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Changer de paradigme en agronomie

Les premières rencontres internationales de l’agriculture du vivant ont eu lieu en février. L’occasion de faire le point sur une nouvelle façon d’appréhender l’agronomie.

Le couvert végétal dans les vignes permet de baser sa fertilité sur l'action des plantes et des organismes vivants plutôt que des intrants.
© X. Delbecque

Faire de l’agroécologie le modèle de production de demain, tel est le but de l’association Pour une agriculture du vivant et de l’organisme Ver de terre production. Ils ont coorganisé en février les premières rencontres internationales de l’agriculture du vivant. Lors de ces quatre jours, il n’était pas question d’opposer les modèles bio et conventionnel, mais de remettre le sol et l’agronomie au cœur de la problématique agricole. Les intervenants étaient unanimes : plus que des mesures agroenvironnementales, c’est recarboner les terres qui est aujourd’hui nécessaire. Pour Alain Canet, directeur de l’association gersoise Arbre et paysage 32, « une agronomie durable ne peut se baser que sur deux piliers : les couverts végétaux et l’agroforesterie ». Car c’est la plante qui construit la fertilité qu’elle utilise elle-même. De son côté, Konrad Schreiber, ingénieur agronome à l’Institut de l’agriculture durable (IAD), estime que le sol nu, en plus de faire monter la température du sol, entraîne un cercle vicieux qui amène à la formation de mottes de terre toujours plus grosses et compactes.

Un sol labouré représente une énergie non créée colossale

« Au final en travaillant le sol, on met beaucoup d’énergie fossile à créer des mottes, et on en dépense encore plus pour la défaire ! », dit-il. Pour lui, le soleil sur une terre nue est le pire ennemi de l’agriculteur. « En moyenne, un sol agricole d’Occitanie connaît 150 jours par an sans photosynthèse. C’est autant d’énergie non exploitée pour créer de la fertilité », alerte l’ingénieur. "De la fertilité mais aussi de l’eau", explique Ernst Zürcher, chercheur en sciences du bois à Bern (Suisse). « Pour une tonne de carbone transformée par la photosynthèse, soit un mètre cube de bois, il se forme 541 kilogrammes d’une eau nouvelle, qui est stockée dans le cytoplasme des cellules végétales », expose-t-il. Cette eau est restituée lors de la décomposition de la matière organique. Dernier argument apporté par l’agriculture du vivant : un sol couvert offre également un habitat privilégié pour les vers de terre. « Lors d’une de mes expériences, j’ai pu constater que la totalité de l’azote largué par les lombrics se retrouve quelques jours plus tard dans les plantes, relate Marcel Bouché, géodrilologue. C’est dire l’importance qu’ils revêtent pour une bonne fertilité. » Gageons que l’agroécologie va s’implanter petit à petit dans les mœurs.

Cultiver la vigne avec l’érable champêtre pour gagner en fertilité

Nicolas Lassus, vigneron au domaine Monluc dans le Gers, a présenté lors de ces rencontres la démarche originale qu’il a engagée. Après quelques déboires et interrogations sur la fertilité de ses parcelles, il a décidé de repenser complètement son approche agronomique. « Je me suis souvenu que la vigne, qui est une liane, a coévolué avec l’arbre, explique-t-il. Les Étrusques avaient remarqué une affinité particulière avec l’érable champêtre, et ils les plantaient ensemble. » Le vigneron a donc fait de même, en plantant une vigne menée en cordon à 1,70 m de haut, des pieds distants de 1 m, des interlignes de 2,80 m, et un arbre tous les 10 m sur chaque rang. L’érable mené en têtard produit tous les ans du bois qui est utilisé en bois raméal fragmenté (BRF) pour amener de la matière organique, en plus des 40 % de masse racinaire qu’il abandonne tous les ans et des mycorhizes qu’il apporte. « En parallèle, nous passons progressivement d’un système monoculture à une polyculture-élevage, pour avoir un écosystème en équilibre et productif », précise Nicolas Lassus.

comprendre

Lors du colloque, Fabien Balaguer, directeur de l’association française d’agroforesterie, s’est penché sur la définition de cette pratique. Pour lui, c’est Francis Hallé, botaniste de l’université de Montpellier, qui donne la voie en affirmant : « l’agroforesterie doit être considérée comme la manifestation la plus achevée d’une tendance générale qui consiste à associer entre elles des plantes utiles, sur la même parcelle de terre ». Cela n’implique donc pas la présence indispensable de l’arbre. « L’agroforesterie peut être définie comme un sol fertile dans un paysage fertile », a conclu Fabien Balaguer.

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