Comment stocker en sécurité les balles de paille et de foin ?
L’échauffement des balles de foin ou de paille est un phénomène naturel causé par l’activité des micro-organismes présents dans la matière récoltée. Il faut toutefois rester vigilant à ce que la température ne monte pas trop pour éviter les risques d’incendies.
L’échauffement des balles de foin ou de paille est un phénomène naturel causé par l’activité des micro-organismes présents dans la matière récoltée. Il faut toutefois rester vigilant à ce que la température ne monte pas trop pour éviter les risques d’incendies.

L’échauffement des balles de foin ou de paille en milieu aérobique est un processus naturel généré par le développement des micro-organismes présents dans le fourrage récolté. Les bactéries thermophiles consomment les glucides dans le foin par fermentation, engendrant une production de chaleur, de gaz et d’odeur. C’est un phénomène inévitable qui altère parfois les valeurs nutritionnelles du fourrage et, dans le pire des cas, peut provoquer un incendie. Heureusement, il est possible de contrôler les effets néfastes en limitant les facteurs aggravants ou en utilisant des appareils de surveillance. Les cultures riches en nutriments (légumineuses) ou soumises à un stress hydrique engendrant une forte teneur en sucres, comme les prairies temporaires, un sursemis de trèfle ou de la luzerne, sont particulièrement sensibles à l’échauffement et donc les plus difficiles à contrôler.

Contrôler les facteurs aggravant les risques d’incendie
L’activité microbienne dans la balle de foin ou de paille peut s’intensifier si le temps de séchage a été insuffisant, notamment avec des épisodes fortement pluvieux avant et/ou après la coupe, augmentant le taux d’humidité à la récolte. Parallèlement, dans ces dernières conditions, la densité de la botte doit être de préférence très faible. En effet, une balle humide fermement serrée concentre les micro-organismes et réduit l’évacuation de la chaleur produite, présentant un plus grand risque d’auto-échauffement. Les chambres d’agriculture préconisent une entrée en stockage des balles avec plus de 85 % de matière sèche au moment du pressage. Le bâtiment de stockage doit aussi être bien équipé de façon à limiter l’humidité au sol susceptible de remonter dans les balles empilées. Il doit également présenter des solutions de ventilation, afin d’aider la chaleur et l’humidité ambiante à se dissiper.

Les piles de bottes rondes ou carrées ne doivent pas être trop serrées entre elles, pour permettre à l’air de circuler. Une zone libre d’approximativement 15 mètres en périphérie du bâtiment est essentielle pour accéder et manipuler les bottes lorsqu’un risque critique d’incendie est déclaré. Dans le cadre d’un bâtiment de stockage multi-usage, l’installation d’un mur en parpaings pour isoler le stock de balles des zones à risques (ateliers, véhicules) est recommandée.
Surveiller la température à l’intérieur des balles
Dès lors que les balles sont rigoureusement stockées dans le bâtiment, celles-ci doivent idéalement faire l’objet d’un contrôle régulier de leur température. Marie Huyghe, agronome et experte en foin chez Quanturi, fournisseur de thermosondes connectées, tient à préciser qu’une prise de mesure ponctuelle ne peut en aucun cas prévenir d’un risque d’échauffement.

« Par exemple, avec une thermosonde manuelle, si le relevé ponctuel de la température indique 40 °C, ceci ne constitue pas une valeur dangereuse. Toutefois, l’utilisateur ignore si cette température est stable depuis plus de trois jours ou si elle augmente de 10 degrés quotidiennement. Dans le cas d’une température non stabilisée au bout de deux jours, la situation devient critique et l’exploitant devra dépiler ses balles pour éviter l’incendie », ajoute-t-elle. Le contrôle de la température des balles stockées peut aussi s’effectuer par l’installation d’une caméra thermique dans le bâtiment. Cependant, ce système relève uniquement la chaleur en surface et ne peut déceler les éventuelles températures élevées au cœur du tas.
Des sondes thermiques connectées pour un contrôle en continu
La méthode de contrôle de la température des balles capable d’analyser les valeurs sur le long terme et au centre des piles de stockages est celle des thermosondes connectées. À ce jour, seule l’entreprise Quanturi propose cette technologie pour les balles de paille ou de foin. Baptisé Haytech, ce système de surveillance se compose d’au moins 10 capteurs de températures sur pile, d’un lecteur sur secteur et d’une plateforme web (accessible sur PC ou smartphone) de visualisation des données et d’alerte. Les sondes, plantées dans les bottes, envoient la température toutes les heures par ondes radio au lecteur, qui lui transmet les données via une carte SIM ou la box internet au serveur de la plateforme web de Quanturi.

« Je recommande aux nouveaux utilisateurs de débuter par un capteur toutes les dix bottes. Cependant, selon la stratégie de placement des sondes (logique agronomique ou répartition homogène), la surveillance devra être plus ou moins accrue. Pour quantifier plus précisément le nombre de sondes nécessaires à son exploitation, je préconise alors de raisonner selon le calcul suivant : nombre de parcelles multiplié par le nombre de coupes multiplié par deux », indique Marie Huyghe. Quanturi propose ainsi une prestation facturée 480 € HT /an comprenant un pack de 10 sondes, le lecteur, l’abonnement ainsi que le service après-vente. Par tranche de 10 sondes supplémentaires, l’utilisateur devra ajouter 240 €/an. Les compagnies d’assurances, selon les caisses locales, acceptent même de financer en partie ou en totalité la solution Haytech.
Deux stratégies de placement

Les sondes sont à placer au cœur de la balle dès leur formation et toute la durée du stockage. Dans le cas d’un empilement de bottes carrées, la sonde doit être intercalée entre deux bottes. « Je recense deux possibilités de placement des sondes en fonction de l’agencement du stockage. La première, la logique agronomique, consiste à regrouper les balles dans le bâtiment par coupe et par parcelle, puis à planter une à deux sondes. Comme les balles proviennent du même lot, si une sonde révèle une anomalie de température, il y a de fortes chances que l’ensemble des bottes présente un risque identique. La seconde possibilité est une stratégie de couverture homogène. Elle consiste à placer les thermosondes dans le stockage de balles, afin d’obtenir une surveillance répartie sur l’ensemble du tas, plutôt que de se concentrer sur des lots de balles basés sur leur origine. Cela résulte d’en moyenne une sonde pour 10 à 15 bottes, au risque de louper des points chauds », expertise Marie Huyghe.
« Les thermosondes connectées constituent une assurance sommeil »
Marie Roy, associée au Gaec Sauget à Vevy dans le Jura, a été traumatisée par un incendie sur son exploitation. Elle utilise depuis huit ans les thermosondes connectées Haytech pour sécuriser le stockage des 1 400 bottes de fourrages annuelles.
« J’ai été confrontée à un incendie sur mon exploitation en 2014 et je ne veux plus revivre une chose pareille. Même si le feu n’était pas dû à l’échauffement de balles, cette situation traumatisante m’a incitée à trouver une solution pour sécuriser le stockage du fourrage », annonce Marie Roy, associée du Gaec Sauget en AOP Comté à Vevy dans le Jura. L’exploitante cultive 230 ha en production fourragère et élève 110 vaches laitières produisant 720 000 l de lait. Elle s’est rapprochée de la solution Haytech du fabricant Quanturi en 2016. Marie Roy a débuté avec 25 thermosondes connectées, communiquant par ondes radio avec deux lecteurs répartis sur ses trois bâtiments. Ces derniers étant assez éloignés du corps de ferme, elle a opté pour une transmission des données du lecteur vers la plateforme web Haytech par carte sim, plutôt que par la box internet. « Aujourd’hui, j’ai plus de 50 thermosondes en ma possession pour surveiller l’échauffement de mes 1 400 balles rondes de fourrage. Ce contrôle régulier de la température me permet de dormir plus sereinement sans craindre un nouvel incendie, bien que le risque zéro n’existe pas. »
Identifier les bottes les plus sensibles
« Dès le pressage, j’identifie les balles les plus susceptibles de s’échauffer au stockage. Il s’agit des fourrages à plus haut taux d’humidité comme ceux récoltés le long des haies », indique Marie Roy. Ces balles sont d’ailleurs placées au niveau des extrémités du bâtiment, afin de pouvoir les dépiler rapidement dans le cas d’un éventuel échauffement à risque. L’éleveuse applique également un marquage visuel facilement repérable sur les balles équipées de la thermosonde pour ne pas détruire cette dernière au désilage. « Depuis mon téléphone portable, je consulte la plateforme web de Haytech deux fois par jour, matin et soir, pour vérifier les températures des bottes, afin de déceler toute variation anormale d’échauffement. Elle affiche, pour chacune des sondes, la température mesurée toutes les heures. Elle indique aussi le taux d’émission et l’intensité du signal de chacune des thermosondes. Si l’une d’elles n’émet plus rien, cela signifie que sa pile est vide. Le remplacement s’effectue aisément et l’autonomie est de plus de trois ans », ajoute-t-elle. Marie Roy reçoit aussi des alertes sur la plateforme web ou par SMS lorsqu’une ou plusieurs thermosondes atteignent un des différents seuils d’échauffement.
Les seuils d’échauffement des balles de paille ou de foin
30 à 45 °C : fermentation normale. Odeur de levain.
45 à 55 °C : fermentation anormale. Couleur brun léger. Odeur de pomme pourrie.
55 à 65 °C : Début de la surfermentation et formation de vapeur d’eau. Couleur brun à gris. Odeur d’acide formique ou de tabac. (Risque d’incendie : sortir les balles)
65 à 70 °C : surfermentation prononcée. Couleur brun caramel. Odeur de café brûlé ou de roussi. (Risque d’incendie : sortir les balles)
+ de 70 °C : balle en combustion. Couleur brun-noir. Incendie imminent.
Les règles pour stocker les balles dans de bonnes conditions
- Récolter avec un taux de matière sèche supérieur à 85 %.
- Ne pas presser trop dense avec un fourrage humide.
- Placer les thermosondes connectées au cœur de la balle dès leur formation et tout au long du stockage.
- Ne pas trop serrer les balles entre elles dans le bâtiment.
- Disposer d’une solution de ventilation dans son bâtiment.
- Laisser un espace de 15 m autour du bâtiment pour manipuler les balles en cas d’incendie.
- Isoler, dans le bâtiment multiusage, la zone de stockage avec celle à risques (engins, ateliers).
- Effectuer un contrôle régulier et journalier de la température des balles (ne doit pas excéder 45°C).
- Équiper le bâtiment de moyens d’extinction.
Le stockage extérieur aussi exposé au risque d’incendie

Le stockage des balles de paille ou de foin en plein champ est plus courant aux États-Unis qu’en France, notamment par les dimensions immenses des exploitations. Les bottes sont disposées en forme de pyramide avec un angle minimum de 45 ° pour faciliter l’écoulement de l’eau. Elles sont recouvertes d’une toile de protection en polypropylène non tissée et perforée, afin de les protéger contre le vent et la pluie tout en les laissant respirer. Avec ce type de stockage, les facteurs aggravants d’échauffement restent identiques à ceux d’un entreposage dans un bâtiment, comme l’empilement d’un fourrage pas assez sec (supérieur à 15 % d’humidité) et une densité de pressage trop élevée. Les cinq seuils d’échauffement restent également identiques dans cette situation. Marie Huyghe, agronome et experte en foin chez Quanturi, indique que le système de surveillance par thermosonde connectée Haytech est compatible sur ce type de stockage. Toutefois, les risques de variation de l’humidité ambiante et de ventilations nécessitent une surveillance encore plus accrue. En effet, en plein champ, l’humidité ambiante du sol est plus susceptible de monter assez haut dans le tas par capillarité. L’isolation par des palettes posées au sol peut réduire ce facteur.
Jusqu’à cinq seuils d’échauffement des balles de foin et de paille

La fermentation normale d’une balle de paille ou de foin est constatée lorsque, sur plusieurs jours, la température au cœur est stable et comprise entre 30 et 45°C et qu’une odeur de levain est ressentie. Entre 45 et 55°C la fermentation devient anormale, nécessitant un contrôle de la température d’au moins deux fois par jour, pour prévenir d’un échauffement ou d’une éventuelle stabilisation. Les bottes prennent généralement la couleur brune légère et émettent une odeur de pomme pourrie. De 55 à 65 °C la botte commence une surfermentation, engendrant des vapeurs d’eau et une dépréciation du fourrage. Elle présente un aspect gris ou brun et dégage une odeur d’acide formique ou de tabac. L’exploitant se doit alors de cibler les endroits surchauffés et d’aérer les tas à partir du sommet. Entre 65 et 70 °C, la surfermentation de la balle est marquée avec un risque d’incendie, les vapeurs d’eau augmentent et la qualité du fourrage est nettement dépréciée. Elle présente une couleur brun caramel, laissant une odeur de café brulé ou de roussi. L’agriculteur doit assurer ses arrières avec des moyens d’extinction. Au-delà de 70°C, le risque d’incendie est quasi imminent. La couleur brun-noir indique que la balle est déjà en train de brûler. Seuls les pompiers peuvent intervenir. Plus généralement, au-delà de 60 °C d’échauffement, l’exploitant doit prévenir les pompiers avant d’entamer l’isolement des balles concernées, où, dans le meilleur des cas, elles pourront redescendre en température.