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Diam mise sur la mécanisation pour relancer le liège français

Dans les Pyrénées-Orientales, le Var et la Corse, Diam veut dynamiser la suberaie par la formation et la mécanisation afin de récolter davantage de liège.

L'un des outils mis au point par Pellenc est une sorte de sécateur inversé qui écarte le liège du tronc.
L'un des outils mis au point par Pellenc est une sorte de sécateur inversé qui écarte le liège du tronc.
© Y. Kerveno

« Le principal problème contre lequel nous luttons pour maintenir la production française aujourd’hui, c’est celui de la main-d’œuvre. La levée est très saisonnière, on y procède en juin et juillet et c’est un travail très spécialisé », expose Renaud Piazetta, directeur de l’Institut méditerranéen du liège. La tâche demande à la fois de la force et de la technique. Il faut dire que l’histoire de la suberaie française rappelle celle de l’industrie. Au fil des décennies, l’arrivée sur le marché de produits à meilleurs prix a réduit les opportunités commerciales. Certes, par nature les chênes-lièges ne sont pas délocalisables. Mais peu à peu ils se sont fondus dans la forêt et le savoir-faire si particulier qui se transmettait de père en fils s’est perdu. Résultat, aujourd’hui, si la France compte 96 000 hectares de suberaie, moins de 20 000 hectares sont en production.

Lire aussi " Une marque collective pour dynamiser le recyclage des bouchons de liège"

Le matériel est désormais plus performant

Mais depuis une dizaine d’années, Diam bouchage souhaite proposer à ses clients français des bouchons dont la matière première a été récoltée à proximité de leurs vignobles. L’entreprise s’est donc mise à sourcer du liège dans les Pyrénées-Orientales, le Var et en Corse. La question de savoir comment remettre la filière française du liège en selle s’est donc posée. Le bouchonnier a trouvé la réponse en travaillant avec la société privée Serpe, spécialisée dans les travaux d’élagage et forestiers. Cette entreprise possède plusieurs succursales en France, dans le Var et les Pyrénées-Orientales en particulier.

« Ce sont des professionnels habitués à ces environnements, auxquels il faut juste apprendre la technique propre à la levée », explique Fabien Nguyen, responsable de la division achats liège chez Diam bouchage. « Pour nous c’est une diversification intéressante », abonde José Da Silva, responsable du bureau perpignanais du groupe Serpe. « Nous sommes capables de mobiliser des personnels qualifiés qui connaissent le milieu. Même si c’est un exercice assez étrange pour eux parce que là, contrairement à l’habitude, ils ont les pieds au sol au lieu d’être dans les arbres ! » Lors de la première journée de formation organisée au printemps dernier dans une suberaie de Montesquieu des Albères, dans les Pyrénées-Orientales, ils ont pu s’approprier la technique grâce à des outils qui viennent aujourd’hui diminuer la pénibilité et augmenter les rendements. Fabriqués par Pellenc, ces matériels ont été mis au point en Espagne, et sont aujourd’hui suffisamment fiables. « La technologie existe depuis les années 1 990, mais les matériels étaient lourds, les batteries pas très performantes », résume Fabien Nguyen. Ils étaient peu adaptés aux parcelles escarpées de la suberaie française.

Un gain de productivité pouvant atteindre 20 %

Deux outils mécaniques sont mis en œuvre. Le premier est une petite tronçonneuse pour couper le liège femelle, équipée d’un capteur de profondeur pour ne pas entailler l’arbre. Le second outil est une espèce de sécateur inversé qui écarte le liège du tronc. Les finitions, les angles pas commodes, se font à la hache, de façon traditionnelle. Le gain en temps est important. « Nous avons calculé qu’il nous fallait entre six et dix minutes pour lever le liège », précise José Da Silva. Le gain de productivité peut atteindre 20 % selon les constats menés par Renaud Piazzeta sur un précédent chantier, et avec des équipes néophytes en la matière. Quand on sait que la main-d’œuvre représente 60 à 70 % du prix du liège, on comprend vite l’intérêt de gagner en productivité. « Cette association avec les entreprises de travaux forestiers peut intéresser les propriétaires parce que cela peut aussi être l’occasion d’entretenir ces parcelles, ces bouts de forêts. C’est tout le sens de notre travail aujourd’hui : établir un diagnostic des parcelles et des arbres, les remettre en production et faire en sorte que les propriétaires puissent percevoir un revenu de leur forêt et qu’ils s’y penchent », ajoute Renaud Piazetta. L’entretien de ces forêts est aussi une façon de limiter les dégâts lors d’incendies, malheureusement fréquents en zone méditerranéenne.

Multiplier par 6 les achats de liège français

Pour Diam, ce liège permet d’alimenter un petit marché haut de gamme de bouchons technologiques garantissant une origine locale du liège même si le coût de production est élevé. Au total, l’entreprise basée à Céret, dans les Pyrénées-Orientales, produit 5 millions de bouchons ainsi estampillés, soit moins de 1 % de sa production totale. Outre la levée, il faut aussi intégrer dans les coûts le transport du liège jusqu’aux moulins de Diam situés en Espagne. Pour que la filière prenne vraiment, Fabrice Nguyen estime qu’il ne faut pas se contenter du débouché bouchon. « Nous regardons pour essayer de trouver des moyens de valoriser aussi le liège mâle qui n’est pas utilisable par nos process mais qui peut intéresser d’autres filières comme l’isolation, la décoration, les litières pour animauxIl y a un équilibre à retrouver entre la suberaie, le pastoralisme, et cela, nous n’y parviendrons pas sans le soutien de l’État ou des collectivités. » Diam bouchage a ainsi obtenu un soutien pour la plantation de 3 200 arbres dans le Var. L’entreprise s’est fixée pour objectif de récolter et d’acheter 2 500 tonnes de liège français dans cinq ans contre 300 à 400 tonnes aujourd’hui.

Un potentiel à relancer

Aujourd’hui, selon Renaud Piazzetta, directeur de l'Institut méditerranéen du liège, il se récolte 1000 à 1500 tonnes de liège par an en France. Soit près de dix fois moins que dans les années 1950. Les grandes plantations de la fin du XIXe siècle, où s’étaient plantés beaucoup de chênes-lièges en remplacement de la vigne décimée par le phylloxera, donnaient alors à plein rendement. « Mais ce n’est pas parce que le liège n’est plus levé que les arbres ont disparu », précise-t-il. S’ils existent bel et bien, il faut cependant les « reconquérir ». « Il est tout à fait possible de récupérer une forêt qui n’a pas été exploitée pendant 40 ou 50 ans, en décollant le liège mâle, même si les arbres ont brûlé par exemple, et ensuite on repart sur un cycle de production normal. » Seul le liège femelle, obtenu lors de la 3e levée est adapté à la production de bouchons. Sur les 96 000 hectares de suberaie que compte la France, le Var en totalise plus de la moitié avec 54 000 hectares.

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