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Prix du blé : un marché attendu très lourd en 2025-2026, qui risque de peser sur les cours

Pour Maxence Devillers, analyste agriculture chez Argus Media, il faut s’attendre à un bilan français de blé tendre particulièrement lourd en 2025-2026. Les exportations risquent de se montrer timides, alors que les récoltes devraient être abondantes chez les principaux exportateurs.

De gauche à droite : Gautier Le Molgat, Sébastien Poncelet, Maxence Devillers et Alexandre Willekens
© Adèle d'Humières

Les prix du blé ont d’ores et déjà entamé leur chute sur la zone mer Noire et en Europe. Lors d’une conférence de presse à Paris le 28 août, l’équipe d’analystes d’Argus Media a fait état de sa vision d’un marché du blé lourd sur 2025-2026. Après une parenthèse de tension sur les cours en début de campagne liée aux retards de la récolte en Russie et en Ukraine, la pression récolte se met finalement en place. « Nous constatons une tendance baissière à court terme sur les prix du blé chez les grands exportateurs » a dévoilé Maxence Devillers, analyste agriculture pour Argus Media. 

« Nous constatons une tendance baissière à court terme sur les prix du blé chez les grands exportateurs » Maxence Devillers, Argus Media

Cependant, un des enjeux de la campagne sera la rétention des agriculteurs. « La campagne 2025-2026 sera marquée par une bataille entre fondamentaux lourds et forte rétention des producteurs » affirme ainsi Maxence Devillers. En effet, les coûts de production restent élevés dans le monde, tandis que les cours mondiaux se sont effondrés, occasionnant des problèmes de rentabilité pour les producteurs des pays exportateurs. Juillet et août ont ainsi été marqués par la rétention des producteurs, que ce soit en France ou sur la zone mer Noire. « L’apparent retour à la normale après une année 2024 catastrophique en France ne dissipe pas les inquiétudes des producteurs, dans un marché déprimé marqué par des soucis de rémunération » avance Gautier Le Molgat, président – directeur général Argus Media France. « Seuls un sursaut de la demande, une rétention prolongée, des mouvements sur les devises, un changement géopolitique majeur ou une météo 2026 défavorables pourraient raviver la volatilité des prix » a-t-il ajouté.

Lire aussi : Marché à terme : un premier mois de négociations réussi pour le contrat blé CVB du CME

Argus parie sur le maintien d’exportations françaises timides par rapport au potentiel disponible, avec l’absence de l’Algérie et la faible présence de la Chine

Argus Media a ainsi dévoilé son bilan prévisionnel de blé tendre pour la France pour la campagne 2025-2026, prévoyant des exportations intra-communautaires à 6,80 Mt et un chiffre sur les pays tiers à seulement 8,00 Mt. Pour rappel, FranceAgriMer annonçait le 16 juillet dernier respectivement 6,7 Mt vers l’UE et 7,5 Mt en direction des pays tiers. « La France a perdu un acteur majeur historique en l’espèce de l’Algérie » rappelle Maxence Devillers. D’autre part, la Chine, dont les achats de blé français depuis 2019-2020 avaient coïncidé avec l’ouverture du cahier des charges algérien aux blés de la mer Noire, voit son appétit largement réduit. « L’Algérie et la Chine représentaient 50 % des exportations vers les pays tiers avant la récolte catastrophique de 2024-2025. En 2025-2026, la France ne pourra plus compter sur le débouché chinois. Nous tablons sur des exportations de 500 000 t seulement sur cette destination » affirme Maxence Devillers.

Argus Media prévoit 6,8 Mt sur l'Union européenne et 7,5 Mt vers les pays tiers

Argus Media prévoit par ailleurs 900 000 t sur l’Égypte, sur laquelle la France a été compétitive en début de campagne avec l’absence de la Russie. Les expéditions vers le Maroc devraient rester soutenues à 2,5 Mt, au vu de la récolte locale encore faible cette année. 2,4 Mt de blé tendre devraient être expédiées vers l’Afrique subsaharienne. Fait notable, « on constate un courant d’affaires vers l’Asie du Sud-Est » a révélé Maxence Devillers. Les exportations vers les destinations autres que l’Afrique, la Chine ou Cuba sont ainsi attendues à 1,3 Mt, au plus haut depuis 2019-2020.

répartition par destination des exportations françaises de blé tendre vers les pays tiers entre 2014-2015 et 2025-2024
L'absence de l'Algérie se fait sentir dans les débouchés du blé tendre français à l'exportation (source : Argus Media)

Lire aussi : Moisson 2025 : la campagne 2025-2026 débute entre soulagement et inquiétudes

Pas de rebond significatif des importations chinoises en 2025-2026

« L’appétit chinois est restreint depuis 18 mois » a rappelé Maxence Devillers. Parmi les raisons du recul de la demande, un déconfinement très long qui a beaucoup affecté l’économie chinoise, avec un recul de la consommation, du PIB et des besoins d’importations. Ajoutons à cela de très bonnes récoltes locales qui ont reconstruit les stocks. Argus Media ne s’attend donc pas à un retour de la demande chinoise à des niveaux élevés en 2025-2026. « Les perspectives démographiques changent en Chine, ce qui justifie moins le maintien de stocks de report importants » a ajouté Sébastien Poncelet, vice-président Développement produit pour l’agriculture française chez Argus Media.

Lire aussi : Exportation de céréales : « La compétitivité de la France sur la Chine dépendra de la concurrence de l’Australie et de la Russie »

Le recul de la moisson de maïs en Europe pourrait apporter un soutien à la demande de blé français

Les analystes ont également abordé le sujet de la récolte de maïs, attendue en nette baisse dans l’Union européenne à 55,1 Mt contre 58,5 Mt l’année précédente. « Les surfaces de maïs sont en recul dans les Balkans, en Hongrie, en Roumanie et en Bulgarie avec la succession d’incidents climatiques ces dernières années. Le blé pourrait entrer en substitution du maïs, mais l’abondance de la récolte de blé en Europe risque d’introduire une forte concurrence pour le blé français » a expliqué Maxence Devillers.

Lire aussi : Récoltes 2025 : recul attendu de la production de maïs en raison d'une baisse anticipée des rendements

Des stocks attendus élevés chez les principaux exportateurs

Les stocks fin de campagne 2025-2026 sont ainsi attendus au plus haut depuis 2004-2005 en France à 4,0 Mt, « ce qui laisse présager d’une situation très lourde sur 2025-2026 », explique Maxence Devillers. En Europe, la situation n’est guère différente. La hausse de la récolte dans l’UE (notamment en Roumanie et Bulgarie) et au Royaume-Uni devrait aboutir à des stocks de report à 19,4 Mt, au plus haut depuis 2017-2018 et en hausse de 1,9 Mt sur un an. En Russie, malgré quelques inquiétudes en fin de cycle, la récolte ne cesse d’être revue en hausse par les analystes locaux. « La présence russe sera incontestable en 2025-2026 » affirme ainsi Maxence Devillers. En Ukraine, la production est estimée par Argus à 22 Mt, correcte malgré une météo défavorable. En Amérique du Nord, les productions et exportations devraient rester stables. En revanche, l'hémisphère sud « se dirige vers une moisson record » déclare l’analyste. « Les prévisions de production risquent même d’être revues à la hausse en Argentine et en Australie » ajoute-t-il. Les disponibilités de blé chez les grands exportateurs sont ainsi attendues à un niveau record.

évolution des stocks de blé chez les 8 principaux exportateurs mondiaux entre 2010-2011 et 2025-2026
Les stocks de blé sont attendus élevés chez les principaux exportateurs (source : Argus Media)

Lire aussi : Le Kazakhstan réduit sa production de blé et diversifie ses destinations d’exportation

L’orge plus épargnée que le blé et le maïs

Plusieurs chargements d’orge ont eu lieu sur le début de campagne sur les ports français, notamment à destination du Maroc. Selon Argus Media, la Chine reste demandeuse. À noter également le manque de volumes en mer Noire qui a permis à la France de se montrer très compétitive par rapport à l’Ukraine et à la Russie. « La France risque de prendre des parts de marché sur le Maghreb et le Moyen-Orient » a même avancé Maxence Devillers.

 

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