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« Je conduis mes vaches gasconnes des Pyrénées à 100 % en IA et en système plein air »

Dans le piémont de la montagne Noire, Myriam Collignon élève une centaine de gasconnes des Pyrénées conduites en plein air et à 100 % en insémination artificielle. Pleinement impliquée dans le schéma de sélection de la race, l’éleveuse voit chaque année deux à trois de ses taureaux entrer à la station d’évaluation. En système naisseur engraisseur, elle prête aussi un soin rigoureux à la finition de ses vaches de réforme, valorisées au marché de cheville de proximité.

« J’ai choisi la race gasconne des Pyrénées parce qu’il y avait moyen de travailler la sélection que j’aimais pratiquer avec les Holstein », partage Myriam Collignon, fille d’éleveurs laitiers. Après un BAC scientifique et un BTS technologie végétale, elle travaille à la Safer des Pyrénées-Orientales jusqu’au jour où la ferme voisine de ses parents, située à Saint-Papoul dans l’Aude, se libère. « Avec les 400 000 litres de quotas laitiers qu’ils avaient, je ne pouvais pas m’installer avec eux, alors j’ai rejoint le Gaec en agrandissement d’exploitation », rembobine celle qui s’installe avec un cheptel d’Holstein en 2003. La sécheresse cumulée aux faibles revenus, puis le départ à la retraite de ses parents la convainquent, en 2010, de passer à un troupeau de gasconnes des Pyrénées. 

« Depuis toute petite, je suis au milieu des vaches. Enfant, je connaissais toutes les filiations et aujourd’hui, je suis passionnée de génétique. Ça n’a pas été un changement facile, car j’adorais traire. Mais je ne regrette pas du tout pour la qualité de vie. Toute seule ça aurait été trop lourd de rester en lait. »

Aujourd’hui adhérente à l’organisme de sélection (OS), Myriam fait aussi partie du schéma de sélection. Épaulée autant que possible par son mari Stéphane Collignon, pluriactif – il est pompier professionnel et bénévole, et a rejoint la SCEA en 2020 – et mère de deux enfants, Myriam élève son troupeau à 100 % en insémination artificielle (IA) au pâturage toute l’année (sauf pour les génisses le temps du sevrage et les six mois suivants).

Une organisation au fil des saisons

Au printemps, Myriam réalise les typages sur chaque vache en fonction de la généalogie et le technicien de l’OS organise le planning d’insémination de mi-février à mi-juin. Cette période est également rythmée par les premières coupes d’enrubannage au mois d’avril, par les foins et la récolte des céréales. Si 60 % des troupeaux d’éleveurs de gasconnes des Pyrénées partent en estive l’été, Myriam fait le choix du pâturage tournant sur la ferme jusqu’au printemps. « L’inconvénient de la zone, c’est que c’est très sec l’été, je dois donc anticiper pour pouvoir aussi les nourrir lorsque l’herbe est grillée. En été, on rentre tout le foin et la paille tout en s’occupant du soin du troupeau. »

L’éleveuse sélectionne ensuite une vingtaine de vaches en fonction de leur caractère, leur docilité, leur fertilité, leur âge et leur niveau génétique pour l’engraissement. « L’automne est le temps de l’assolement, on fait le tour des parcelles et on prépare le matériel pour les semis qui démarrent courant octobre. » En semis direct depuis plus de vingt ans, Myriam épaissit ses prairies avec de l’avoine pour étouffer les mauvaises herbes. « L’avoine tale, elle est tellement haute que c’est un excellent désherbant naturel qui permet de mobiliser moins d’argent dans le semis de prairie. » L’exploitante sème du ray-grass en pur, un mélange de ray-grass/trèfle violet/trèfle incarnat, un mélange dactyle/fétuque/trèfle et un mélange à base de luzerne ou de sainfoin sur 150 hectares de prairies en fermage. Son exploitation est autonome en fourrage. L’hiver, elle se consacre aux vêlages.

Un fort taux de renouvellement pour un large choix de réformes

À cette saison, la conduite alimentaire des vaches et génisses d’élevage repose sur l’alternance journalière d’enrubanné et de foin. Les réformes destinées à l’engraissement reçoivent, elles, de l’orge, de la féverole et du foin (10 kg de foin par vache). « J’apporte beaucoup d’importance à la finition de mes animaux. Lorsque le veau est sevré, si je décide de ne pas garder la mère, je ne la mets pas en engraissement tout de suite. Je la laisse reprendre doucement et je démarre la finition lorsqu’elle est remise. Il faut aller dans la durée pour le persillé, pour que le gras soit intramusculaire. » 

La durée de l’engraissement se fait à l’œil de l’éleveuse, mais aussi aux regards de deux bouchers de proximité. « J’ai la chance de travailler avec deux bouchers, un traditionnel et un en Label rouge, qui veulent acheter local et qui aiment la bonne viande. Ils viennent plusieurs fois par an pour voir les bêtes en engraissement. » En Label rouge, la viande est vendue 5,80 € HT le kg de carcasse. Le poids carcasse moyen atteint 456 kg et l’âge moyen des femelles abattues en 2022 était de 7 ans.

Le fort taux de renouvellement permet d’avoir un plus grand choix de réformes, mais aussi d’obtenir une viande de qualité optimale. « Lorsque le boucher vient voir les vaches, c’est un moment très convivial où nous définissons celles qui sont les plus grasses, puis nous établissons un planning pour les amener à l’abattoir. C’est environ une vache tous les quinze jours pendant cinq mois », détaille Myriam qui se rend à l’abattoir de Saint-Gaudens en Haute-Garonne pour le Label rouge et à l’abattoir de Puylaurens dans le Tarn pour la vente directe (quatre vaches par an). Elle pratique aussi la vente directe pour régaler son entourage au prix de 16,50 € TTC le kg.

Un Sabot d’or en 2023

Côté génétique, adhérente à l’OS depuis son installation en GDP et adhérente au contrôle de performance en VA4, Myriam a été élue Sabot d’or en 2023. « En peu de temps, elle a tellement travaillé la génétique qu’elle est parvenue à des résultats exceptionnels. C’est l’avantage de la race : quelqu’un de motivé et de consciencieux peut vite avoir un troupeau qualitatif », affirme Guillaume Loze, technicien à l’OS de la race.

 

 
Graphique : Évaluation des poids à âge type et du gain moyen quotidien des mâles
© Source : Bovins Croissance 11
« Grâce à son perfectionnisme et le fait d’être à l’écoute des conseils des différents techniciens de l’OS et de Bovins Croissance, Myriam est parvenue à avoir des résultats plus que satisfaisants avec des veaux et un PAT dans la moyenne haute de la race, et un IVMAT moyen aux alentours de 110. L’évolution du PAT repose sur le travail génétique du troupeau et une meilleure maîtrise de l’alimentation. Sa nomination Sabot d’Or en 2023 est le reflet de son travail depuis son installation », souligne Guillaume Loze, technicien à l’organisme de sélection de la GDP.

 

Dans le groupe des éleveurs de GDP, il existe quatre niveaux d’adhésions : utilisateur, diffusion simple, diffusion morphologie (un veau à la station) et le niveau création (trois veaux à la station). « Cette année, l’éleveur qui avait trois veaux +/+ pouvait rentrer un veau Mh/+ s’il était supérieur, et c’est le cas pour Myriam qui a exceptionnellement quatre veaux à la station », appuie le spécialiste.

Les futures reproductrices sont préparées dès la naissance

« Avec les techniciens de l’OS, c’est un échange qui se fait au niveau de la génétique. Je suis une femme qui travaille souvent seule, c’est important pour moi que les vaches aient de la docilité. Je veux des bêtes calmes qui entraînent le troupeau. La période de l’IA représente trois mois dans l’année où je trie les bêtes une par une dans un troupeau de 60 têtes, en plein air, et où parfois l’inséminateur passe tous les jours », explique Myriam.

Durant la période d’insémination, de février à mai, les taureaux d’IA sont choisis en fonction du typage, de leur index de facilité de naissance, de l’ascendance et des caractéristiques phénotypiques des vaches. La maîtrise de l’intervalle vêlage vêlage (IVV) – à 370 jours en moyenne – passe par une conduite rigoureuse du troupeau après vêlage, un fort taux de réforme mais surtout par la maîtrise de l’élevage des génisses. « Une belle reproductrice se prépare dès la naissance, c’est pour cette raison que je garde toutes les génisses. Elles sont nées chez moi et j’apporte un soin particulier à leur alimentation. » La conduite des génisses sur leur première année leur permet de développer de fortes capacités d’ingestion et d’acquérir beaucoup de morphologie. Les poids de carcasse sont supérieurs de 80 à 100 kg à la moyenne de la race.

Après la mise bas, toutes les chaleurs sont enregistrées et la mise à la reproduction se fait quarante-cinq jours après la naissance. Ce système permet d’identifier rapidement les animaux qui ne cyclent pas. Myriam n’utilise pas le groupement de chaleurs mais fait fouiller les vaches, permettant la détection d’un potentiel problème ovarien et éventuellement l’administration de prostaglandines pour induire les chaleurs.

Les mâles qui ne sont pas retenus par la station sont vendus en tant que broutards auprès de la coopérative Arterris. Ils partent en général entre 7,5 mois et 8 mois, à un poids moyen de 307 kg.

Deux taureaux sélectionnés à l’IA

Chaque mois de mars, une commission composée de tous les présidents de syndicats de GDP, la coopérative d’insémination Auriva et l’Institut de l’élevage, se réunit pour sélectionner cinquante veaux sur les quatre-vingts choisis. Parmi eux, deux taureaux sont retenus pour l’IA et séjourneront durant un an dans la coopérative Auriva à Soual dans le Tarn (1 100 € par année de pension). Avant de figurer dans le catalogue d’insémination, 5 000 doses d’inséminations seront prélevées. Pour les quarante-huit autres taureaux, une vente aux enchères est organisée chaque troisième jeudi du mois de mars à Villeneuve-du-Paréage, dans l’Ariège. Si leur prix de départ se situe entre 2 300 euros et 2 600 euros, celui des deux taureaux d’IA sélectionnés l’année précédente s’élève à 3 900 euros.

L’éleveuse Myriam Collignon a vu deux de ses taureaux être sélectionnés à l’IA. Passy, en 2021, est parti pour 7 600 euros et Seven, en 2023, a battu les records de la race à 12 300 euros.

Chiffres clés

40 mères de race gasconne des Pyrénées

190 ha dont 156 ha de terres arables

1 stabulation libre pour l’engraissement et l’élevage des génisses

1 parc de contention fixe

2 tunnels de stockage pour les fourrages

1 hangar pour la paille

1,5 UMO

À la station PEPIRAG, le recrutement mêle taureaux issus de plaines et d’estives

 

 
Créée en 1976 à Villeneuve-du-Paréage en Ariège, la station Pepirag fut la première station de sélection de bovins allaitants en France.
Créée en 1976 à Villeneuve-du-Paréage en Ariège, la station Pepirag fut la première station de sélection de bovins allaitants en France. © JABIRU / Serge GUIRAUD

Créée en 1976 à Villeneuve-du-Paréage en Ariège, la station Pepirag fut la première station de sélection de bovins allaitants en France et est aujourd’hui une pépinière de taureaux gascons des Pyrénées. Tous les animaux sont élevés selon les réglementations du cahier des charges Label rouge GDP, avec l’interdiction d’incorporer dans la ration de l’ensilage de maïs et des OGM. « L’hiver, nous passons dans toutes les exploitations pour inscrire les mères et les taureaux au livre généalogique. De juin à septembre, nous recrutons les meilleurs veaux de la race en fonction des MTE ou des MAT, et 60 % d’entre eux doivent être issus d’estives. L’été, je monte en estive recruter les futurs reproducteurs et je sélectionne quatre-vingts veaux chez les 120 adhérents de la race. Les animaux rentrent ensuite à la station de Villeneuve-du-Paréage », témoigne Guillaume Loze, technicien à l’organisme de sélection de la GDP. Du 15 octobre à début mars, les veaux vont être pesés chaque mois pour connaître leur GMQ avec l’objectif de 1200 grammes par jour. Pour vérifier qu’ils correspondent aux critères de la race, un pointage morphologique est réalisé, ainsi que des mensurations à l’aide d’une toise et une pelvimétrie avec un pelvimètre. « Avec 98 % de vêlage sans aide, l’ouverture pelvienne est très importante. » Le protocole, qui est également soutenu par l’Institut de l’élevage, permet de calculer ensuite les index et l’IMOCR (index de synthèse morphologie et croissance).

Le saviez-vous

Alors qu’elles n’étaient quasiment que 3 000 mères dans les années 1980, la race en compte aujourd’hui 20 000 dont la moitié en base de sélection.

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