Double marché du blé et baisse générale des céréales fourragères
La moisson de blé s’achève tardivement, conséquence des pluies qui ont interrompu les travaux de récolte, et fait craindre des dégâts qualitatifs


La moisson n’est pas terminée et il est trop tôt pour estimer les dégâts qualitatifs (grains germés d’où un temps de chute trop rapide de l’indice de Hagberg), le volume de production paraissant généralement préservé. Mais comme nous le confiait Christian Pèes, président de Coop de France Métiers du Grain, «les organismes stockeurs, déjà confrontés au retard de collecte, vont devoir faire la preuve de toute leur compétence et de leur talent dans le travail de tri et d’allotement pour satisfaire la demande de la meunerie et de l’export. La qualité globale de la moisson se jugera lorsque la collecte sera achevée ; toutes les régions ne sont pas uniformément pénalisées (les secteurs les plus touchés semblent être la Bourgogne et le sud du Bassin parisien ; NDLR). On peut néanmoins s’attendre à une exceptionnelle hétérogénéité de la récolte nationale et à une proportion plus élevée que la normale de blé fourrager s’ajoutant à une récolte d’orge et surtout de maïs abondante. D’où les écarts inusités entre les prix des blés meuniers et fourragers, actuellement et, d’une façon plus générale, la baisse des cours des autres céréales fourragères. Dans l’immédiat, on est en présence de deux marchés du blé très distincts». Effectivement, entre les blés meuniers, classe 1 selon le classement de FranceAgriMer, et la classe 3, destinée essentiellement à l’alimentation animale, la fourchette de prix est exceptionnellement large. Elle atteint jusqu’à 40 €/t selon les régions. Mais le marché est très fluctuant et les écarts peuvent se modifier rapidement. Le président de Coop de France Métiers du Grain ne s’inquiète pas outre mesure de l’approvisionnement du marché intérieur (meunerie) mais convient que l’exportation risque de souffrir d’un manque de bon blé. D’ailleurs, la campagne d’export tarde à s’enclencher, la délivrance des certificats d’exportation et les embarquements, sauf sur la façade Atlantique, le Sud-Ouest ayant moins souffert de retard de collecte, s’effectuant au ralenti.
Récolte céréalière mondiale encore revue à la hausse
Le rapport du CIC (Conseil International des Céréales) publié le 31 juillet, révise une nouvelle fois à la hausse ses prévisions mondiales de récolte céréalière mondiale 2014, consolidant, par là même, les raisons de la tendance baissière du marché, alors que l’indice du CIC indiquant l’orientation des prix mondiaux a accusé une nouvelle baisse en juillet : - 6 % pour le blé, -9 % pour le maïs. Par rapport à fin juin, le CIC augmente de 3 % son estimation de récolte mondiale de blé soit 702 Mt, ce qui reste inférieur de 1 % à l’exceptionnelle moisson de 2013, mais largement supérieur à la moyenne de ces dernières années. En revanche, le stock final pourrait atteindre 193 Mt, soit 3 Mt de plus que l’an dernier. En ce qui concerne les prix, la baisse globale de l’indice doit être relativisée, les problèmes de qualité, notamment dans l’U.E entraînant une abondance de blé fourrager, à petit prix, alors que la raréfaction des disponibilités en bon blé meunier en augmente la valeur. Le CIC relève, une fois de plus, sa prévision de production mondiale de maïs, la portant à 969 Mt, proche de l’exceptionnelle dernière campagne (974 Mt) mais supérieure de 108 Mt à la précédente. Malgré une forte consommation intérieure stimulée par des prix en baisse, 951 Mt, le stock de report atteindrait 187 Mt, 18 Mt de plus qu’à l’issue de la campagne écoulée, se hissant au plus haut niveau depuis 15 ans. Ces chiffres doivent cependant être pris avec précaution car si l’estimation des récoltes dans l’hémisphère Nord est maintenant relativement fiable, celles de l’hémisphère Sud sont encore aléatoires car très soumises aux conditions climatiques.
Limagrain prêt à se positionner pour conserver ses clients
Les moissons se terminent et l’heure est désormais à un premier bilan pour Limagrain qui tente de rassurer ses producteurs de blés.
A ce jour, près de 90 % des surfaces de blés souscrites à Limagrain ont été récoltées. Malgré les conditions climatiques désastreuses du mois de juillet, les moissons n’accusent aucun retard de date par rapport aux quatre dernières années. D’après les premières analyses de la coopérative, les récoltes restent correctes hormis la qualité qui fait cruellement défaut. Laurent Barthez, directeur général adjoint chargé des productions végétales à Limagrain revient sur la situation. «Les rendements quantitatifs sont dans les standards avec une moyenne de six à sept tonnes par hectare. En revanche, les gros épisodes orageux de ces dernières semaines ont fait chuter la qualité des blés. Beaucoup de lots ont germé sur pieds et ont été déclassés. D’ordinaire, ce phénomène est observable uniquement en fin de récolte.» L’ensemble de la région Auvergne est impacté mais il est encore impossible pour la coopérative de définir avec précision quels sont les secteurs et le pourcentage de la récolte totale touchés. Une chose est néanmoins certaine, la quantité de blé déclassée est bien au-delà de ce que pouvait craindre la profession. De nombreuses questions se posent sur le prix payé aux producteurs et surtout comment Limagrain va réagir face à cette crise céréalière.
Des prix incertains
Au sujet des prix du blé, les réponses sont incertaines du fait de l’instabilité du marché mondial. «Aujourd’hui, le prix des blés destinés à l’alimentation animale est de 150 €/tonne. Ce prix peut varier suivant les réactions du marché et le positionnement de Limagrain. Notre priorité est avant tout de valoriser au mieux les récoltes et de conserver nos clients. Nous avons les outils nécessaires pour réaliser des analyses plus poussées de chaque lot (test panification, assemblage…) et les valoriser au mieux.»
La coopérative indique que la prime à la protéine ne sera pas appliquée sur les productions déclassées. En revanche, elle s’engage à maintenir la prime à la variété pour les producteurs engagés, même si leur récolte est déclassée.
Quant à la possible concurrence du blé déclassé sur le maïs de l’alimentation animale, là encore Limagrain n’a pas de réponses précises. «Nous pouvons craindre effectivement une baisse des prix du maïs mais là encore tout dépend de la réaction des marchés et des récoltes à venir. En définitive, il est beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions hâtives de cette saison. A la fin du mois de septembre, après les résultats d’analyses, nous aurons des informations plus précises à fournir.»
Mélodie Comte