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« La consommation atone pèse sur les prix des céréales au même titre que la concurrence russe et ukrainienne », déclare Jean-François Lépy

Pour Jean-François Lépy, directeur général de Soufflet Négoce by InVivo, le salut de l’agriculture française passe par l’exportation, qui garantit des produits concurrentiels sur le marché intérieur. Pour ce faire, la filière doit travailler à l’optimisation et l’efficacité de sa logistique.

Jean-François Lépy est le directeur général de Soufflet Négoce by InVivo depuis janvier 2022, et de Soufflet Négoce (groupe Soufflet) depuis 2011. Il occupe par ailleurs le poste de secrétaire général d’Intercéréales, et ceux de vice-président du Comité relations internationales et de référent logistique pour l’interprofession.
© InVivo

La Dépêche Le petit meunier : Les exportations françaises de grains sur le premier semestre de la campagne 2023-2024 sont en net retard d’un an sur l’autre. Quels sont les facteurs qui expliquent ce mauvais résultat ? 

Jean-Francois Lépy – Le premier facteur est la comparaison avec 2022-2023 qui a été particulièrement exceptionnelle en première partie de campagne. Pour rappel, à l’époque, l’invasion de l’Ukraine par la Russie avait conduit à l’arrêt de toutes les exportations ukrainiennes. Les opérateurs ne savaient pas comment gérer les exportations russes avec le jeu des sanctions commerciales mises en place. Finalement, les origines Ouest européennes, et plus particulièrement françaises, ont bénéficié sur les premiers mois de la campagne, de juillet à septembre, d’un volume d’exportations inédit lié à ce contexte. 

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Le deuxième paramètre est bien évidemment une adaptation à un marché marqué par une pression très forte de la part de la Russie qui a enregistré une très belle récolte en 2023 et un disponible exportable de plus de 50 millions de tonnes (Mt), représentant 25 % des échanges mondiaux de blé. Et le fait d’avoir la Russie présente sur la scène internationale, dès les premiers jours de la campagne 2023-2024, nous a concurrencé sur nos destinations traditionnelles. C’est la raison principale pour laquelle nous avons été beaucoup moins présents à l’export qu’en temps normal. 

La troisième raison vient des acteurs russes qui font de l’export céréalier un acte très opaque et qui rend très difficile la lecture des prix et des marchés. C’est un acte très politique et piloté par le Kremlin qui utilise sa puissance d’exportation pour essayer de favoriser des relations diplomatiques et stratégiques avec certaines destinations, comme l’Egypte et d’autres pays. Ainsi, l’Algérie, qui était un importateur traditionnel de nos céréales, se fournit aujourd’hui en grande majorité en origines zone mer Noire.

En quatrième point, je dirai qu’en parallèle à ce côté opaque et obscur venant de la Russie, qui détermine le prix mondial du blé sur le marché physique, nous avons une assez grande transparence puisque nous avons un outil, le marché à terme Euronext, qui affiche tous les jours, à chaque instant, la valeur du blé français, disponible à l’exportation. Ce qui fait que lorsque vous avez quelqu’un qui est dans une autre géographie et qui a besoin de commercialiser du blé sur les zones sur lesquelles nous allons, il regarde la valeur du blé français et détermine un prix qui lui permet de vendre sa marchandise sur ces destinations. Cet ensemble a conduit à ce que nous ayons une faible performance et une faible compétitivité à l’export.

Enfin, je rajouterai un dernier élément qui est lié à un phénomène assez classique pendant une période de baisse de prix : c’est la rétention des agriculteurs qui a empêché d’alimenter le marché et a contribué à ce que nous soyons moins compétitifs à l’export, au moment où il fallait l’être.

LD LPM : Comment se présente la deuxième partie de la campagne 2023-2024 ?

J.F L. – Vous avez des destinations qui sont aux achats. Je pense particulièrement à la Chine qui est un acteur important pour nos marchés à la fois en orge et en blé. La France est de fait enregistrée comme fournisseur du pays car nous possédons un agrément phytosanitaire pour ces céréales. Nous faisons partie des heureux élus en la matière. En fin d’année calendaire, la Chine est passé sur un réapprovisionnement en blé, de manière assez importante - du non vu depuis plusieurs années - à la fois en origines australienne, états-unienne, canadienne et française. Ainsi avons-nous un programme de chargement en blé de 2,5 millions de tonnes (Mt) sur décembre 2023-mars 2024, qui est en train de s’exécuter et va nous permettre de récupérer un peu le retard. Il n’empêche, ce ne sera pas suffisant. C’est ce qui explique une certaine lourdeur du bilan français sur cette deuxième partie de campagne.

Le Maroc, qui subit une série de sécheresse ces dernières années, a enregistré une récolte des plus faibles en 2023, avec des besoins d’importation assez importants, entre 5 Mt et 6 Mt. Il faut savoir que le gouvernement marocain subventionne l’importation pour éviter les problèmes d’inflation alimentaire dans le pays, lorsque les prix à la consommation sont à un niveau relativement élevé sur son marché domestique. Cette subvention, valable le mois suivant, est calculée sur la base d’une moyenne de prix à l’import mensuels. Ce mode de fonctionnement oblige les importateurs marocains à aller acheter l’origine la plus proche lorsque les prix mondiaux baissent. Le fait qu’il faut cinq jours de voyage de Rouen à Casablaca, contre douze à quinze jours entre la mer Noire et Casablanca, explique que cette subvention, valable trente jours, favorise l’origine hexagonale. 

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Au final, nous allons nous retrouver, aux deux tiers de la campagne, avec deux grandes destinations pays tiers, Chine et Maroc, qui vont représenter 65 à 70 % de nos exportations à date. C’est une source de faiblesse car les achats marocains, extrêmement spots, peuvent difficilement être anticipés et nécessitent d’avoir des stocks en silos portuaires qui ne sont pas forcément au prix auquel ils vont être commercialisés, au moment où la compétitivité va être là. Quant à la Chine, sa stratégie de réapprovisionnement ne s’inscrit pas dans un schéma d’achats réguliers mais ponctuels avec de grosses quantités. Ces deux éléments font que finalement nous sommes très fragiles sur nos exportations et très dépendants des prix qui sont formés en mer Noire.

Cependant, l’essence même d’un marché consiste à trouver un prix qui va permettre à son bilan de se rééquilibrer. Nous ne sommes pas en capacité de porter des stocks qui vont nous empêcher d’entreposer la récolte suivante. Il faut à un moment donné que le marché trouve des solutions. C’est ce qui est en train de se faire. On le voit dans la pression sur les prix que nous subissons actuellement. Le fait de ne pas avoir exporter sur la première partie de la campagne à des prix plus élevés nous pénalise aujourd’hui et nécessite d’aller chercher plus bas de la demande. Il n’empêche qu’il y aura peut-être des quantités qui seront encore importantes en stocks à la fin de la campagne. Mais en cette fin février, c’est difficile à anticiper. Mais, encore une fois, le marché va faire en sorte de libérer suffisamment de place pour pouvoir accueillir la prochaine récolte. 

LD LPM : Que faudrait-il faire pour rendre notre modèle de négoce résilient d’une campagne commerciale sur l’autre ? 

J.F L. – En fait, nous sommes très dépendants d’un marqueur de prix sur lequel nous n’avons pas d’emprise. Et s’il y a une révolution agricole à l’exportation que l’on doit faire, c’est essayer d’arriver à faire ce que d’autres pays réalisent, à savoir une segmentation qualitative un peu plus importante que ce que nous avons aujourd’hui. 

« S’il y a une révolution agricole à l’exportation à faire, c’est essayer d’arriver à une segmentation qualitative de notre blé tendre un peu plus importante qu’aujourd’hui »

A l’échelle du marché mondial, le blé français est uniquement qualifié par son 11 % de protéines ! Il faudrait, dans notre fonctionnement de commerce sur le marché extérieur, faire en sorte que le demi-point ou le point de protéine puisse être rémunéré. Malheureusement, ce n’est pas le cas aujourd’hui en ce qui concerne la chaîne export. Je pense qu’il faut que nous travaillions collectivement à faire en sorte qu’un agriculteur qui livre du 11,5 % de protéine à son organisme stockeur soit payé différemment de celui qui va lui livrer du 11 % de protéine, voire du 10,5 % de protéine. Actuellement, ce n’est pas toujours le cas. Et la manière dont on fonctionne contribue plutôt à moyenniser des gros lots à la baisse et ne pas favoriser cette segmentation. C’est sur cette dernière que nous devons travailler collectivement car cela nous permettrait de nous adresser, à un moment donné, à des marchés plus déficitaires que d’autres, moins concurrentiels que ceux qui sont approvisionnés par les pays du pourtour de la mer Noire. C’est un vœu que je fais aujourd’hui.

LD LPM : Est-ce que l’inflation des prix alimentaires pèse sur la demande des clients traditionnels de grains français ? 

J.F L. – La séquence de prix de 2022 a fortement touché la demande, française comme européenne, à destination de l’alimentation humaine comme animale. Les baisses de consommation sur les filières animales sont de l’ordre de -5 à -7 % à l’échelle française, en lien avec la moindre compétitivité de nos productions animales et la moindre consommation de viande. Actuellement, on incorpore les céréales en formulation à un niveau équivalent à celui des années 1990 et 1991 : c’est un grand bond en arrière. Les utilisations industrielles de nos céréales, plus particulièrement en amidonnerie ou dans le secteur du papier-carton-emballage, subissent un contrecoup économique qui entraîne une baisse de consommation assez conséquente. Tous ces éléments mis bout à bout font que, même si les prix baissent, la demande ne réagit pas en consommant plus pour l’instant. On espère que la situation va aller en s’améliorant.

Concernant les importateurs hors UE, les pays émergents ont énormément souffert de la hausse des taux d’intérêt qui a mis à mal leur économie, notamment pour ceux qui s’approvisionnent sur le marché mondial avec des devises fortes, alors que leur monnaie a tendance à se déprécier et recréer de l’inflation sur le marché domestique. Ces pays sont ainsi en situation compliquée en termes d’importations : ils ne peuvent pas bénéficier de la baisse actuelle des prix mondiaux, car ils subissent d’autres coûts par ailleurs. Des nations comme l’Egypte, la Tunisie ou les pays d’Afrique subsaharienne ne présentent pas de hausse de consommation alors que les prix sont bien inférieurs aux niveaux enregistrés avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cette ambiance de consommation un peu atone pèse aussi sur nos cours, surtout quand on a du disponible à exporter.

LD LPM : Les Etats membres proches de l’Ukraine souffrent de la concurrence des bas prix de leurs marchandises. Est-ce que nos exportations sur l’Union européenne en pâtissent également ?  Est-ce que l’entrée de l’Ukraine dans le giron communautaire vous inquiète ? 

J.F L. – Nous vivons depuis deux ans maintenant une ouverture totale à l’importation des produits agricoles ukrainiens sur le territoire européen. Quand les céréales étaient en 2022 à des prix de 300-350 €/t, personne ne s’en souciait. Mais avec la baisse des cours, cela devient un enjeu de pérennité de la production agricole sur le territoire européen. Nous avons vécu pendant deux ans avec l’Ukraine dans l’Europe, nous en voyons les conséquences dans le secteur agricole. Et je ne blâme pas nos producteurs d’avoir exprimer leur mécontentement et tirer la sonnette d’alarme. L’Ukraine est une puissance agricole aux portes de l’UE et un mastodonte à l’exportation qui, même en temps de guerre, produit beaucoup. Je pense qu’il faut traiter le sujet politiquement car il nous faut défendre notre souveraineté alimentaire, avec des agriculteurs français qui puissent vivre de leur métier et être en même temps compétitifs dans cet environnement. 

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Par effet domino, nos marchés de proximité européens, surtout ceux très déficitaires comme la péninsule ibérique, ont profité de la situation. L’Espagne, qui a subi la plus grosse sécheresse historique depuis quarante-cinquante ans avec des niveaux d’importation de céréales colossaux, de plus de 20 Mt, a principalement importé de la céréale ukrainienne, au détriment de la céréale française ou du nord de l’Europe où elle était disponible.

Je n’ai pas de commentaire politique sur le fait de savoir si l’Ukraine doit ou non intégrer l’UE. Mais il faut avoir conscience que l’Ukraine est un mastodonte agricole et que, si nous ne protégeons pas nos agriculteurs européens, nous avons un risque de perdre le peu de souveraineté alimentaire que nous avons encore sur certains produits.

LD LPM : La plus grande valorisation de nos productions de grains sur le marché intérieur est-elle une des solutions pour assurer un débouché pérenne à nos agriculteurs ? 

J.F L. – En France, le marché intérieur restera le marché de dernier recours car, logistiquement parlant, ce qui est proche est plus facile à organiser. Malgré tout, il n’est pas suffisant pour que nous ayons des structures d’exploitations céréalières qui soient équilibrées en termes de revenus. Le marché intérieur ne représente que 50 % des débouchés des céréales.

Si on prend l’hypothèse que l’export ne sert à rien et qu’il faut se concentrer sur le marché intérieur, que va-t-il se passer ? Nous allons avoir des structures de production moins compétitives ; à qualité équivalente, le consommateur va payer son alimentation plus cher, et de manière significative. Mais dans l’UE, il y aura des territoires plus compétitifs et, naturellement, ces produits vont venir remplacer les nôtres, plus chers, et l’on va détruire nos filières de production. 

Dans l’absolu, le fait de pouvoir exporter une partie de nos productions constitue une des clefs de notre souveraineté alimentaire. C’est un facteur qui permet aux exploitations d’être compétitives et de fournir le marché intérieur avec des céréales concurrentielles. Si on arrête d’exporter car on n’est plus compétitif, la porte est ouverte à l’importation de produits de qualité équivalente meilleur marché. On le voit bien dans les filières animales, notamment en volailles où 50 % à 60 % de la consommation française est importée, et ce, parce que les volailles françaises ont décidé d’aller sur un segment très haut de gamme qui se sont révélés des marchés de niche. Ainsi, on a fragilisé l’ensemble de cette filière car économiquement elle ne pèse pas assez.

Sur ce point, je pense qu’il ne faut pas se tromper de débat : le fait d’exporter est un signe qu’une filière est compétitive sur le marché mondial, que les consommateurs bénéficient de cette compétitivité. Il faut travailler la compétitivité des exploitations, c’est-à-dire travailler sur des produits meilleur marché qui permettent de faire vivre l’exploitant.

« La compétitivité des exploitations agricoles françaises passe par des produits meilleur marché qui permettent de faire vivre l’exploitant »

La question qui se pose est de savoir quelle agriculture on veut dans vingt, trente ou quarante ans en France. Est-ce que l’on veut une agriculture compétitive qui permet à la fois de faire vivre des agriculteurs et de maîtriser l’inflation pour le consommateur ? J’espère qu’à travers la crise agricole qui vient d’être dévoilée, mais qui était profonde depuis plusieurs années, le gouvernement prend la mesure de la situation et va prendre des mesures plus structurelles.

LD LPM : La massification des modes de transport des grains vers les terminaux portuaires est un paramètre à prendre en compte pour gagner en compétitivité à l’exportation. Quels sont les freins au développement des modes ferroviaires et fluviaux ? 

J.F L. – Aujourd’hui, nous transportons par camion, par train et par péniche nos céréales de leur lieu de production aux lieux où elles sont travaillées, transformées, consommées ou exportées. Nous devons travailler notre compétitivité à l’exportation par l’optimisation et l’efficacité logistique. Mais c’est très compliqué.

 Aujourd’hui, le transport routier se trouve dans un contexte inflationniste, en raison de la pénurie de chauffeurs : on est loin d’être dans un schéma de réduction des coûts. 

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Quant au fret ferroviaire, il est en déclin malgré toute la volonté des acteurs et les annonces gouvernementales : le réseau ferré français, davantage adapté au transport de voyageurs que de marchandises, n’a pas été entretenu pendant des années, ce qui a conduit à la fermeture de nombreuses lignes. De plus, on a mis en concurrence des entreprises, les tractionnaires en l’occurrence, sans adapter la tarification du réseau pour qu’elles puissent fonctionner correctement. Résultat : on a des entreprises ferroviaires qui souffrent car les flux sont très compliqués à mettre en place, entre le chargeur qui doit s’engager sur trois ans et le tractionnaire qui doit payer ses frais fixes de personnel et de transport. Ce dernier y arrive en optimisant au maximum ses moyens. Mais le jour où un aléa intervient (un chauffeur malade, un problème à SNCF Réseau...), on a une rupture dans le flux, dont les conséquences sont dramatiques car les gains d’optimisation font place à des surcoûts intolérables. La perte de compétitivité du transport ferroviaire vient de cet état de fait.

Concernant le fret fluvial, on a l’extraordinaire chance d’avoir un réseau adapté au transport de marchandises, avec un petit bémol sur les bassins du Rhin et de la Moselle, très sensibles à la pluviométrie et surtout à l’enneigement des Alpes en hiver. Malheureusement, le réchauffement climatique conduit à des niveaux d’eau des fleuves plus erratiques, ce qui entraîne une réduction des périodes de circulation et des surcoûts liés aux basses eaux (les péniches ne pouvant pas charger autant de marchandises qu’en temps normal). En revanche, l’axe Seine est complètement régulé et navigable toute l’année, grâce à de grands bassins de rétention situés en amont de la Seine, de la Marne et de l’Aube. 

LD LPM : Concernant ce sujet, le transport fluvial sur le bassin de la Seine risque d’être interdit cet été pendant les préparatifs et le déroulement des Jeux olympiques Paris 2024. Quelles conséquences cela va-t-il avoir sur le dégagement des céréales de la nouvelle récolte vers le port de Rouen, le principal port à l’exportation français ? Quid des discussions d’Intercéréales avec les autorités compétentes ? 

J.F L. – La Seine est, pour nous, un axe stratégique car ce sont 3 Mt de grains qui y circulent tout au long de l’année, dont 1 Mt sont chargées par le groupe InVivo. Cela représente un tiers de l’ensemble des marchandises vracs transportées par le fleuve. Effectivement, le jour où l’on a entendu que la cérémonie des Jeux olympiques Paris 2024 allait se dérouler sur la Seine et que pendant le déroulement des épreuves on allait avoir des semaines complètes de fermeture, nous avons pensé que c’était très dommageable pour l’ensemble des flux et notamment, en cette période de récolte, pour le dégagement des céréales sur les silos portuaires rouennais à destination de l’exportation. Fort heureusement, en collaboration avec Intercéréales, les organisateurs, la préfecture de police et la préfecture d’Île-de-France, nous avons trouvé un mode de fonctionnement dégradé qui nous permet d’effectuer nos flux, en bonne cohabitation avec les épreuves sportives sur la Seine, et de dissuader les mariniers d’aller sur le range nord-européen ou ailleurs.

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Un autre point d’actualité, qui m’inquiète, concerne le pont Sully qui a été fragilisé à la suite d’une collision le 31 janvier avec un bateau de croisière fluviale, endommageant une de ses arcanes. Nous sommes en pleine incertitude concernant la navigation sur la Seine pendant la période où il sera mis en sécurité pour travaux. Aujourd’hui, nous sommes sur des créneaux d’ouverture des bateaux avalant (ceux qui, chargés de céréales, descendent le fleuve à destination de Rouen) de l’ordre d’une heure à une heure et demi par jour, avec des horaires fluctuants, difficiles à anticiper par les mariniers. Mais là aussi nous travaillons avec la préfecture d’Île-de-France, Intercéréales et l’ensemble des professionnels pour essayer d’avoir une bonne coordination et limiter la casse.

LD LPM : Les tensions en mer Rouge, avec les attaques houthistes sur des navires marchands, perturbent le transport maritime par le canal de Suez. Quel impact sur les coûts de fret dans la région ? Nos exportations de grains en sont-elles pénalisées ? 

J.F L. – Nous avons des impacts assez forts, les armateurs de navires étant très réticents à prendre le canal de Suez pour traverser la mer Rouge et aller en Asie, en Asie du Sud-Est ou ailleurs. Nous sommes sur des chutes de trafic qui atteignent 80 % sur le canal de Suez. Et tous nos navires qui devaient l’emprunter passent dorénavant par le cap de Bonne-Espérance, avec des surcoûts de transport que l’on peut chiffrer, en fonction de la taille des navires, entre 7 et 10 dollars la tonne par expédition. Et, de facto, cet événement a un effet conjoncturel : les céréales de la mer Noire qui devaient aller en Asie du Sud-Est sont de fait beaucoup moins compétitives sur cette destination et se retrouvent en Europe, en Espagne ou sur le port de Rotterdam, ce qui contribue à la baisse des cours.

LD LPM : Comment se profile la prochaine campagne de commercialisation 2024-2025 ?

J.F L. – La France a souffert de mauvaises conditions climatiques cet automne, avec des implantations de blé tendre et orge d’hiver non optimales. Nous savons qu’il y a 300 000 à 350 000 hectares de blé tendre, qui n’ont pas été semés, et qui vont être emblavés dans les prochains jours avec d’autres cultures. Nous avons un potentiel de récolte en blé tendre entamé, aux alentours de 31 Mt. Mais ce volume maximum peut encore évoluer en fonction des conditions climatiques au printemps et en fin de cycle. Si cela se passe mal, nous pourrions revenir au niveau de production enregistré en 2020, soit 29 Mt. Et je n’ose pas imaginer retrouver la catastrophe de 2016, où la collecte n’a atteint que 26-27 Mt.

 

Hausse de 30 % des exportations de céréales sur la première partie de la campagne 2023-2024

Le chiffre à l’exportation de céréales de Soufflet Négoce by InVivo sur le premier semestre de la campagne commerciale 2023-2024 est en hausse de 30 % par rapport à celui enregistré en juillet-décembre 2022.

Lors de la campagne 2022-2023, ce sont 7,2 millions de tonnes (Mt) de céréales qui ont été chargées, soit 25 % des expéditions françaises. Dans le détail, le blé tendre en a représenté 4,5 Mt, soit 26,9 % des sorties hexagonales.

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