FNSEA
Jean-Michel Lemétayer : « Le Président de la République doit donner le cap »
Interrogé à l’occasion du congrès de la fédération syndicale, Jean-Michel Lemétayer dit attendre du Président de la République qu’il concrétise les intentions qu’il a affirmées, il y a quelques jours.
- Vous avez choisi Auxerre et la Bourgogne pour le congrès de la FNSEA qui se déroule les 30, 31 mars et 1er avril. Pourquoi cette région ?
Jean-Michel Lemétayer : Chaque année, la FNSEA choisit une région différente pour organiser son congrès en répondant à l'invitation d'un département. Jusqu’à présent, la Bourgogne n’avait jamais été retenue. C’était donc l’occasion de réparer un oubli. Mais quel que soit le lieu, le congrès est toujours un rendez-vous important pour tirer un bilan de l’action passée et pour débattre en interne et en public sur nos orientations et nos propositions.
Je ne cache pas que le congrès 2010 intervient après une année 2009 « chaude » sur le plan syndical, mais aussi une année désastreuse avec une conjoncture extrêmement dégradée dans tous les secteurs de production qui s’est traduite par un effondrement du revenu des paysans. Ce n’est pas sans conséquence sur nos débats.
- Quels sont les thèmes principaux de votre congrès ?
JML : Le bilan de santé de la PAC et la crise du lait ont interpellé sur le terrain et ont mis en avant le besoin d'écoute, d'explication, d'accompagnement des agriculteurs. Ceci nous amène à réfléchir sur notre fonctionnement et sur l’avenir de notre syndicalisme à la fois revendicatif et responsable (cf encadré).
Mais notre avenir est aussi lié à ce qui va se passer en Europe et sur la future PAC qui va se mettre en place. Ce qui sera décidé pour 2013 se prépare aujourd’hui. Aussi avons-nous convié nos partenaires syndicaux européens anglais, allemands, irlandais, hongrois, espagnols à apporter leur contribution aux débats et nous faire part de leur vision de l’avenir. Le Commissaire européen à l’agriculture, Dacian Ciolos, qui avait répondu positivement à mon invitation, est finalement retenu à Bruxelles. Il a accepté de nous transmettre son intervention enregistrée en vidéo.
La France doit avoir des exigences
- Après les élections régionales perdues par la droite, le sujet agricole est revenu dans l’agenda du Président de la République. Comment avez-vous accueilli ses propos ?
JML : Le Président de la République entend enfin la crise agricole. Il entend enfin la détresse du monde paysan qui s’est fortement mobilisé à l’automne contre cette politique agricole dérégulée qui ne fait que broyer les agriculteurs. J’espère qu’il aura l’occasion de traduire ses déclarations en actes lors des prochains rendez-vous européens qui auront lieu d’ici la fin de son mandat. Et qu’il saura prendre le leadership sur le dossier agricole à l’échelle européenne.
La responsabilité européenne est celle du chef de l’Etat. Il lui appartient de donner le ton et qu’un cap soit réellement fixé sur ce que l’Europe veut faire de son agriculture, qu’il s’agisse de régulation des marchés, d’élimination des distorsions de concurrence et de la remise à l’ordre du jour de la préférence communautaire pour protéger les agriculteurs du dumping social, environnemental et qualitatif d’autres pays de la planète.
Surtout pour éviter que la politique agricole qui sera mise en œuvre ne soit que la résultante d’orientations budgétaires. A lui de nous démontrer jusqu’où la France peut aller dans ce sens et j’espère qu’il ira jusqu’au bout. La FNSEA ne souhaite pas la crise mais attend une fermeté et une détermination sans faille. La France se doit d’avoir des exigences. Il faut arrêter le consensus mou.
Quant au dossier environnement, je ne peux que me satisfaire que l’approche du bon sens finisse par prévaloir. Je ne remets pas en cause le Grenelle de l’environnement mais il faut que toute nouvelle décision en la matière ne puisse être prise que si elle ne pénalise pas la compétitivité de nos exploitations agricoles. C’est faire preuve de pragmatisme. J’en ai d’ailleurs fait la demande à plusieurs reprises au Président de la République.
- Et sur la taxe carbone ?
JML : Dès le départ, la FNSEA a toujours dit qu’elle s’opposerait à une taxe qui ne s’appliquerait que chez nous en France. Nous avions demandé à en être exonérés. C’était une pénalisation supplémentaire pour toute l’agriculture. Mettre une taxe supplémentaire qui alourdit les charges était tout simplement inacceptable dans un marché européen ouvert où ce type de mesure constitue une perte de compétitivité par rapport à nos principaux partenaires.
- Pourquoi avoir choisi Vincent Bolloré comme grand témoin à votre congrès ?
JML : Vincent Bolloré est le symbole d’une réussite exceptionnelle dans un contexte difficile. Nous avons des leçons à retenir de cet homme qui parti de la fabrication de papier à cigarette et papiers spéciaux, fabrique aujourd’hui des voitures électriques, est devenu un vrai capitaine d’industrie. En même temps, il s’intéresse aux média puisqu’il possède une chaîne de télévision et des journaux gratuits.
L’entretien a été réalisé avant la tenue du congrès de la FNSEA.
Dominique Barrau, secrétaire général de la FNSEA : « Nous devons améliorer le fonctionnement de notre syndicalisme »
« Comment améliorer notre fonctionnement pour faire aboutir nos revendications », s’interroge Dominique Barrau, le secrétaire général de la FNSEA. En 2009, à côté du bilan de santé de la PAC sur lequel la FNSEA a essayé de ménager, non sans difficultés les intérêts des uns et des autres, la crise laitière pour laquelle le positionnement de la centrale syndicale n’a pas toujours été bien compris, il y a eu des actions syndicales réussies : les manifestations contre les marges de la grande distribution en juin dernier ou les rassemblements du 16 octobre dernier qui ont mobilisé plus de 50 000 agriculteurs.
De ces expériences, Dominique Barrau retient plusieurs enseignements. A savoir que le rapport des Français avec leur agriculture a changé. Certes les consommateurs sont plus sensibles qu’ils ne l’étaient autrefois aux préoccupations des agriculteurs, mais aussi plus attentifs aussi aux questions environnementales. A contrario, du fait de la perte du poids démographique de l’agriculture, il y a beaucoup moins d’élus agricoles ou ruraux sur lesquels les organisations agricoles peuvent s’appuyer. Conclusion : « Nos méthodes de sensibilisation » doivent changer, insiste Dominique Barrau.
Les agriculteurs eux-mêmes n’entrent plus en militantisme comme on entre en religion. Ils sont devenus « zappeurs » en fonction de leur situation familiale ou d’autres préoccupations… Ce qui n’est pas sans poser de questions à une organisation dont l’action s’inscrit dans la durée, qui essaie de concilier un positionnement à la fois responsable et revendicatif et une vision de long terme. Alors que la notion de court terme et d’évènementiel prévaut, que l’information circule de plus en plus vite et que beaucoup d’agriculteurs de base attendent des réponses immédiates.
Autant de questions qui interpellent le syndicalisme majoritaire sur les nouveaux moyens d’intervention à mettre en œuvre, la réorganisation du réseau pour être plus proche des décideurs notamment au niveau régional et plus pertinents vis-à-vis du monde associatif et environnemental qui influe fortement sur l’opinion de la population et des élus.