Face à un ministre absent, les éleveurs restent sur leur faim
Attendu au congrès de la FNB qui se tenait les 7 et 8 février dans la cité thermale de Vichy, le ministre de l’Agriculture est intervenu en visio… Pas de quoi rassurer les éleveurs qui attendent un sursaut rapide du Gouvernement pour donner un cap, un vrai, à l’élevage.
Attendu au congrès de la FNB qui se tenait les 7 et 8 février dans la cité thermale de Vichy, le ministre de l’Agriculture est intervenu en visio… Pas de quoi rassurer les éleveurs qui attendent un sursaut rapide du Gouvernement pour donner un cap, un vrai, à l’élevage.

Après plus de dix jours d’une mobilisation agricole sans précédent à laquelle les éleveurs ont grandement pris part, le congrès de la Fédération nationale bovine (FNB) s’est ouvert la semaine dernière à Vichy dans l’Allier dans un contexte d’attentes fortes. Et quelle ne fut pas la surprise des quelques 500 éleveurs réunis au Palais des congrès lorsque jeudi, à la mi-journée, Marc Fesneau est finalement apparu devant eux à travers un écran.
Voilà pour la forme, qui selon, Christophe Jardoux, président de la FNSEA 03, hôte du congrès reflète un manque de considération manifeste :
« En ne venant pas au congrès, Marc Fesneau a envoyé un très mauvais signal aux éleveurs. S’il n’y a pas d’avancées rapides, nous n’hésiterons pas à nous remobiliser de manière plus sérieuse encore. »
Sur le fond, là-aussi la déception est grande. « Face à la situation de crise exceptionnelle que traversent les éleveurs, ils ont été sidérés par un ministre qui ne leur a accordé qu’une prise de parole à distance, et surtout qui a survolé les sujets en n’apportant que de très maigres explications sur la concrétisation des engagements, et en semant le doute par le flou sur l’ensemble d’autres points », a déploré le président de la FNB, Patrick Bénézit. Comment en effet se satisfaire d’un propos aussi liminaire quant les attentes sont telles.
Des braises encore incandescentes
« Respecter Egalim pour dégager du revenu, obtenir de la reconnaissance et avoir des perspectives (…) voilà trois points majeurs sur lesquels nous attendons des actes concrets du Gouvernement », a martelé tout au long de son discours final l’éleveur cantalien. En 2023, 100 000 vaches allaitantes ont disparu auxquelles s’ajoutent 100 000 vaches laitières. « En sept ans, ce sont un million de vaches de moins en France », a-t-il précisé.
Ce phénomène s’explique en partie parce que les éleveurs ne sont pas payés au juste prix : « Que ce soit en broutards, en jeunes bovins, en génisses, etc. il manque entre 50 centimes et un euro du kg de carcasse pour que nous puissions couvrir nos coûts de production », s’est-il inquiété. En bout de chaîne, le revenu des agriculteurs spécialisés devrait baisser de -14 % pour l’année 2023. C’est cette accumulation de contraintes qui a conduit les agriculteurs dans la rue : « La colère n’est pas éteinte », a averti le président de la FNB.
Quel modèle ?
Refusant une baisse de cheptel en France, il a demandé que l’État soit le premier à être exemplaire et à appliquer la loi Egalim dans son volet restauration collective(¹) et à renforcer les contrôles contre les acteurs de l’aval qui la détourne ouvertement. Parmi les autres sujets de préoccupation listés par Patrick Bénézit : « la frénésie bureaucratique de Bruxelles qu’il faut stopper » mais aussi l’affichage environnemental : « Il faut le jeter à la poubelle si la viande française n’est pas en vert et la viande brésilienne n’est pas rouge ». Sur le fond, c’est la méthode analyse du cycle de vie (ACV) que les éleveurs remettent toujours et encore en cause car elle ne tient pas compte des aménités positives créées par l’élevage. Enfin, l’observation indicielle (par satellite) reste aussi une pierre d’achoppement entre la FNB et le ministère de l’Agriculture. « Il existe une trop grande distorsion entre ce que les indices relevés par le satellite et la réalité du terrain », a en substance souligné Patrick Bénézit qui réclame un vrai plan de souveraineté de l’élevage qui répondra à des questions simples : Quel modèle d’élevage ? Quel nombre de vaches ? Combien d’éleveurs ? Quelle stratégie à l’international ? etc. « Nous attendons des propositions pour le Salon de l’agriculture », a-t-il insisté.
Tenir le calendrier
Resté à Paris pour « régler les demandes émises par les agriculteurs» pendant la crise agricole et « tenir le calendrier », le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau a tenté, en visioconférence, de rassurer les congressistes, sans trop les convaincre, en listant les annonces gouvernementales.
Il a ainsi assuré que les contrôles de l’application d’Egalim sont actuellement renforcés et qu’il fallait envisager de corriger la loi pour que les négociations entre industriels et la grande distribution viennent après les négociations entre agriculteurs et industriels afin de socler définitivement le prix de la matière première agricole.
Le ministre de l’agriculture souhaite aussi que cette correction législative prévoit de lutter contre le contournement des GMS qui négocient avec leurs centrales européennes. Affirmant sa volonté de « partir à la reconquête » et de « lutter contre la décapitalisation » il estime que la « contractualisation est une voie à explorer ».
Le ministre a aussi donné quelques gages sur l’étiquetage environnemental en disant qu’il « doit tenir compte des pratiques de l’élevage» et ne pas venir le stigmatiser. Il a en revanche été plus flou sur la viande de synthèse qu’il surnomme la « viande désincarnée». Il souhaite qu’elle soit « écartée», quand les éleveurs entendent que ce produit chimique ne soit ni produit, ni commercialisé. Les demandes de clarifications n’ayant pas été obtenues, nul doute que la venue de Marc Fesneau sur les stands de races à viande au prochain salon de l’Agriculture débouchera sur quelques explications de texte.
1. La loi impose à la restauration collective publique d'offrir, à compter de 2022, au moins 50 % de produits durables ou sous signes d'origine ou de qualité dont minimum 20 % de produits bio y compris en conversion.