monde en avril 2008, Henri Nallet explique que résoudre le problème de la faim dans le monde implique de relocaliser les productions vivrières. Extraits : « Le développement des agricultures vivrières est donc la tâche urgente et prioritaire que doit se donner la communauté internationale, car c'est d'abord dans ces pays que la population va croître très vite dans les prochaines années. C'est dans le Sud que se jouera l'avenir alimentaire de l'humanité. Il ne peut pas être laissé aux seuls soins du marché, des surplus du Nord et des bonnes opérations des spéculateurs. Il faut qu'il soit l'affaire des paysans du Sud et de leurs responsables avec le soutien et la protection des pays mieux dotés. Il faut que les actes suivent et que l'aide publique au développement revienne au coeur des politiques de solidarité». En écho, à cette prise de position, Henri Nallet a résumé, lors de la session, « C'est le Sud qui doit nourrir le Sud. Ce qui vaut pour le Sud vaut d'ailleurs aussi pour le Nord, au regard des problèmes climatiques ! ». Et de citer l'exemple du raisin de table du Chili, dont le bilan énergétique donne le vertige !