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L’arboriculture catalane face aux pénuries d'eau et de main-d’œuvre

La Catalogne, plus grande zone fruitière de la péninsule ibérique, doit faire face à plusieurs pénuries, notamment celles de l’eau et de la main-d’œuvre. Toutefois, le directeur général d’Afrucat est confiant dans la capacité d’adaptation, déjà démontrée, de l’arboriculture catalane.

La Catalogne est la grande région des productions fruitières en Espagne. L’arboriculture et de nombreux vergers, souvent très récents et de taille imposante, font partie du paysage des environs de Lérida (Lleida en catalan), cœur économique et capitale de la province du même nom. Celle-ci possède un climat méditerranéen à tendance continentale : l’été est chaud et sec, avec des précipitations particulièrement faibles et des températures maximales qui dépassent souvent les 38 °C. Le Sègre, un affluent de l’Èbre, qui irrigue une partie de cette vaste zone agricole est conforté par des canaux d’irrigation, comme le canal de Urgel qui dessert 70 000 ha irrigables.

Un plan de sauvegarde des vergers envisagé

Cette situation favorable a permis le développement d’une activité et d’une économie basées sur l’arboriculture. Ainsi, le verger catalan représente plus de 310 000 tonnes de pommes (soit 65 % de la production espagnole), 250 000 tonnes de poire (55 %) et près de 40 % des fruits à noyau ibériques. Avec ses 85 sociétés membres qui regroupent 45 000 ha de vergers et 1,1 million de tonnes de fruits, Afrucat (Association empresarial de fruita de Catalunya), est une illustration flamboyante de cette dynamique. Le groupe compte également des groupements d’arboriculteurs de l’Aragon, qui incarnent plus de 78 000 t de pomme et 70 000 t de poire. Mais le verger catalan doit faire face à de nouveaux changements. Celui du climat est multiple, avec une raréfaction de la disponibilité de la ressource hydrique, des aléas climatiques plus marqués (gel printanier, grêle, inondations) et l’afflux de vagues de chaleur.

« Nous devons concentrer les efforts sur les adaptations. Il est trop tard pour contenir le changement climatique, et nous avons trente ans pour le faire », affirme Antonio Ruiz de Elvira, professeur à l’université de Alcala de Henares, spécialiste du changement climatique, lors d’Interpera qui s’est récemment déroulé à Lérida. « Les dix dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées », précise-t-il. L’arboriculture catalane a évité de peu les premiers dégâts irréversibles du changement climatique. Car en avril dernier, avec la fermeture du principal canal d’irrigation, les producteurs envisageaient un plan de sauvegarde de leurs vergers avec une seule irrigation possible dans l’été afin que leurs arbres ne meurent pas. Des pluies salvatrices en mai et juin ont permis aux arboriculteurs catalans de disposer d’assez d’eau pour assurer une récolte de poire et de pomme plus ou moins acceptable. Le couperet n’est pas tombé loin.

La pomme migre en altitude

Pour Manel Simon Barbero, directeur général d’Afrucat, cette situation n’a rien de fataliste : « Il est nécessaire d’envisager le stockage de l’eau sur plusieurs années, pour faire face aux variations des périodes de pluies, mais la quantité d’eau disponible sera toujours suffisante », commente-t-il avec un certain optimisme. D’autant que les réserves à créer concernent aussi l’énergie, l’urbanisation, le tourisme. « Notre avenir est dans la capacité d’adaptation de notre arboriculture », assure le responsable.

En quelques années, la zone de Baix Segria est ainsi passée de la culture de pommes à celle des pêches plates, « car le terroir était plus favorable. La pomme migre vers la zone de Gérone ou en altitude dans le Piémont pyrénéen. Nous venons de planter notre plus grand verger d’un seul tenant, 500 ha, à 800 m d’altitude. Il est plus facile de s’adapter que de forcer la nature », témoigne-t-il. Il existe aussi des possibilités d’amélioration génétique, qui sont notamment travaillées à l’Institut de recherche et de technologie agroalimentaire (Irta) afin d’adapter les nouvelles variétés à ces nouvelles contraintes climatiques (voir encadré). L’inquiétude du dirigeant se porte plus sur la disponibilité de la main-d’œuvre et l’augmentation de son coût. « Ce manque existe depuis 2017-2018 et a été estompé par des années à faible production comme en 2021-2022. Mais il se ressentira très rapidement dans des années normales », prévoit-il.

Des entreprises contraintes à investir

L’arboriculture catalane emploie principalement de la main-d’œuvre immigrée : et là aussi les canaux se tarissent. Les travailleurs d’Europe de l’Est (Roumanie, Pologne), qui trouvent des conditions de travail plus satisfaisantes dans leurs pays, sont moins motivés par le voyage. De même pour la main-d’œuvre en provenance d’Afrique du Nord. « Il est difficile d’envisager d’autres origines de travailleurs », commente Manel Simon Barbero qui propose d’élargir les accords de travail temporaire et de donner la possibilité aux personnes en situation irrégulière de travailler de manière temporaire. Le manque de main-d’œuvre est surenchéri par son coût. Selon le responsable, l’augmentation est de 22 % en trois ans pour l’arboriculture.

« L’augmentation du salaire minimum a conduit à relever tous les autres salaires », explique-t-il. « Il s’agit d’une tendance irréversible qui contraint les entreprises à investir dans l’automatisation, notamment dans les stations puisque la technologie existe. Les investissements dans les vergers se feront dès que les robots seront disponibles et fiables », assure Manel Simon Barbero. Autre facteur d’inquiétude, l’état sanitaire des vergers et les moyens de protection disponibles. Sans remettre en cause les attentes du consommateur, le directeur d’Afrucat constate la réduction continuelle du nombre de matières actives disponibles contre les maladies et ravageurs et la pression croissante de ceux-ci, qu’ils soient nouveaux ou réémergeants. Enfin, les opportunités offertes par l’agrivoltaïsme, très discutées du côté français, n’ont aucun écho en Catalogne du Sud, faute de soutien aux investissements dont bénéficie le secteur français.

« Notre avenir est dans la capacité d’adaptation de notre arboriculture », Manel Simon Barbero, directeur d’Afrucat.

Une poire hautement intensive

La poire est une espèce fruitière majeure du verger catalan. Sa production y est envisagée avec des techniques de culture intensive, à l’image des visites sur le terrain réalisées lors d’Interpera en juin dernier. Les 40 ha, d’un seul tenant, plantés par le groupe Nufri en sont l’un des exemples. La variété Elliot, résistante au feu bactérien et caractérisée par son épiderme bronzé-cuivré, y a été plantée à la densité de 4 000 arbres/ha avec une distance de 0,9 m entre les arbres, qui sont conduits sur 2 axes. « La variété a été choisie pour ses qualités gustatives et sa capacité de longue conservation, permettant de la mettre en marché jusqu’en avril », précise Jaume Badia, responsable technique. Le verger en 3e feuille de La Gravetta se compose des variétés Conférence, William, Abate Fetel et Rocha. Ici, la densité est poussée encore plus loin : 6 600 arbres/ha, plantés à 3 m d’entre-rang et 0,5 m sur le rang. « William et Rocha sont plantées à 0,65 m, car ce sont des variétés plus vigoureuses », mentionne le responsable. Les arbres ont été formés par une taille en vert, trois à quatre passages en 2022, afin d’augmenter la vitesse de fructification. Puis ils seront conduits en haie fruitière avec un maximum de mécanisation. L’objectif de rendement est fixé entre 7 et 8 kg par arbre. Avec toutefois une interrogation sur l’évolution et le vieillissement du verger dans ces conditions de haute densité et d’intensification.

Nouvelle pomme résistante à la chaleur

La variétale de pomme HOT84A1 est le résultat du programme international de sélection de pommes et de poires Hot Climate Programme qui vise à répondre aux défis du changement climatique. Rouge, croquante, sucrée, elle a été évaluée à l’Institut de recherche et de technologie agroalimentaire (Irta) et Fruit Futur, qui associe les principaux producteurs de fruits de Catalogne. Les premières plantations ont eu lieu en 2021. « Les nouvelles variétés de pommes, créées avec des méthodes traditionnelles, visent à s’adapter aux étés de plus en plus chauds », explique le spécialiste du programme d’arboriculture de l’Irta. La variété est également testée en France, Nouvelle-Zélande, Australie et Afrique du Sud.

En chiffres

Production 2021 (source : Afrucat)

Poire

Espagne 456 800 t

Catalogne 250 000 t

Aragon 70 500 t

Pomme

Espagne 486 000 t

Catalogne 313 000 t

Aragon 78 500 t

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