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La Nouvelle-Zélande : un géant ovin aux pieds d’argile

À l’occasion d’un voyage d’étude organisé par l’Institut de l’élevage en février dernier, les productions ovine et bovine néo-zélandaises se sont dévoilées.

Parmi les plus gros exportateurs mondiaux de viande ovine, la Nouvelle-Zélande est en proie depuis quelques années déjà à un déclin de sa filière. Le cheptel ne cesse de baisser : entre 1985 et 2022, il a diminué de 63 %, soit de 42 à 26 millions de têtes. Cette baisse structurelle s’explique principalement par une compétition accrue pour les terres avec d’autres activités d’élevage et notamment les bovins laitiers, qui se sont très fortement développés depuis les années 1980. Bien plus rémunérateur que les élevages ovins et bovins allaitants, l’élevage laitier a grandi à une vitesse folle et s’est vu attribuer les terres où l’herbe est la plus grasse et abondante. Les ovins et bovins allaitants se trouvent contraints de valoriser des terres plus difficiles.

Des élevages ovins toujours combinés à du bovin

Les élevages ovins sont mixtes, toujours conjugués avec des bovins allaitants et parfois même aussi des bovins laitiers (ces derniers étant toutefois installés sur d’autres terres). Les moutons prennent de la place mais ne rapportent rien, nous a-t-on confiés. Pour s’en sortir financièrement, les éleveurs ovins comptent sur d’autres activités plus rentables.

La race que nous avons le plus fréquemment rencontrée lors du voyage d’étude, organisé par l’Institut de l’élevage en février 2023, est la Romney. Elle est issue des îles britanniques, ramenée par les colons en Nouvelle-Zélande.

Nous sommes arrivés sur une période de tonte et avons pu profiter de l’impressionnant travail des « shearers », tondeurs professionnels qui se déplacent d’élevage en élevage. Étant donné la dimension importante des cheptels en Nouvelle-Zélande, les élevages possèdent leur propre salle de tonte équipée dans laquelle les tondeurs viennent travailler en prestation de service quand c’est nécessaire. Comme partout ailleurs, la laine néo-zélandaise est très mal valorisée et sa vente parvient à peine à rembourser les frais de tonte. Les ovins des exploitations visitées étaient traités contre des mouches australiennes qui pondent dans leur chair, sous la laine, faisant pourrir les tissus.

Un système sans bâtiment d’élevage

Dans l’un des élevages de l’île du Sud visités, qui élève à la fois des ovins (12 000 brebis Romney), des bovins allaitants (1 200 vaches Angus), des vaches laitières (deux fermes ailleurs, plus lointaines, avec des Kiwis : Jersiaises x Prim’Holstein) et fait aussi de la foresterie, le chargement ovin est faible. On compte entre 3 et 10 brebis suitées par hectare selon la pente du terrain et la conduite est plutôt extensive. Il y a des pâtures irriguées en plaines et d’autres en collines qui sont des terres plus pauvres, que les ovins et bovins allaitants valorisent. Les 900 hectares de plaines irriguées sont pour l’hivernage des ruminants qui viennent paître sur de l’orge, du maïs ensilage pour les vaches laitières et pour la finition de quelques bovins retardataires pour passer l’hiver. On compte aussi dans ces surfaces du navet, de la luzerne, de la betterave, du chou pour les agnelles de remplacement et quelques agneaux pas bien finis mais qui sont normalement vendus plus tôt. Les vaches et brebis restent dans les collines. Ce sont des sols très fertiles sur lesquels ils font venir paître les animaux à engraisser, plutôt que de récolter et redistribuer ensuite. Il n’y a pas d’étable ou de bergerie. Les seuls bâtiments sont pour le stockage du matériel, de produits vétérinaires et phytosanitaires, les machines et le local de tonte.

Bien que nous ayons, en Europe, une image assez verte de l’élevage néo-zélandais, nous avons aussi découvert que cette production suppose tout de même bon nombre de traitements : engrais chimiques pour les prairies épandus par hélicoptère, utilisation de glyphosate, taux de nitrates parfois élevé dans les cours d’eau et beaucoup d’irrigations, ces deux derniers points étant surtout imputables à l’élevage laitier.

Concernant les fourrages et pâtures en Nouvelle-Zélande, il existe un modèle unique, très simple, appliqué quel que soit le climat, du subtropical (au nord de l’île du Nord) au climat tempéré frais et humide (sud de l’île du Sud) : essentiellement ray-grass et trèfle blanc, même si des essais existent avec le plantain ou le dactyle à la place du ray-grass. Le tout est fertilisé avec 150 à 170 unités de nitrate minéral par hectare.

 

 
La filière ovine néo-zélandaise souffre depuis quelques années déjà d’une baisse de ses effectifs ovins mais aussi de la forte concurrence de son voisin australien, premier exportateur mondial, très résilient, qui se remet progressivement de ses vagues de décapitalisation dues aux sécheresses, pour peser toujours davantage sur ce marché.

 

De fortes taxes sur le carbone agricole

Il existe toutefois des opportunités pour cette filière. Le gouvernement néo-zélandais prévoit d’ici peu d’exigeantes mesures environnementales comme la taxation du carbone agricole qui viendrait stopper net (déjà ralenti depuis quelques années) l’essor de l’élevage bovin lait, responsables d’une grosse partie des émissions de carbone agricole. Comme nous l’a précisé un professionnel de Rabobank, cela peut être une opportunité pour les filières allaitantes, surtout les ovins moins pointés du doigt en termes d’impact environnemental défavorable. Mais l’élevage néo-zélandais est dans son ensemble inquiet : les nouvelles taxes carbone vont encourager le développement de la culture de pin Pinus Radiata, qui croît en 25 ans, soit deux fois plus rapidement que la moyenne. Ces derniers capturant le carbone, ils ne sont pas taxés. Une spéculation sur les terres agricoles est probable, avec notamment des investisseurs étrangers qui exploitent le bois et offriront jusqu’à +50 % du prix des terres, en particulier les terrains plus pauvres comme les collines. Impossible pour les éleveurs de venir concurrencer ces entreprises…

Des opportunités à saisir dans l’Union européenne

Le nouvel accord de libre-échange signé avec le Royaume-Uni (mais que l’Australie a aussi signé), entré en vigueur fin mai, est aussi une opportunité pour la filière ovine néo-zélandaise, si toutefois elle parvient dans un premier temps à stabiliser, voire augmenter, ses effectifs. Cet accord prévoit la réduction progressive sur 10 ans des droits de douane aux frontières de l’Union européenne.

La filière ovine néo-zélandaise semble donc sur un fil, en proie à diverses opportunités, mais aussi face à de très nombreux défis, notamment le changement climatique (passage d’un cyclone dans l’île du Nord lors de notre venue) qui devient une réalité alors que ces îles en paraissaient relativement épargnées il y a quelques années. La filière ovin lait est en train de s’y développer progressivement, après le succès de la production bovine laitière… Les Néo-Zélandais ont déjà trouvé des débouchés rémunérateurs pour le lait de brebis, notamment et sans trop de surprise, en Chine.

Chiffres clés (2022)

3e producteur mondial de viande ovine avec 437 000 téc

2e exportateur mondial de viande ovine avec 390 000 téc

Part de la production exportée : 89 %

Un cheptel ovin de 26 millions de têtes

Près de 23 000 exploitations ovines/bovines avec une moyenne de 270 ha

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