Quelles applications pour les drones agricoles porteurs ?
Les drones porteurs se multiplient dans le paysage agricole français. Le semis de couverts végétaux avant moisson et l’épandage de trichogrammes constituent les principales applications de ces aéronefs.

Les drones porteurs se démocratisent dans le monde agricole. L’offre de ce type d’aéronefs continue de s’étoffer avec des appareils de plus en plus gros. Que ce soit en pulvérisation ou en épandage, le marché est essentiellement occupé par des acteurs chinois. Les marques XAG, EFT et surtout DJI, avec sa gamme professionnelle Agras, constituent les principaux acteurs de ce marché en plein essor. En France, Agrodrone propose également des drones maison. D’année en année, les constructeurs développent des appareils toujours plus gros, équipés pour bon nombre d’entre eux d’une antenne GPS RTK leur assurant un positionnement très précis. De 30 kg il y a deux ans, la charge utile est passée aujourd’hui à 50 kg, voire 70 kg.

La pulvérisation dans un cadre très réglementé
Ces drones peuvent embarquer des systèmes de pulvérisation, mais la législation française est très restrictive. Jusqu’à il y a peu, elle n’autorisait pas la pulvérisation de produits phytosanitaires avec autorisation de mise sur le marché. Depuis une récente loi du 9 avril 2025, il est désormais possible d’appliquer par drone des solutions de biocontrôle, des produits autorisés en agriculture biologique et des formulations à faible risque dans certaines circonstances : dérogation en cas d’urgence sanitaire, essais encadrés, mais aussi les parcelles agricoles en pente de plus de 20 %, les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes conduites au sol.
Précision et débit de chantier pour l’épandage des trichogrammes

Dans l’Hexagone, les principales utilisations de drones agricoles restent principalement l’épandage de semences de couverts végétaux avant récolte ou de trichogrammes. Les œufs des guêpes parasitoïdes utilisées en biocontrôle contre la pyrale du maïs sont conditionnés en billes, qui sont larguées tous les 10 mètres. Souvent plus compact qu’un drone pour semis de couvert, le modèle porteur utilisé pour l’épandage de billes de trichogramme est une solution simple, économique et précise pour diffuser ces auxiliaires : elle permet d’appliquer sur une culture bien développée sans l’abîmer. Ce type de drone affiche des débits de chantier importants, autour de deux minutes par hectare en instantané et jusqu’à 70-80 hectares par jour (contre 5 ha/j pour un opérateur à pied), ce qui convient bien aux contraintes biologiques et logistiques de ces billes. «Quand on les reçoit, on a quatre jours pour les épandre, explique Benoît Lutun, fondateur de la société LTN Drone expertise, prestataire de services en épandage par drone, basé dans le Nord. La période pour les épandre est également courte (deux semaines), puisqu’elle correspond à la ponte des pyrales.» La prestation est facturée autour d’une vingtaine d’euros par hectare.
Semer le couvert au drone à la volée
L’autre utilisation principale des drones porteurs est l’épandage de semences de couverts végétaux avant la moisson. «Dans l’idéal, ce mélange de graines est épandu une vingtaine de jours avant la date de récolte», explique Pierre Lacheré, référent technique agriculture de conservation des sols, couverts et fourragères à Unéal. De cette façon, les couverts sont au stade cotylédon au moment de la moisson. Ainsi, comparativement à une implantation après la récolte, le couvert profite de la rosée et de la fraîcheur permises par la culture encore en place pour la germination et, une fois germé, de la lumière et de la chaleur. Résultats : l’avance prise par le couvert limite le développement des adventices et, au moment de sa destruction, les plantes sont beaucoup plus développées, «près de deux fois plus de matière sèche à l’hectare, qui bénéficiera à la culture suivante», résume Pierre Lacheré.

Quelques règles à respecter
L’implantation du couvert au drone à la volée impose cependant de respecter quelques règles, comme éviter les désherbages (tardifs tout au moins) avec des produits comme les sulfonylurées et broyer les céréales au moment de la récolte. Les résidus de broyage constitueront un moyen de conserver davantage la fraîcheur pour le couvert. Cela interdit également les déchaumages pour les faux semis. De même, les dosages de couverts doivent être augmentés d’environ 25 % par rapport aux doses classiques en semis post-récolte, du fait du taux d’échec de germination plus important. Le choix des espèces implantées au drone est adapté à la durée de vie plus longue de l’interculture, afin qu’elle ne soit pas trop ligneuse au moment de sa destruction et que son cycle de vie n’interfère pas avec la future culture. «Nous avons aussi réalisé des essais avec de la cameline, dont l’huile peut être transformée en carburant, ajoute Benoît Lutun. Le semis avant récolte ouvre la voie à la double culture dans le nord de la France.»
Moins cher que l’épandeur centrifuge
Pour ce qui est du coût d’implantation, la mise en place par le drone revient moins cher (un peu moins d’une cinquantaine d’euros par hectare) qu’un passage à l’épandeur centrifuge attelé au tracteur. Pour cette dernière solution, l’agriculteur va passer dans les traces du pulvérisateur. Pour conserver une bonne homogénéité de l’épandage de couverts multiespèces, le mélange de graines doit subir un traitement avec un revêtement pour agréger les graines entre elles, pour une balistique compatible avec les largeurs de pulvé. Ce traitement des graines triple le coût de la semence. Pour sa part, le drone réalise des passages serrés à une altitude (0,5 à 2 mètres au-dessus des cultures) faible et constante, grâce à des capteurs (Lidar notamment), ce qui garantit une homogénéité d’application avec la semence simple. «Il y a juste un travail de cartographie à effectuer quelques semaines avant le passage du drone, afin de tracer en amont les passages à réaliser et d’optimiser l’utilisation du drone au moment du semis», précise Benoît Lutun.
Des prestations assurées par des pros
L’utilisation des drones agricoles porteurs est principalement réservée aux prestataires spécialisés. Le coût élevé de ces appareils, qui peut dépasser plusieurs dizaines de milliers d’euros, est difficilement justifiable pour une utilisation très courte dans l’année. Certaines sociétés comme Reflet du monde proposent des formations de télépilote et des formules de location à destination des agriculteurs et des entrepreneurs de travaux agricoles les plus motivés. Mais pour la plupart des exploitants qui font appel à cette prestation, c’est un bon moyen pour décharger l’emploi du temps au moment de la récolte et des travaux qui suivent.
Semis de couverts au drone : l’autonomie définit le débit de chantier

Le débit de chantier élevé des drones agricoles à l’épandage de couverts végétaux est dépendant de la charge utile et du dosage à l’hectare. «Sur notre plus gros drone, qui peut emporter 70 kg, on peut semer 7 hectares en 10 minutes (à la densité de 10 kg/ha)», cite pour exemple Patrice Rosier cogérant de la société Agrodrone, prestataire de services basé en Gironde. Entre chaque vol, le plein de semences est réalisé et les batteries sont remplacées : un groupe électrogène recharge en 10 minutes un jeu de batteries, pendant que l’autre jeu est utilisé par le drone.