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"On ne peut pas importer ce que l'on s'interdit de produire !"

Le 21 mars, le Sénat a voté contre la ratification de l'accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA). Le sénateur Laurent Duplomb en explique les principales raisons.

"Le CETA est un accord déloyal en raison des distorsions de concurrence qu'il induit" : Laurent Duplomb, sénateur de Haute-Loire.
"Le CETA est un accord déloyal en raison des distorsions de concurrence qu'il induit" : Laurent Duplomb, sénateur de Haute-Loire.
© © HLP

Le CETA qui est entré pour partie en vigueur le 21 septembre 2017 sur le territoire européen a été adopté par l'Assemblée nationale le 23 juillet 2019 avec 53 voix d'écart mais n'avait jamais transité par le Sénat. Le 21 mars dernier, le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste-Kanaky (CRCE-K) a décidé de soumettre le projet de loi autorisant sa ratification au vote au Sénat. Le projet de loi comporte 2 articles, le premier concerne la ratification du CETA tandis que le second est un accord de partenariat stratégique.

Sur ce dossier, le sénateur Laurent Duplomb a été nommé rapporteur pour avis au sein de la commission économique. Après 3 heures de discussion, les sénateurs Républicains et communistes ont eu recours à l'article 38(1) de façon à stopper l’obstruction et ainsi pouvoir procéder au vote dans les temps impartis. "Le 21 mars, le Sénat a supprimé (par 211 voix contre 44) l’article 1er du projet de loi qui entendait autoriser la ratification du CETA, et a adopté l’article 2 qui autorise la ratification de l’accord de partenariat stratégique (APS) par 243 voix contre 26".

"Déséquilibré, injuste et dangereux" 

Le Sénat juge cet accord "déséquilibré, injuste et dangereux" pour la pérennité de certaines filières agricoles françaises comme les bovins viandes. Jugé "très fructueux" par le gouvernement français, pour Laurent Duplomb cet avis est très contestable : "Si l'accord est crucial pour le Canada du point de vue économique, côté européen, d'après le Cepii(2), il ne faut s'attendre ni à des gains économiques importants, ni à des coûts d'ajustement importants.  À horizon 2035, les importations en France depuis le Canada vont augmenter de +40% tandis que nos exportations vers ce pays augmenteront de +14%. De plus, l'évolution du solde commercial de la France vis-à-vis du Canada entre 2017 et 2023 atteint - 48 millions d’€".

Avec des normes beaucoup moins restrictives en vigueur au Canada, les modèles d’élevage canadien et français sont fondamentalement différents ; le recours aux activateurs de croissance interdits en Europe, la décontamination chimique des carcasses de viande, absence de traçabilité sanitaire durant la vie de l'animal... sont des pratiques courantes et acceptées. "Même si des gains de valeur ajoutée sont prévus pour certains secteurs (produits laitiers, vin), il est loin d'être stratégique et surtout il menace directement d'autres filières agricoles telles que les lentilles ou la viande bovine."

Le sénateur s'alarme aussi de l'attitude du Canada qui est sans cesse en demande de dérogations "ainsi la lentille du Canada va bénéficier de droits de douane nuls et les Canadiens ont réussi à faire évoluer à la hausse (100 fois plus) la limite maximale de résidus de glyphosate contenus dans les lentilles. En 2013, la commission européenne a cédé sur la décontamination des carcasses de bœuf à l'acide lactique et le Canada a formulé une demande auprès de l'EFSA fin 2023 pour autoriser l'acide péroxyacétique... En 2022, la Commission européenne a demandé une période de transition (jusqu'en 2026) pour l'application de la mesure miroir sur les antibiotiques activateurs de croissance ; et l'Europe acceptera l'entrée des carcasses sous condition de la présentation d'un simple certificat sur l'honneur (justifiant la non-utilisation d'activateurs...) établi par un vétérinaire du Canada... Ce n'est pas sérieux !".

Naïveté coupable de l'UE 

"Le CETA est un accord déloyal en raison des distorsions de concurrence qu'il induit. On a une vraie question à se poser sur les contrats de libre-échange avec les produits alimentaires et agricoles. On ne peut pas importer ce que l'on s'interdit de produire !" explique le sénateur qui pointe du doigt la naïveté coupable de l'UE sur ce point. "Le CETA et les concessions de la commission européenne dans ses relations extérieures sont en complète contradiction avec l'approche qu'elle promeut au sein du marché intérieur avec le Pacte Vert, qui place la santé et l'environnement au-dessus de l'acte de production". 

Le projet de loi relatif à cet accord commercial peut à présent être réinscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pour qu'elle se prononce à son tour. à suivre.

 

(1) permet d’abroger un amendement, un article ou un texte à partir du moment où deux orateurs d’avis contraire sont intervenus en hémicycle pour défendre leur point de vue sur le sujet en débat.

(2) centre d'études prospectives et d’information internationale

 

Autres dossiers sur le feu

Le Sénat a également travaillé sur l'épineux dossier des troubles anormaux du voisinage ; le 12 mars 2024, les sénateurs ont adopté avec modifications, en première lecture, la proposition de loi qui vise à limiter les conflits de voisinage. "La responsabilité n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités agricoles existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien, à défaut d’acte,  à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies : dans les mêmes conditions ; dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal ou qui résultent de la mise en conformité de l’exercice de ces activités aux lois et aux règlements  ; ou sans modification substantielle de leur nature ou de leur intensité".

Le Sénat a par ailleurs adopté à l’unanimité des votants la proposition de loi déposée par Philippe Mouiller (Les Républicains, Deux-Sèvres), président de la commission des affaires sociales, afin d’améliorer les retraites agricoles au 1er janvier 2026. "Cette PPL fait en sorte que la mesure des 25 meilleures années soit appliquée au 1er janvier 2026 et que le système de calcul ne fasse pas de perdants ou éviter que certains se retrouvent dans des situations pires qu'auparavant. Il revient à présent à l'Assemblée nationale de s'en saisir". Ce nouveau système de calcul devrait permettre d'obtenir une hausse de l'ordre de 100€/mois pour les plus faibles pensions.

 

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