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La crise alimentaire pourrait devenir structurelle, si rien n'est fait

À l'occasion de la réunion du G8 en Italie, les ministres tentent de remettre "l'agriculture en haut de l'agenda international", en vue du sommet des chefs d'États de juillet. Dans le monde, 963 millions de personnes souffrent de la faim. Selon une étude publiée par le Financial Time, "si rien n'est fait la crise alimentaire pourrait devenir structurelle". La faim est des plus graves menaces qui pèsent sur l'humanité et selon les économistes, le problème n'est pas seulement une question de production, "c'est avant tout un problème politique".

Quarante millions de personnes supplémentaires ont rejoint en 2008 le rang des sous-alimentés de la planète, du fait principalement selon la FAO de la hausse des prix des denrées alimentaires. Cela porte le nombre d’affamés dans le monde à 963 millions, contre 923 millions en 2007. Chaque jour 24 000 personnes meurent de faim et parmi elles 16 000 enfants. « Aujourd’hui, la faim tue plus d’êtres humains que la guerre », affirmait récemment Edgard Pisani, ancien ministre de l’Agriculture et grand spécialiste de la faim dans le monde, sur les ondes de France Inter*. Il y a un an, des scènes d’émeutes alimentaires ont fait la une des médias du monde entier. « L’illusion de l’abondance agricole a vécu. Le monde a faim et ces émeutes nous révèlent que la question alimentaire constituera un des problèmes majeurs du xxie siècle », écrit l’économiste Philippe Chalmin.

Le monde riche prend possession de l’Afrique

Pire encore, un document préparatoire de la réunion du G8 sur l’agriculture, qui s’est tenue en Italie le week-end dernier, souligne « les inquiétudes face à l’instabilité provenant d’une crise alimentaire mondiale ». Publié par le Financial Time, ce document révèle que « la crise alimentaire pourrait devenir structurelle » si rien n’est fait et qu’elle aura « de graves conséquences non seulement sur les relations commerciales, mais aussi sur les relations sociales et internationales, lesquelles auront un impact direct sur la sécurité et la stabilité de la politique internationale ».
La faim est une des plus graves menaces qui pèsent sur l’humanité. « Les facteurs de production ont tendance à baisser, l’eau va manquer, l’énergie se fait chère, les terres arables sont progressivement dévorées par les villes et maintenant par les agrocarburants (…) Même les terres cultivables encore disponibles en Afrique échappent à l’agriculture nourricière pour être vouées à une agriculture de type industriel », souligne l’ancien ministre du général de Gaulle. Pour assurer la satisfaction de tous les besoins alimentaires d’une humanité susceptible de compter en 2 030 huit à dix milliards d’êtres, il faut empêcher que la production d’agrocarburants devienne un concurrent sérieux de la production alimentaire et aussi favoriser les entreprises paysannes. « Le monde riche prend possession de l’Afrique… Dans cette région du monde, les Européens ou les Américains se sont plus préoccupés de ce qu’ils pouvaient exporter sur leur propre continent que de l’alimentation des populations africaines ». Faut-il mettre un terme aux achats de terre en dehors de leur territoire, de la part de la Chine, de la Corée du Sud, des Emirats Arabes Unis, du Japon ou encore de l’Arabie Saoudite ? Selon l’économiste Jean-Yves Carfantan, « ces pays disposeraient actuellement de plus de 7,6 millions d’hectares à cultiver hors territoire national ». Pour Edgard Pisani, la réponse est oui et rapidement.

Le problème est avant tout politique

« Le maître du jeu, c’est l’Organisation mondiale du commerce. Elle se fout de l’agriculture comme de Colin-tampon », dénonce-t-il violemment. « Comment ne pas avoir les difficultés que nous connaissons aujourd’hui lorsque la seule organisation qui tente de modérer les échanges ne s’occupe nullement des problèmes agricoles. Elle détruit sciemment ou inconsciemment l’agriculture, car elle l’allie aux lois du commerce les plus rigoureuses des secteurs de la chaussure ou des lunettes… ». À l’image du Conseil de sécurité militaire, il propose dans le cadre de l’ONU, « la création d’un Conseil de sécurité alimentaire » qui déterminerait « les éléments d’une vraie gouvernance mondiale », dépassant ainsi la seule ambition affichée par l’OMC, à savoir celle de faire circuler les produits.
Il faut mettre en place à l’échelle internationale « un vrai système régulateur ». Pour Edgard Pisani, « on ne s’épargnera pas des instruments d’une politique volontaire pour sortir de l’impasse où nous sommes ».
« La solution est de pousser tous les pays à assurer leur sécurité alimentaire de façon à nourrir leur population », déclare l’ancien économiste des Chambres d’agriculture, Lucien Bourgeois. Ce qui implique la mise en oeuvre de politiques agricoles. « C’est à chaque pays, dans chaque région, de faire cet effort de production et de ne pas compter simplement sur les importations pour se nourrir. Sinon, en cas de fortes augmentations des prix, on assiste à des situations catastrophiques ». Le problème n’est pas seulement un problème de production, « il est avant tout politique ». Peut-on organiser les marchés agricoles au niveau international ? L’expérience montre que c’est difficile. « Étant donné le degré « zéro » de la gouvernance mondiale, notamment sur le plan monétaire, il serait illusoire de vouloir mettre en place un système de régulation internationale », prévient Philippe Chalmin. La solution pour les pays du Tiers Monde, selon cet économiste, passe par « une garantie des prix agricoles ». Ce qui signifie que « l’aide internationale doit se mettre en place et que les économies des pays développés financent les politiques agricoles de ces pays ».

*Les "sept neuf" du samedi 11 avril et du dimanche 12 avril de Stephane Paoli
et Sandra Freeman étaient consacrés à la crise alimentaire mondiale. Parmi les invités :
Edgard Pisani, ancien ministre de l’Agriculture (1961 à 1966), Philippe Chalmin, professeur d’économie, spécialiste sur le marché des matières premières, Lucien Bourgeois, économiste, membre de l’académie d’agriculture. Michel Griffon, Ingénieur agronome et économiste, responsable du département « agriculture et développement durable » au sein de l’agence national de la recherche.

Repères chiffrés sur l'état de l'insécurité alimentaire dans le monde

Quarante millions de personnes supplémentaires ont rejoint en 2008 les rangs des sous-alimentés de la planète du fait principalement de la hausse des prix des denrées alimentaires, selon les estimations de la FAO. Cela porte le nombre d’affamés dans le monde à 963 millions, contre 923 millions en 2007. Et la crise économique et financière actuelle pourrait entraîner une augmentation du nombre des victimes de la faim et de la pauvreté, met en garde la FAO.
La grande majorité de la population sous-alimentée vit dans les pays en développement où ils étaient 907 millions en 2007.
Sept pays rassemblent, à eux seuls, 65 pour cent de ces personnes : Inde, Chine, République démocratique du Congo, Bangladesh, Indonésie, Pakistan et Ethiopie.
- L’Asie étant très peuplée et les progrès en matière de réduction de la faim étant relativement lents, environ deux tiers des sous-alimentés du monde vivent dans cette région, soit 583 millions de personnes en 2007.

- En Afrique subsaharienne, une personne sur trois (soit 236 millions en 2007) souffre de faim chronique. Cette partie du monde possède la plus forte proportion de personnes sous-alimentées par rapport à la population totale.
L’augmentation du nombre de sous-alimentés est due, en grande partie, à un seul pays, secoué en permanence par des conflits de grande ampleur : la République démocratique du Congo.

- L’Amérique latine et les Caraïbes ont obtenu les meilleurs résultats en matière de réduction de la faim, mais c’était avant la flambée des prix des denrées alimentaires. Celle-ci a accru le nombre d’affamés dans cette partie du monde, le portant à 51 millions en 2007.

- Les pays du Proche-Orient et d’Afrique du Nord sont en général ceux chez qui les taux de sous-alimentation sont les plus bas du monde en développement. Mais les conflits, notamment en Afghanistan et en Irak, ainsi que la hausse des prix des denrées alimentaires ont fait passer le nombre de sous-alimentés de 15 millions en 1990-92 à 37 millions de personnes en 2007.

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