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Jean-Michel Lemétayer : "notre métier a un prix"

Jean-Michel Lemétayer a officiellement annoncé sa démission du poste de président de la FNSEA le 7 décembre dernier. C'est ce jeudi 16 décembre que le conseil d'administration doit élire son nouveau président : Xavier Belin ou Dominique Barau. Jean-Michel Lemétayer nous livre sa lecture d'évènements ayant marqué ses 10 ans de présidence.

Vous avez annoncé votre départ de la présidence de la FNSEA au 16 décembre prochain ; pourquoi avoir pris cette décision ?
Jean-Michel Lemétayer : Depuis le Congrès de Nantes de 2008, ma décision a été prise et annoncée de ne pas briguer un autre mandat. Et j’ai décidé, seul, cet été, de passer la main avant Noël. Je le fais trois mois et demi avant le prochain Congrès de la FNSEA, électif, qui se tiendra à Saint Malo fin mars. Il s’agit de permettre à mon successeur de prendre ses marques et de présider cette maison pendant l’élaboration du prochain rapport d’orientation de la FNSEA. En partance, ce n’est pas à moi d’arbitrer ces prochains mois les futurs grands chantiers de l’agriculture française.

Comment va se dérouler votre succession ? Deux candidats seraient intéressés…
J.M-L : Le 16 décembre, les membres du Conseil d’administration vont élire un nouveau président ; cette élection sera à l’ordre du jour de ce Conseil. Pour ma part, je quitterai mon mandat d’élu de la FNSEA le deuxième soir du Congrès de Saint-Malo, le 30 mars.
Il y a des candidats à ma succession (Dominique Barrau, actuel secrétaire général de la FNSEA, et Xavier Beulin, premier vice-président, ndlr) et c’est tant mieux ! J’espère qu’ils vont se mettre d’accord entre eux d’ici le 16 décembre. Mais il n’y a pas à avoir de gagnant et de perdant car chacun dans cette maison porte la FNSEA et je souhaite vraiment que cet esprit d’équipe perdure.
Il n’y a pas de lignes de fracture à la FNSEA. Pour traverser des périodes difficiles comme l’a été le bilan de santé de la PAC, il faut débattre et parfois ces débats sont durs ; c’est normal. Au  niveau social par exemple, certaines filières comme les fruits et légumes sont davantage sur des logiques d’entreprise pendant que d’autres sont composées de toutes petites entreprises très familiales. Mais tout cela constitue notre agriculture.

Désormais, qu’allez-vous devenir ?
J.M-L : Je viens d’être nommé vice-président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Je préside également la Sopexa et je vais tout faire pour les filières et la promotion des produits agroalimentaires français à l’export. Je suis très inquiet de la place que perd la France en agriculture et dans l’agroalimentaire face à ses concurrents.
Je préside également une association d’ingénierie culinaire qui monte actuellement à Rennes une plateforme de recherche et d’innovation dans le secteur culinaire, en partenariat notamment avec l’Agro Campus de cette ville.
Enfin quelque chose me tient à cœur mais sur laquelle j’ai des difficultés à avancer : la faim dans notre pays. Comment pouvons-nous mieux faire valoir la générosité du monde paysan ? Nous pouvons faire mieux en la matière, on jette aujourd’hui de la nourriture. Mais ce n’est pas simple. Il y a 15 ans, je me souviens de la suspicion de la Commission européenne parce que nous faisions des dons de lait lorsque j’étais président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL).
Quant à la carrière politique, elle ne m’intéresse pas ; il peut y avoir des présidents de la FNSEA sortants qui ont moins envie de faire de la politique que d’autres.

Vous souvenez-vous de deux ou trois événements ayant marqué vos mandats à la tête de la FNSEA ?
J.M-L : Je tiens d’abord à dire que de très nombreux sujets ont été abordés et jusqu’au sujet difficile des suicides en agriculture. Je tiens à dire aussi que je ne rends pas les armes, je n’ai pas fini de combattre la distribution. Par ailleurs, je n’ai pas fini de me faire entendre sur la Loi de modernisation de l’économie (LME) reprise dans la  dernière Loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP).
J’ai des fiertés à propos de nombreux sujets sur lesquels je me suis toujours dit qu’ils étaient les bons combats. Je crois à la politique des prix ; notre métier a un prix ! Ce fut le thème de mon premier Congrès en tant que président de la FNSEA. C’était mon leitmotiv à la FNPL et j’ai ramené ce combat sur les prix à la FNSEA. Et ce combat vaut pour tous les secteurs de production. En bovins viande, le revenu a trop dépendu des soutiens PAC, il doit davantage dépendre de prix rémunérateurs pour les éleveurs. Le prix fait le revenu des  paysans.
Quant à la FNSEA, elle continuera à privilégier un discours et une action responsables sans tomber dans la cogestion. Le pluralisme syndical, lui, est normal, le combat syndical aussi. Mais il faut également suivre et défendre les dossiers ; il y a d’autres manières de conquérir des adhérents que de taper sur les syndicats adverses.

Avez-vous des regrets Jean-Michel Lemétayer ?
J.M-L : Je regarde peu dans le rétroviseur qui sert aussi d’ailleurs à dépasser et avancer… J’ai tout de même un regret, celui de constater à la lecture de la récente Communication de Bruxelles sur la future PAC, que la Commission européenne ne tire pas certaines leçons : elle n’apporte aucune solution à la forte volatilité des marchés agricoles.
Et j’aurais un autre regret, celui d’avoir compris après coup que lorsque ça va très mal, il faut re-expliquer nos positions aux agriculteurs, prendre le temps pour ça ; cela n’a pas été suffisamment le cas en 2009 après l’accord sur le prix du lait du mois de juin et mon refus de soutenir la grève du lait.

Quels vont être les grands combats syndicaux de ces prochains mois et années pour les paysans français ?
J.M-L : Ils portent bien entendu sur la réforme de la PAC post-2013, la mise en œuvre de la contractualisation dans les filières agricoles à partir de 2011 ainsi que les évolutions de la politique environnementale en France et en Europe.
Nous devons sortir aussi des distorsions de concurrence qui existent et qui sont croissantes sur le plan européen. Les pouvoirs publics doivent faire preuve d’honnêteté politique pour ne pas laisser faire une libéralisation des marchés agricoles alors que les conditions de production ne sont pas les mêmes à travers le monde et au sein même de l’agriculture européenne. Nous devons être en position de combattre et de gagner des parts de marché face à nos partenaires européens en particulier.
Enfin, la complémentarité et la diversité de nos productions sont également l’enjeu à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et dans la future PAC.

Avez-vous un message à délivrer à votre successeur ?
J.M-L : La personne qui me succédera doit absolument être elle-même. Tous nos interlocuteurs, politiques, économiques, de la société civile apprécient que nous soyons nous-mêmes : le syndicalisme n’est pas un jeu.
Le président de la FNSEA doit être reconnu chez lui. Mais il doit pouvoir aussi inaugurer à Bordeaux le salon Vinitech, intervenir dans la même journée au Congrès des Producteurs de Légumes de France et animer le soir même une réunion sur l’élevage.
Il doit représenter la diversité de l’agriculture française tout en étant forcément issu d’un territoire.
Il faut conjuguer à la FNSEA l’horizontalité de l’agriculture et les politiques de filières. Il faut du syndical, de l’économie et du territoire à la FNSEA ! Il faut également comprendre les gens, les écouter et les respecter. Finalement le plus important c’est d’être humain…

Xavier Belin ou Dominique Barrau : deux profils différents

Jeudi 16 décembre, le Conseil d’administration devait choisir entre deux candidats aux profils bien différents. Présentation.
“On est dans un fonctionnement parfaitement démocratique. Nous ne sommes pas dans un bras de fer entre nous mais dans une différence de personne, de profil » indique Dominique Barrau.
Différence de personne et de profil en effet. Mais aussi de manière de considérer l’avenir de la fédération et leur action à sa tête. «Il faut d’abord que la FNSEA travaille à redonner de la fierté aux agriculteurs, plaide Dominique Barrau. Il faut redonner confiance aux agriculteurs dans l’acte de production, valoriser ce qui marche en  agriculture. En second lieu, « il faut renforcer le rôle du syndicalisme dans la chaîne alimentaire, qu’il s’exprime plus dans cette filière». Homme de terrain, Dominique Barrau se reconnaît comme tel et le revendique : « On a besoin de renforcer notre présence sur le réseau, insiste-t-il, surtout après la période très agitée que l’on vient de connaître. »
Xavier Beulin, lui aussi met en avant le rôle des agriculteurs dans la chaîne économique. « A l’heure où la Pac est de moins en moins présente, explique-t-il, les agriculteurs doivent trouver une nouvelle ambition, celle du leadership dans les filières et l’organisation des marchés». Dans toute leur diversité, depuis les circuits courts jusqu’à la grande exportation et la transformation industrielle. Cela signifie « renforcer l’organisation des producteurs et leur influence dans les interprofessions». Et, surtout, « donner les moyens juridiques et financiers aux producteurs pour aller chercher du revenu en aval, là où se fait maintenant la valeur ajoutée». Et d’évoquer, lui, son expérience au sein de la filière oléagineuse dont il assume la présidence, avant de conclure : « Je suis écorché de voir que la  ferme agricole française perd du terrain, devant l’Allemagne par exemple. »

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