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Outils numériques en production de fruits et légumes : un usage en hausse, mais hétérogène

Les outils numériques se font une place dans la panoplie des producteurs de fruits et légumes. Certaines de leurs applications sont déjà assez répandues dans les exploitations, d’autres préfigurent peut-être la production de demain.

« L’agriculture numérique est à la convergence entre l’agriculture et les technologies de l’information – capteurs, réseaux intelligents, outils de la science de la donnée, applications, voire automatisme et robotique - afin de mieux produire et mieux valoriser, tout au long de la chaîne de valeur », déclare Véronique Bellon Maurel, INRAE et directrice de #Digit Ag, l’Institut Convergences Agriculture Numérique, lors des rencontres du GIS Piclég en novembre 2020. Moins d’intrants et d’impacts sur l’environnement, mais aussi plus de confort et de traçabilité… Les promesses des outils numériques sont nombreuses et diverses, mais leur adoption par les agriculteurs est très hétérogène.

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L’Observatoire des usages de l’agriculture numérique, une action débutée en 2016 par la Chaire AgroTIC et l’Institut #Digit Ag, vise à produire un état des lieux objectif des usages des technologies numériques dans l’agriculture. Dans ce cadre, huit enquêtes concernant différentes filières agricoles ont ainsi été menées depuis 2017, sous la direction de Nina Lachia, chef de projet de l'Observatoire.

Une adoption variable des outils numériques

L'enquête concernant l’arboriculture a été effectuée en ligne, en 2019, auprès de 62 conseillers (OP, Chambres d’agriculture, indépendants, instituts techniques et stations d’expérimentation), puis d’entretiens avec des techniciens et experts de la profession. Pour l’enquête de la filière maraîchage, menée également en 2019, 70 maraîchers et 46 conseillers ont répondu à l’enquête en ligne, tandis que 14 entretiens ont été réalisés avec des techniciens et experts.

Il en ressort une adoption variable des outils numériques par les arboriculteurs et maraîchers. Une des spécificités de l’arboriculture (et du maraîchage dans une moindre mesure), par rapport aux autres filières agricoles, est l’utilisation courante de capteurs fixes : stations météo et sondes au sol. Les sondes sont utilisées de manière hétérogène par les arboriculteurs, et spécifiquement dans les zones de production irriguées. Les dendromètres semblent encore peu utilisés par les producteurs de fruits. « Les raisons évoquées sont la complexité d’usage et d’interprétation des données », indique l’enquête de l’Observatoire. En maraîchage, 35 à 45 % des producteurs interrogés utilisent des outils de mesures fixes, stations météo (pluviomètres, anémomètres, thermomètres) et/ou sondes au sol (capacitives, tensiométriques). Les cultures sous serres sont bien sûr fortement utilisatrices des outils numériques : mesure de l’environnement, pilotage de l’irrigation, ferti-irrigation, ventilation…

Une meilleure connaissance des sols

Que ce soit en arboriculture ou en maraîchage, les outils classiques de l’agriculture de précision (géolocalisation, télédétection par satellite…) sont beaucoup moins utilisés qu’en grandes cultures ou viticulture, ou pour des usages spécifiques comme le désherbage de précision ou la plantation.

Pour les conseillers en arboriculture interrogés, le numérique est un moyen de mieux connaître les parcelles et les produits de récolte, avec plus de précision et d’objectivité. « L’intérêt le plus cité est une meilleure connaissance du comportement des sols à différentes profondeurs, par exemple pour le pilotage de l’irrigation », souligne l’étude de l’Observatoire. Le numérique est aussi un moyen de gagner du temps et de la sérénité pour une majorité de répondants, en arboriculture et en maraîchage. Par exemple en anticipant les risques, en détectant rapidement des fuites dans les réseaux d’irrigation, ou en automatisant certaines tâches de surveillance des cultures.

Les outils numériques permettent également d’améliorer la traçabilité des cultures et des travaux, et ainsi de faciliter la réponse aux cahiers des charges. Certaines économies de charge (intrants) sont aussi mentionnées comme facteurs d’adoption du numérique par les producteurs.

Des besoins en formation et un manque d’adaptation des outils

Concernant les freins à l’adoption, la plupart des professionnels interrogés citent les mêmes raisons que dans les autres filières agricoles : le coût des équipements, le temps de saisie des informations, et le manque de communication entre les différents outils numériques. Beaucoup soulignent un manque d’adaptation des outils aux besoins, aux espèces cultivées ou aux itinéraires techniques. Les conseillers interrogés sont nombreux à ne pas se sentir suffisamment informés sur les outils numériques et formés à leur utilisation. Ils citent notamment comme besoin en formation, des connaissances sur l’offre en applications smartphone. Ce dernier est l’outil numérique le plus largement utilisé par les conseillers et les producteurs (voir encadré).

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Malgré ces freins, les professionnels interrogés dans les deux études ont une vision globalement positive du numérique, considéré comme un moyen de moderniser l’image de l’agriculture. Le numérique apporte notamment de nouveaux outils de communication avec les consommateurs (dont les réseaux sociaux) et permet d’adapter les pratiques aux enjeux environnementaux. Mais la vision du numérique est très variable selon les profils des professionnels. « Il existe en particulier une population de maraîchers hostiles au numérique par conviction. Cet aspect apparaît davantage en maraîchage que sur d’autres filières », précise le rapport de l’Observatoire. Ces producteurs considèrent le maraîchage comme un choix de vie en opposition avec l’utilisation du numérique dans leur métier.

Les outils classiques de l’agriculture de précision (géolocalisation, télédétection par satellite…) sont beaucoup moins utilisés qu’en grandes cultures ou viticulture.

 

La météo, usage n°1 des outils numériques

Une utilisation courante en arboriculture

 
© CEHM
La consultation de données météo est incontournable dans toutes les filières agricoles. Pour les producteurs, c’est un réflexe qui les aide à prendre de nombreuses décisions. Aujourd’hui, les stations météo mesurent de multiples paramètres : pluie, température, vent, humidité, humectation foliaire… Selon Nina Lachia, responsable de l’Observatoire des usages de l’agriculture numérique, l’arboriculture est la filière agricole pour laquelle l’usage des stations et données météo est le plus développé. « C’est un usage qui me semble mature par rapport à d’autres filières », indique-t-elle lors d’un webinaire consacré au marché des données et stations météo, fin 2020.

 

Evaluation des risques et pilotage de l’irrigation

 
© RFL
« Les usages principaux des stations en arboriculture sont l’évaluation des risques de maladies, de gel, ainsi que le pilotage de l’irrigation, indique Nina Lachia. Pour ce dernier usage, les stations météo sont souvent associées à l’utilisation de sondes au sol et à des systèmes de vannes automatiques. Une des spécificités de l’arboriculture et de la viticulture est l’utilisation de capteurs d’humectation foliaire. L’anticipation des dates de floraison est un autre besoin qui ressort. Enfin, un enjeu important pour lequel il y a encore peu d’usages développés, est l’anticipation des risques d’orage et de grêle. »

 

Moins d’usages en maraîchage

 
© RFL
« En maraîchage, il y a un peu moins d’usage des stations météo, mais pas parce qu’il y a moins de besoins, poursuit Nina Lachia. Il y a une grande diversité de cultures, de nombreux itinéraires techniques, de maladies et de ravageurs différents. Il n’y a pas encore toujours des modèles adaptés. Les principaux enjeux portent sur le gel et la qualité des produits, notamment en ce qui concerne le pilotage de l’irrigation. »

 

Le smartphone, couteau suisse numérique

En 2019, 77 % des Français étaient équipés d’un smartphone, selon le Baromètre du numérique. Les agriculteurs et conseillers agricoles ne font bien sûr pas exception. Outil multifonctions, le smartphone est utilisé quotidiennement par une majorité de professionnels dans le cadre de leur métier. L’usage n°1 par les agriculteurs est la consultation des données météo.

De nombreuses applications « métier » sont disponibles concernant la gestion d’exploitation : enregistrement des pratiques, planification des travaux, gestion de la main-d’œuvre, reconnaissance des bioagresseurs, lien avec les consommateurs en vente directe, accès aux données des capteurs… Le smartphone est aussi utilisé largement par les conseillers dans leur activité de conseil, mais une grande majorité se sent insuffisamment accompagnée dans la connaissance et l’utilisation des applications. Enfin, si le smartphone est incontournable, beaucoup de professionnels considèrent qu’il n’est pas toujours adapté à un usage sur le terrain, notamment par manque d’ergonomie et de résistance.

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