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Changement climatique
De l’importance de maintenir la fertilité de ses prairies

Vincent Vigier (CA 15) et Stéphanie Lachavanne (CA Savoie Mont-Blanc), référents techniques
régionaux « Fourrages biologiques » du réseau des Chambres d’agriculture d’AURA, rappellent la bonne conduite des prairies.

«  La partie fertilisée au sulfate de potassium à droite des jalons a dynamisé la luzerne d’où une teneur en protéines améliorée de 40 % ».
«  La partie fertilisée au sulfate de potassium à droite des jalons a dynamisé la luzerne d’où une teneur en protéines améliorée de 40 % ».
© © CA15

Les chargements corrigés des fermes en bovin lait bio du réseau BIO Références du Massif Central sont passés de 0.96UGB/ha en 2014 à 0.74 UGB/ha en 2020 !  Cette forte baisse du chargement, traduit l’impact des gelées printanières et des sécheresses à répétition sur nos exploitations à dominantes herbagères. Les dégradations observées au fil du temps sur les prairies, sont dans une grande majorité des cas la conséquence de mauvaises pratiques, qui ont engendré soit une perte de fertilité des sols et/ou une spécialisation de la flore capable de résister à ces pratiques, le tout exacerbé par le contexte de changement climatique (sécheresses…).
Pour enrayer cette baisse de productivité, le premier levier est de veiller à maintenir un bon niveau de fertilité des sols afin que les prairies répondent vite et bien lorsque les conditions climatiques sont poussantes.
Pour cela, il est utile de rappeler que les pistes exposées ci-après sont pour certaines « gratuites », et relève de bonnes pratiques à la portée de tous. Il faut aussi accepter que chaque milieu a son propre potentiel (faible, moyen, fort) : il peut être amélioré dans une certaine limite (financière, temps…) ; il faut l’accepter et surtout ne pas le dégrader.

Garder des sols fertiles
La fertilité biologique des sols dépend en premier lieu de la structure de sol. En effet, le développement de la faune et des micro-organismes du sol dépend en grande partie des conditions de circulation de l’air et de l’eau (la moitié du volume d’un sol). Pour cela, on favorisera les prairies naturelles et les rotations longues, on limitera le labour et tout ce qui peut tasser le sol en période humide : surpâturage, passage d’engins agricoles lourds… on veillera à restituer de la matière organique fraîche.
Si on respecte de bonnes conditions de structure de sol et de nourriture carbonée, on peut compter sur les alliés biologiques que sont les vers de terre, les bactéries et les mycorhizes. Réciproquement, une bonne activité biologique assurera une stabilité structurale du sol (cohésion des agrégats grâce à l’activité des bactéries, champignons) : c’est un cercle vertueux.
Les racines produisent des exsudats (sucres) dont les micro-organismes sont friands, et qui servent aussi à stocker du carbone dans le sol. Elles fonctionnent en symbiose avec les micro-organismes et les champignons (mycorhizes).

Attention à l'azote du sol
La fertilité azotée est améliorée avec le développement des légumineuses et des apports réguliers de matière organique en surface.
Dans un écosystème naturel, l’azote n’est jamais un facteur limitant :
. 10% des apports d’azote proviennent des précipitations,
. 60 % des apports d’azote proviennent de la fixation biologique,
. 30% des apports d’azote proviennent du recyclage de la MO (minéralisation de l’humus).
Ainsi la teneur en azote des apports de matière carbonée est multipliée par un facteur 5 sous l’action des bactéries nitrificatrices. La restitution d’une simple paille contenant 3 unités d’azote/T et un rapport C/N de 150, va se retrouver rapidement en une bouillie noirâtre contenant 16 unités d’azote/tonne avec un rapport C/N de 24 : et ce à condition que la paille n’ait pas été enfouie (labour), car les bactéries responsables de la dégradation de ces pailles auront besoin d’azote dans un premier temps ; l’objectif est de mobiliser des bactéries capables de fixer l’N atmosphérique pour faire ce travail (80% de notre air est composé de Di-azote !), plutôt que de prendre celui du sol (faim azote).
Afin d’optimiser vos apports d’engrais de ferme, vous devez privilégier les Composts jeunes (à moins d’un mois de fermentation, début de dégradation des pailles) car ils contiennent encore du sucre et de l’azote soluble, favorables aux bactéries du sol. Couvrez les tas de compost si vous devez les laisser dehors tout l’été. Un essai conduit par la chambre d’agriculture du Cantal en 2015 a mis en évidence qu’après 130 mm de précipitations le tas de compost non couvert avait perdu 40 % de sa potasse et 12 % d’azote !  
Le lisier, c’est excellent en montagne : contrairement aux idées reçues, il n’acidifie pas et apporte du sucre et de l’azote disponible aux bactéries du sol qui pourront à leur tour s’attaquer à l’énorme stock de carbone contenu dans la matière organique des sols (plus de 200 tonnes/ha en montagne !).
Avec le changement climatique, n’hésitez pas à épandre vos engrais de ferme en fin d’automne (les plantes referont des réserves) ou en fin d’hiver pour favoriser le tallage de la prairie. En tout cas, n’attendez pas le reverdissement de la prairie ; c’est déjà trop tard !
Valorisez le carbone d’origine microbienne car c’est un engrais gratuit qui contient 15 % d’azote et 25 % de phosphore. Dans le cas de longue période de sécheresse estivale, avec le retour d’un sol chaud et humide, on peut estimer la libération de 200 unités d’azote et 300 unités de phosphore pour la plante et la relance de l’activité microbienne. La pousse soutenue des prairies à l’automne 2022 (herbe verte foncée) et les taux d’urée élevés dans le lait attestaient de cette fourniture gratuite et abondante de N/P/K.

N'oubliez pas le phosphore
On oublie le Phosphore OLSEN des analyses de sol !
La méthode Olsen dose le phosphore rapidement disponible dans le sol, sous l’action d’un acide organique très faible (acide nitroperchlorique). Or, dans un sol vivant, le phosphore est solubilisé par les bactéries et les champignons du sol.
Pour le démontrer, la chambre d’agriculture du Cantal a réalisé au printemps 2018, 48 analyses de sol couplées avec des indices de nutrition dans la plante (prairie naturelle à dominante graminée).
Les 48 analyses de sol avaient une teneur moyenne en P Olsen de
44 mg/kg, donc déficitaire, alors que la moyenne des indices de nutrition dans la plante était de 117 soit très excédentaire !

… ni le soufre et la potasse
Le soufre et la potasse sont importants, surtout sur les prairies riches en légumineuses et fauchées plusieurs fois.
Une luzerne fauchée 2 fois va exporter 250 unités de potasse/ha (35 unités/T de MS) et 105 unités de soufre/ha (15 unités/T de MS) pour un rendement de 7 T de MS/ha.
Avec une dose de 30 m3 de lisier de bovins non dilué /ha, vous n’apporterez que 60 % des exportations.
Pour le vérifier, la Chambre d’agriculture du Cantal a conduit un essai en 2021, avec un apport de 150 kg/ha de sulfate de potassium (70 K2O et 70 SO3), sur une luzerne dactyle de deux ans.
Les rendements entre témoin et apport de sulfate de potassium au 19 mai 2021 étaient très proches (3.7 T de MS/ha), mais la teneur en protéines était nettement améliorée de 5 points ! (18.1 % de MAT pour la partie Sulfate et 13.2 % de MAT pour le témoin).
Ces observations confirment les résultats d’essais Arvalis/Chambres d’agriculture et Coop de France de 2014 et 2015, sur l’effet d’apport de soufre et de potasse sur luzerne.

Sources :  Données scientifiques sur la vie du sol : «vie microbienne et production végétale » Davet P. INRA éditions 1994 et « sol : interface fragile » Stengel P. et Gélin S.
INRA éditions 1994 + études Arvalis et Chambres d’agriculture.

 

Observez, observez, observez
Un test à la bêche dans une parcelle : on détecte rapidement les problèmes de structures (mottes dures, anguleuses, …), ou inversement de très belles structures (mottes granuleuses, agrégats racinaires…). Il faut ensuite chercher à comprendre d’où vient le problème. Comparez vos parcelles (vieille prairie naturelle, céréales, prairies temporaires), faites-vous l’œil.
Les plantes bio-indicatrices peuvent venir en complément, il faut apprendre à les reconnaître.
Exemple :
Manque d’air (tassement, battance) : brôme mou, brunelle commune, cardamine des prés, capselle bourse à pasteur, flouve odorante, pissenlit dent de lion, renoncule âcre, renoncule rampante, rumex feuille obtuses, plantain moyen …
Bonne aération (et généralement bonne activité biologique) : plantain lancéolé, lotier, luzerne, marguerite, mouron blanc, fétuque des prés, knautie des champs, trisète dorée…
Il ne faut pas paniquer de voir quelques plantes indésirables par endroit (non représentative) : surveillez simplement leur évolution.
L’analyse de sol permettra d’affiner la connaissance du statut acido-basique (préalable à toute opération de chaulage), et l’indice de nutrition herbe sera l’outil adapté pour la partie P, K.
Enfin, ne pas oublier qu’il existe aussi d’autres leviers, en lien avec les pratiques comme la gestion du pâturage, le report d’herbe sur pied, les fauches tardives, le topping et le hersage… qui peuvent contribuer à préserver le potentiel des prairies en fonction des aléas climatiques.

 

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