HERBE. L'herbe conservée pour améliorer l'autonomie alimentaire et protéique de l'atelier engraissement

Le Sommet de l'Élevage, salon professionnel par excellence, est l'occasion pour les instituts de recherche pour l'agriculture et l'élevage de dévoiler les résultats des recherches qu'ils conduisent tout au long de l'année. Jeudi 6 octobre, Hugues Chauveau d'Arvalis et Jérémy Douhay de l'Idele animaient une conférence pour « Engraisser ses bovins allaitants avec de l'herbe conservée de qualité dans la ration ».

L'herbe : un levier gagnant
« L'herbe est une ressource naturelle riche en oméga 3 polyinsaturés. Elle joue un rôle indéniable dans le stockage de carbone et dispose d'une image fortement liée au sol ; en ce sens, elle constitue une réponse aux attentes sociétales. C'est une ressource qui va être incorporée dans les systèmes de repousse (broutards en systèmes naisseur herbager) et qui va permettre de créer de la valeur ajoutée dans certaines zones sans alternatives de cultures » signalent les deux intervenants. Dans le contexte actuel de hausse du prix des matières premières, l'utilisation de l'herbe dans la ration est aussi un bon moyen d'aller chercher de la performance économique en réduisant les apports de concentrés. « L'herbe reste un levier gagnant pour l'autonomie protéique des systèmes d'engraissement » indiquent-ils.

Peut-on substituer le maïs fourrage et le concentré par de l'herbe pour la finition des jeunes bovins (JB) mâles ? Une question à laquelle ces ingénieurs ont répondu à l'aide des résultats de 18 essais conduits en charolais et en limousins avec une herbe de qualité moyenne à correcte (légumineuses pures ; graminées ou prairie permanente ; graminées + légumineuses). Les tests ont été faits sur deux régimes alimentaires différents :
o Un régime à base de blé, tourteau de colza et paille, l'objectif était de tester l'impact de l'incorporation de l'herbe (à hauteur de 1/3 de la ration) ; l'idée étant de supprimer la paille et d'économiser du tourteau...
o Un régime à base de maïs ensilage (tourteau de colza, blé, maïs ensilage et paille) en vue de substituer totalement le maïs ensilage et économiser du tourteau.

Si l'incorporation d'herbe (30 %) dans les deux rations permet de faire des économies notables en termes de consommation par les JB (en blé, tourteau, maïs ensilage), les résultats sont plus contrastés sur les performances de croissance. Dans la 1ère ration à base de blé, l'intégration d'herbe permet de maintenir de bonnes performances. Par contre on observe une baisse de GMQ (Gain Moyen Quotidien) dans la 2ème ration, ce qui conduit à augmenter le niveau des céréales ; « il faut être plus exigeant sur la qualité de l'herbe dans les régimes de maïs plante entière » conclut Hugues Chauveau. Même constat pour la durée d'engraissement rallongée d'une trentaine de jours dans la ration maïs ensilage. Aussi pour maintenir le GMQ et limiter l'allongement de la durée d'engraissement à moins de 15 jours, les intervenants conseillent de viser 30 % d'herbe maximum dans la ration et d'opter pour une herbe de qualité (+ de 0,80 UFV et + de 12 % MAT).

Attention à la qualité de l'herbe
Autre question que les ingénieurs se sont posée : peut-on remplacer l'ensilage de maïs par 100% d'herbe conservée sous forme d'ensilage ? Les 10 essais sur 250 JB charolais ne révèlent pas d'écart d'ingestion significative mais une densité énergétique de la ration variable selon la qualité de l'herbe et une durée d'engraissement supérieure (+25 jours) dans la ration 100% herbe « Le remplacement total de l'ensilage de maïs par l'herbe demeure risqué car cela nécessite une bonne maîtrise de la technique de la culture de l'herbe ainsi qu'une bonne conservation ».
L'idele et Arvalis ont étudié la possibilité de finir ses vaches de réforme avec des fourrages récoltés précocement. Une formule qui rend moins dépendant de la fluctuation du coût des matières premières et qui semble possible en charolais et en limousin, à condition de privilégier des fourrages à base d'herbe bien conservés et ingestibles et de maîtriser la qualité de l'herbe récoltées (stade, conditions de récolte...).
Des expérimentations ont également montré qu'il était possible de produire des génisses rajeunies (330 kg de carcasse et moins de 18 mois) avec de l'herbe.
La mise en place de ces pratiques nécessite toutefois le questionnement de la part des agriculteurs sur les besoins en surfaces renforcés dans un contexte de changement climatique et sur le travail (conduite du pâturage, récoltes).

Véronique Gruber