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« La désertification n’est pas une fatalité ! »

VÉTÉRINAIRES Comme les médecins de campagne, les vétérinaires ruraux commencent à se faire rares en France. Mobilisé sur cette problématique, le Groupement technique vétérinaire (GTV) Bourgogne Franche-Comté dément l’image négative et datée que certains se font du métier. Entretien avec les docteurs Karine Durrey et Alexandre Dimberton.

Vétérinaire rural est un métier qui n’attire plus autant les jeunes qu’avant et qui engendre une désertification dans les zones rurales.
Vétérinaire rural est un métier qui n’attire plus autant les jeunes qu’avant et qui engendre une désertification dans les zones rurales.
© AA03

Quelles sont les raisons qui expliquent cette désaffection pour le métier devétérinaire ?

Dr Alexandre Dimberton : La part de citadins est devenue prépondérante dans la population. Les personnes ayant un lien avec le monde rural sont de moins en moins nombreuses. Le milieu rural n’attire plus. La désertification n’est pas une fatalité ! Les jeunes diplômés n’ont pas envie d’aller travailler à la campagne et la préservation de la vie privée a pris beaucoup d’importance pour les jeunes. Ils choisissent leur poste en fonction de la qualité de vie, ce qui implique des exigences en termes de logement, d’environnement social, de loisirs, de services publics, etc. Ils ont aussi envie de bouger et ne sont plus prêts à faire toute une carrière au même endroit. On ne peut pas nier non plus l’effet de l’agribashing. Les étudiants sont freinés par l’image négative colportée sur l’agriculture. La désaffection du métier atteint aussi les étudiants qui sont imprégnés par les questions de société. Les vétérinaires font eux-mêmes parfois l’objet de ces attaques. Certains jeunes jugent les vétérinaires complices de cette agriculture qu’ils dénigrent et ils ne veulent pas cautionner cela. Nous sommes sur le même bateau que les agriculteurs et nous partageons cette problématique commune de la difficulté à transmettre. Il faut arrêter les discours négatifs. L’image que les gens se font de nos métiers est ancienne. La production agricole ne serait pas ce qu’elle est sans bien-être animal et sans un minimum de respect de l’environnement.

La formation est-elle suffisamment bien adaptée à la médecine vétérinaire rurale ?

Dr Karine Durrey : La formation en école vétérinaire aujourd’hui ne prévoit pas tous les outils d’adaptation au milieu rural et au monde agricole. Il est impossible en effet de faire pratiquer à chaque étudiant tous les gestes techniques de base indispensables à sa pratique sur des bovins. Cette partie « pratique » de la formation est pour sa grande majorité déléguée aux vétérinaires expérimentés de terrain qui prennent les jeunes vétos sous leur aile, en plus de leur charge de travail quotidienne... Les écoles préparent davantage à la pratique canine car elle demande moins de formation sur le terrain que des bovins. Et puis certains jeunes redoutent de se retrouver seuls face à une clientèle avec toutes sortes de pathologies, les gardes, etc. Il faut aussi prendre en compte le fait qu’il y a 75 % de filles dans les écoles vétérinaires. Or pour elles– qui plus est d’origine citadine –, des freins psychologiques dissuadent à s’engager dans la pratique rurale : l’appréhension de ne pas être à la hauteur dans le soin des gros animaux d’élevage et face aux problématiques actuelles des éleveurs… L’aspect vie de famille est encore plus impactant pour une femme qui se verra mal concilier un métier si prenant, avec une grossesse ou qui redoutera davantage les astreintes si elle a des enfants…

Que diriez-vous à un jeune qui hésite à devenir vétérinaire rural ?

Dr A. D : Le phénomène d’astreinte chez les vétérinaires ruraux a beaucoup évolué. Les interventions d’urgence dans les élevages sont moins fréquentes qu’auparavant. Les éleveurs rencontrent moins de problèmes de vêlage, ils font davantage de prévention, ils sont plus techniques. Les vétérinaires ont aussi su se regrouper dans des structures collectives. Cela permet d’organiser des tours de garde. Chacun assure une ou deux nuits par semaine et un weekend sur cinq, par exemple. Ces regroupements de vétérinaires sont une chance. Ils permettent aux praticiens de ne jamais être seuls. Le salariat s’est aussi bien développé dans la profession. C’est une façon d’exercer le métier sans avoir à s’engager financièrement dans une société et sous un statut qui fait moins peur. Il ne faut pas non plus sous-estimer ce que la pratique rurale apporte en termes de qualité de vie. On peut être tenté par la promesse de mieux gagner sa vie en canine, mais la pratique rurale procure souvent un meilleur bien être. Le fait de vivre et de travailler à la campagne, de s’occuper des animaux d’élevage… Nous faisons un métier passionnant !

Quel est votre regard sur votre profession ?

Dr K. D : Nous avons la chance de vivre une relation privilégiée avec les éleveurs. Le fait d’intervenir dans une ferme en pleine nuit : cela rapproche les gens… Et puis cette relation entre l’éleveur et le vétérinaire a changé de nature. On essaie de la renforcer. Aujourd’hui, elle ne se résume plus seulement à des césariennes et à des perfusions. Nous pratiquons aussi des audits d’élevage, des suivis. Nous formons les éleveurs à devenir « éleveurs infirmiers ». Pour cela, nous intervenons dans les lycées agricoles. Le vétérinaire apporte aujourd’hui une vision globale :troupeau, reproduction, bâtiment, boiterie, etc. On ne soigne plus une bête mais le troupeau entier. Le vétérinaire est devenu un partenaire essentiel du développement d’une exploitation.

PROPOS RECUEILLIS PAR MARC LABILLE

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